L’art contemporain en 2013 en 6 questions/réponses

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Il excite la terre entière et bat des records de vente, mais quel est l’état de l’art en 2013 ? Quelles sont ses grandes tendances, ses signatures ? Réponses en six questions.

1. Biennales, foires, musées, galeries… Quels sont les lieux de l’art contemporain aujourd’hui?

Le phénomène n’aura échappé à personne : les foires sont devenues le rendez-vous incontournable des amateurs d’art. Selon le magazine The Art Newspaper, elles étaient trois en 1970 (Cologne, Bâle, Bruxelles), 36 en 2000 et elles ne sont pas moins de 288 en 2013 !

Si Art Basel, en Suisse, reste de l’avis général la meilleure, de nouvelles fleurissent chaque saison sur la planète. Désormais, le club arty peut faire le tour du monde au gré du calendrier, de Miami à Hongkong en passant par Dubai. Les galeries, les plus puissantes, se prêtent au jeu, conscientes que les nouveaux clients se régalent de ces grand-messes. « Pour beaucoup d’acheteurs, aujourd’hui, l’art est une fête, avec son tourisme, ses mondanités, analyse la conseillère Patricia Marshall. Sur les foires, on vient avant tout exhiber son statut social. »

Ces dernières donnent un panorama des oeuvres qui se vendent, quand les biennales, conçues comme des méga-expositions sans but commercial, donnent à penser la création du moment. L’art se fait alors marqueur sociologique et politique du pays qui l’organise. Si Venise reste la plus festive des biennales, celles de Gwangju, en Corée du Sud, ou de Sharjah, aux Emirats, excitent de plus en plus l’oeil des experts. Avec l’ouverture prochaine des musées d’Abou Dhabi (Louvre et Guggenheim), ce vent d’est n’est pas prêt de tomber.

2. Comment fluctue la cote d’un artiste?

Pourquoi la photo d’Andreas Gursky, Rhein II, est-elle devenue la plus chère du monde (3,1 millions d’euros), détrônant ainsi l’autoportrait de Cindy Sherman ? Pourquoi un jeune artiste va-t-il voir d’un seul coup sa cote grimper, puis retomber quelques années plus tard ? Une chose est sûre : l’emballement des investisseurs, de plus en plus nombreux à spéculer, bouscule les règles du marché. Certains artistes qui n’ont que quelques années d’existence sur la scène affichent déjà des tarifs autour de 300 000 euros.

Du jamais-vu il y a encore dix ans. La faute au phénomène de mode : « Si tout le monde veut la même chose au même moment, les prix montent, ce qui est de plus en plus le cas avec l’émergence d’une nouvelle clientèle plutôt néophyte et donc très suiviste », pointe Patricia Marshall.

Les critères pour établir une cote restent cependant rationnels. Matthieu Humery, expert chez Christie’s, explique : « Le prix d’une oeuvre se calcule selon la renommée de son auteur, la place qu’elle occupe dans la carrière de l’artiste et dans l’histoire de l’art, son pedigree, son état général et, bien sûr, sa rareté. » Depuis la vente du Cri, de Munch, l’an dernier à 112 millions de dollars, on sait à quel point les milliardaires sont prêts à toutes les folies pour obtenir leurs « trophées ».

3. Qui sont les nouveaux Jeff Koons?

Les années 2000 ne juraient que par Jeff Koons, Damien Hirst et Takashi Murakami. Leurs oeuvres enflammaient les enchères et décrochaient des records en millions de dollars. Mais leurs homard géant, requin plongé dans le formol et autres sculptures mangas commencent à lasser. « Trop bling-bling pour notre époque », analyse Guy Boyer, directeur de Connaissance des arts.

Quels sont leurs remplaçants ? Il est encore trop tôt pour le dire. Richard Prince, Ugo Rondinone, les frères Chapman ou Erwin Wurm figurent parmi les plus recherchés du moment. D’autres montent en puissance, parmi lesquels l’Autrichien Rudolf Stingel, qui vient de prendre possession du Palazzo Grassi, à Venise, soutenu par son mentor, François Pinault.

Mais, sous l’effet de la mondialisation, une nouvelle vague de plasticiens non occidentaux, chinois, iraniens ou libanais, déferle à son tour sur la scène internationale. Peut-être les stars de demain.

4. Y a-t-il une crise du marché de l’art?

« De quel marché parle-t-on ? interroge Roxana Azimi, rédactrice en chef du site Lequotidiendelart.com. Celui que constituent les traditionnelles maisons de ventes, Christie’s et Sotheby’s, et les grandes galeries implantées à l’international, telles que Gagosian, White Cube ou Perrotin, se porte bien. » Par son intermédiaire sont vendues les oeuvres des artistes les plus recherchés du moment, et il résiste d’autant mieux à la crise qu’il attire les nouveaux collectionneurs richissimes, originaires du Moyen-Orient et des pays émergents, Brésil, Inde, Chine ou Russie. Le marché des autres galeries, les plus nombreuses, se trouve en revanche dans la tourmente. « Car il est fréquenté par une catégorie bien moins fortunée d’amateurs d’art, qui eux sont davantage concernés par les problèmes d’économie et de fiscalité. »

C’est la raison pour laquelle Jérôme de Noirmont, pourtant l’un des premiers marchands français, a annoncé, en mars, la fermeture de son enseigne de l’avenue Matignon. Le galeriste a baissé pavillon après vingt années d’existence.

5. Existe-t-il encore un art engagé?

Les périodes chaotiques incitent à l’engagement. C’est ainsi que, depuis le début des années 2000, un souffle de révolte s’est emparé de la création. Guerres, terrorisme, répression, violence, pauvreté, chômage… les maux qui se sont abattus sur la planète ont réveillé les consciences et enflammé les imaginations, particulièrement hors des pays occidentaux. Par ses dénonciations d’un régime totalitaire, le dissident chinois Ai Weiwei, qui sera cet été l’invité de la Biennale de Venise, sous la bannière du pavillon allemand, est devenu l’emblème de la résistance politique.

Mais partout, des rivages de l’Inde aux confins de la Russie, nombre d’artistes, interpellés par l’actualité, font entendre leur voix. L’embrasement du monde arabe inspire toute une génération de plasticiens originaires du Maghreb, du Moyen- ou du Proche-Orient.

6. Peut-on encore acheter de l’art?

A force d’entendre les chiffres astronomiques de quelques ventes retentissantes, on pourrait croire que l’art contemporain n’est plus destiné qu’aux milliardaires de la planète (certes de plus en plus nombreux, mais ne formant, somme toute, qu’un petit club). Ce serait oublier qu’il existe un marché parallèle, moins prestigieux et tapageur, où circulent des oeuvres à prix raisonnables. « C’est le moment d’acheter du bon art pour pas cher, assure Patricia Marshall. On est en train de redécouvrir plein d’artistes des années 1960-1970, des mouvements comme l’art cinétique plaisent à nouveau. Les grands musées leur consacrent des expositions, c’est un signe.

Et ces oeuvres-là sont très accessibles. » Le conseil des pros pour bien acheter ? « S’éloigner des modes, s’intéresser à des artistes dont le travail est suivi par des galeries sérieuses. Surtout, choisir ce qu’on aime intimement », insiste Matthieu Humery, de Christie’s.

A défaut d’investir dans une toile, l’amateur d’art pourra toujours jeter son dévolu sur les collections de mode et d’accessoires réalisées par les artistes avec les maisons de luxe. Un exercice en vogue, dans lequel Marc Jacobs, chez Louis Vuitton – avec Stephen Sprouse, Richard Prince, Takashi Murakami ou récemment Yayoi Kusama -, est passé maître. Le maroquinier ouvre d’ailleurs prochainement sa fondation pour l’art contemporain à Paris. Gageons qu’on retrouvera les oeuvres de quelques-uns de ces artistes sur ses cimaises.

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