Le marin, nouvelle égérie des cosmétiques homme

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Dernier bastion de l’inexploré, la mer fait encore rêver, tout comme les marins qui osent s’y confronter. Une fascination que partagent aussi les grands noms du luxe qui cherchent à retirer de leur partenariat avec les vainqueurs une part de gloire.

Cette image-là a fait, comme lui, le tour du monde. Il est tout juste 15 heures 18 minutes et 40 secondes, lorsque François Gabart, 29 ans alors mais qui en fait dix de moins, franchit la ligne d’arrivée du Vendée Globe dans le temps record de 78 jours, 2 heures 16 minutes et 40 secondes. Juste ce qu’il faut pour boucler la planète sans escale, sans assistance et sans équipage. Ce dimanche 27 janvier 2013, plus de 200 000 personnes ont fait le voyage jusqu’aux Sables-d’Olonne pour voir le jeune skipper du 60′ Macif agiter ses balises de détresse en guise de feux de joie tout le long de la remontée du chenal qui le mènera à la victoire, à Port Olona.

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Un peu plus d’un an plus tard, le petit prince de la mer reprend la pose, cheveux blonds au vent et barre à la main, mais pour un géant de la cosmétique cette fois.  » Fort, déterminé, conquérant « , tels sont les qualificatifs choisis par Patrick Kullenberg, directeur général international de Biotherm pour justifier le choix du Charentais comme égérie de la campagne des soins pour homme Aquapower sur le marché français. Le marin, lui, préfère parler de  » passion commune pour l’univers aquatique « .

Et si l’on apprend au passage que le jeune champion, qui se lancera fin 2014 dans la Route du Rhum, s’hydrate bel et bien la peau le soir avant de se coucher avec le soin dont il est le visage – un déo et une crème solaire de la marque faisant aussi partie de sa  » routine beauté  » -, la tribune médiatique qui lui est ainsi offerte est surtout l’occasion pour lui de parler de son engagement en faveur de la protection des eaux internationales qui n’appartiennent à aucune nation.  » Sur les flots, je suis témoin de ce qui se passe et je me rends compte de la fragilité de notre écosystème, constate-t-il. Sur un bateau, nous naviguons en autonomie d’énergie, dans un milieu qui est isolé et je pense que nous perdons cette notion sur le terre ferme. Les eaux internationales constituent une zone tampon en haute mer qui n’est pas protégée. Pour qu’elle le soit, il faut légiférer. »

Ce n’est sans doute pas un hasard si l’autre champion du soin pour homme vendu en parfumerie a également choisi de mettre en avant un vainqueur de transats au long cours lui aussi soucieux d’écologie. Lauréat du 1er Prix Clarins Styles Environnement 2013 décerné en collaboration avec le magazine L’Express Styles (NDLR : l’équivalent français du Vif Weekend), Roland Jourdain, coureur au large de profession – il est le premier navigateur à avoir remporté deux fois la Route du Rhum en 2006 et 2010 -, allie désormais son amour de la voile à la défense de l’environnement. Ce chantre des biomatériaux n’a de cesse depuis 2009 de démontrer grâce au premier trimaran éco-conçu à partir de fibre de lin, de liège et de résine que ces substituts naturels pourraient parfaitement remplacer les dérivés des produits pétroliers et cela pas seulement sur les voiliers de compétitions.

Autre exemple notoire d’association d’une marque de luxe à l’univers prestigieux des grandes compétitions de voile, la maison Prada, par l’entremise de son CEO Patrizio Bertelli, arme depuis 1997 l’un des bateaux challengers de l’America’s Cup, le plus ancien et le plus prestigieux des trophées jamais disputés. L’an dernier encore, Luna Rossa était sur les rangs de la Louis Vuitton Cup – c’est là que sont départagées les équipes désireuses de se mesurer au Defender, le tenant du titre resté dans les mains d’Oracle Racing, vainqueur des éditions 2000 et 2013 de l’America’s Cup, dont la 34e édition s’est tenue en septembre dernier à San Francisco – dans l’espoir de décrocher son ticket d’entrée pour la course suprême. La griffe italienne n’a d’ailleurs pas hésité à donner le nom de son bateau à l’un de ses parfums masculins lancé en 2012. Un jus dense et frais à la fois, au flacon caréné comme le prestigieux bicoque dont il reprend même les codes couleurs gris et rouges.

 » Ce n’est certes pas la première fois que les marques utilisent la mer et tout ce qu’elle peut évoquer pour tenter de nous faire rêver, constate Marc Lits, professeur à l’école de communication de l’UCL. Mais cette fois, on est davantage confronté au mythe du marin breton qu’à celui de la vahiné ! Ce que l’on nous présente ici, c’est l’un des derniers lieux sur la terre où l’exploit reste encore possible. Même si l’on ne découvre plus de nouvelles terres comme les grands explorateurs d’autrefois, on peut se mettre en danger et dépasser ses limites. La technologie même sur un bateau sans moteur, les nouveaux matériaux aussi, permettent encore à l’homme de battre des records. L’eau reste l’élément le plus original au sens premier du terme qui conserve encore toujours une part de mystère. Celui de la fondation du monde, en particulier, cet océan dont nous sommes tous issus. « 

S’ajoute à cela l’image de sport  » pur  » – parce que non polluant, non associé non plus à un brassage tonitruant d’argent aux yeux et à la face du monde entier comme cela peut être le cas dans le football ou la Formule 1 – qui donne envie au grand public de s’enthousiasmer pour ces hommes – et ces femmes aussi de plus en plus nombreuses – capables de se lancer dans de telles aventures. On comprend mieux pourquoi les récits des exploits des skippers du Vendée Globe ont remplacé ceux des équipes d’un Paris-Dakar délocalisé, passé aux oubliettes de la grand-messe médiatique du JT.  » Les marins sont vus comme des hommes audacieux qui vont au bout de l’extrême mais on leur prête aussi des valeurs éthiques de gens somme toute ordinaires menant une vie simple et naturelle au contact de la nature, poursuit Marc Lits. Une certaine incarnation de l’authenticité – avec la mer on ne peut pas tricher – à laquelle les marques aiment particulièrement être associées. « 

Autrefois réservés à une élite, les plaisirs du bateau de plaisance se sont aussi démocratisés depuis l’avènement des congés payés.  » Aujourd’hui, tout le monde ou presque peut passer des vacances au bord de l’eau, note Marc Lits. Et il n’est plus nécessaire de posséder un voilier pour apprendre à naviguer. Le succès des stages Adeps pris d’assaut chaque année est là pour en témoigner.  » C’est d’ailleurs pour offrir du grand spectacle aux vacanciers comme aux habitants de Barcelone que la maison Puig – la famille catalane qui la dirige a d’ailleurs la voile dans le sang – organise chaque été depuis sept ans maintenant la Puig Vela Classica Regatta, une compétition haute en couleurs rassemblant des yachts anciens venus des quatre coins du monde.  » Tradition, esthétique et compétitivité sont des valeurs que nous partageons avec l’univers de la voile « , pointe le CEO Marc Puig. Nos concurrents n’hésitent pas à emmener leurs clients un peu partout dans le monde. Nous avons la chance d’être basés à Barcelone, un lieu exotique en soi, que nous aimons et dont nous sommes fiers.  »

Miser ainsi sur ses racines, c’est aussi la carte que joue Louis Vuitton en s’associant aux sélections de l’America’s Cup en organisant depuis plus 1983 les épreuves de qualification de la LV Cup. Dans l’ouvrage publié à l’occasion du trentième anniversaire de cette compétition d’élite, le géant du luxe français rappelle non sans humour que ses malles Aéro créées en 1910 tout spécialement pour les nacelles de montgolfière étaient non seulement insubmersibles mais assuraient même le flottabilité de celles-ci en cas de naufrage. Une bien étrange bouée de sauvetage pour une race d’hommes à part, celle qui fait de l’aventure à tout prix, dans les airs comme en mer et sur la terre, un choix de vie.

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