La nouvelle vie de Christophe Coppens

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Il a mis un océan entre son passé et lui. Christophe Coppens s’est installé aux Etats-Unis, quelque part dans les collines de Los Angeles. Fini le dilemme, il a délaissé la mode et choisi l’art à temps plein. Il expose aujourd’hui au Museum Boijmans Van Beuningen à Rotterdam. « Everything is local », dit-il. Son nouveau langage, en 7 mots.

Everything is local, Christophe Coppens, Museum Boijmans Van Beuningen à Rotterdam, du 9 mars au 2 juin prochain. www.boijmans.nl

DILEMME

« L’art ou la mode ? J’ai vécu ce dilemme durant tant d’années. En bon catholique flamand, j’ai été éduqué à terminer ce que je commence. Faire ce que l’on doit faire, le faire bien et aller au bout. Jusqu’au moment où j’ai senti que si je continuais, j’allais me rendre malade, être très malheureux ou devenir amer, ou les deux, ou les trois ensemble. Je crois que c’était le moment de dire stop. Aujourd’hui, je ne suis plus déchiré. Mais je ne regrette rien, surtout pas le chemin parcouru. Le passé influence mon futur et c’est bien. »

ACCESSOIRE

 » L’étrange situation ! Quand on crée un accessoire, on le fait en fonction de silhouettes existantes, pensées par d’autres, ce qui est déjà trouble en soi. Et c’est également schizophrène : on essaie de développer son propre style, mais, en même temps, pour survivre financièrement, il faut plaire à mille typologies différentes. La complexité est présente avant même de se mettre à travailler. »

NOUVELLE VIE

 » Je vis une nouvelle vie. Perdre tout, de l’argent, mon atelier, ce que j’avais développé, c’est perdre son identité, sa position sociale… C’est passer d’un état à l’autre : recevoir 200 mails par jour puis plus que 2, avoir X réunions puis plus rien, être quelqu’un puis plus personne. Repartir de zéro, cela permet de construire, de découvrir ce qui fait vraiment partie de soi, ce qui a le plus de valeur. Je viens de l’enfer et je connais, aujourd’hui, une situation idéale : je peux bâtir sur cette base que je découvre et qui compte, c’est un luxe. »

ART

 » Même si on peut faire de la mode avec une approche artistique, ce sont deux processus différents. Car le plus important dans la mode, c’est qu’elle soit portée, même si c’est par des excentriques, et vendue. Dès lors commencent les concessions, on doit adapter ses idées au marché. Tandis que pour un artiste, ce qui importe, c’est la façon de regarder, d’accepter son propre rythme, d’oser écouter son corps, ses sentiments et essayer d’en faire quelque chose, sans trop se forcer. J’aimerais développer un langage, qu’il me permette d’aller plus au fond, c’est cela qui m’attire. »

MUSÉE

« J’ai travaillé une demi-année sur ce projet, et j’éprouve un drôle de sentiment ; tout y est, de cette période de six mois, le manque d’énergie du début, la tristesse, la colère, toute la gamme de sentiments que j’ai vécus et ce qui y était lié. Je ne possédais plus rien de mon ancien atelier, tout est aux mains des curateurs, mis à part quelques petites choses qui traînaient encore, quelques archives, qui faisaient partie de cette ancienne vie. Je les ai mises dans mon projet. Il s’agit donc d’une installation sur cette période, une capsule du passé, dorénavant au musée, dans la collection permanente du Boijmans Van Beuningen. Cela m’a aidé à clôturer et à lâcher encore plus : tout n’est pas jeté à la poubelle ou vendu pour presque rien, tout n’est pas perdu. Quand j’ai arrêté ma griffe, en mai 2012, j’ai téléphoné à Han Nefkens, un collectionneur d’art et de mode qui m’avait déjà offert la possibilité d’exposer en 2008 avec No references. Il m’a proposé de commissionner ma première oeuvre d’artiste à temps plein. Le projet était né. »

LOS ANGELES

Los Angeles, c’est particulier. Beaucoup d’Européens ont des préjugés, pensent que la ville est très superficielle, qu’elle se résume à Rodeo Drive, que c’est un désert culturel, mais quand je l’ai découverte, j’en suis tombé amoureux. C’est grand, oui, mais pas tant que ça ! Et puis ici, on vous dit « bonjour » et on vous demande comment vous allez quand vous achetez votre pain, après ce que j’ai vécu, cela fait du bien… D’autant qu’il y a de la lumière, de l’air, de la légèreté, cela m’arrange, cela accélère le processus de création. Et puis la Belgique était trop pleine de souvenirs, il n’y a pas un coin à Bruxelles où je n’ai pas eu un atelier, un projet, une boutique. J’ai 43 ans et pas de temps à perdre. Ici, personne ne me connaît, ni pour le meilleur ni pour le pire. »

GALERIE

« On me demande souvent si je fais partie d’une galerie d’art. J’ai essayé pendant vingt et un ans d’appartenir à un certain monde, j’ai fait des efforts énormes pour être dans les « bons » magasins, vu par les « bons » journalistes, demandé par les « bons » créateurs, portés par les « bons » clients, j’ai tellement essayé qu’aujourd’hui, et je ne sais si c’est bien ou pas, je ne ressens pas le besoin immédiat de répéter cette histoire. Quoique, si un galeriste me le propose… Développer un langage, sur une base solide, c’est cela qui compte surtout. Ne pas le faire à moitié. Simplifier. Ce sera dur, mais c’est le seul moyen. »

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