Les Baby Zoomers, ou comment la pandémie a filé un coup de vieux aux Millenials

Adieu, studio rikiki étouffant durant le confinement, bonjour la villa en banlieue! © Getty Images
Kathleen Wuyard
Kathleen Wuyard Journaliste & Coordinatrice web

Longtemps opposés aux Baby Boomers dans l’imaginaire collectif et médiatique, les Millenials ont aujourd’hui rattrapé l’écart qui les séparait de leurs ainés. La faute à la pandémie, qui a vu une certaine forme de nihilisme générationnel remplacée par la trilogie mariage-bébé-crédit.

Tant et si bien qu’une nouvelle génération est née au sein des Millenials : les Baby Zoomers, soit ceux qui ont acquis tout ou une partie des symboles des Boomers le temps de la pandémie et des confinements. Simple hasard de calendrier ? Au contraire, il s’agit bien-là d’un effet secondaire du COVID-19, et un simple sondage informel dans n’importe quelle bande de potes trentenaires confirme rapidement la tendance.

Il y a deux ans encore, Lucie*, Bruxelloise de 34 ans, aurait été prête à jurer que jamais ô grand jamais elle et celui qui partage sa vie depuis bientôt dix ans n’auraient d’enfants. Le bonheur, pour eux, ressemblait à un quotidien somme toute toujours très similaire de celui des débuts de leur histoire à la sortie de l’université. Soit un tourbillon de soirées entre potes jusqu’aux petites heures, d’apéros endiablés peu importe le jour de la semaine, de mini breaks impromptus et autres stigmates d’une liberté qu’ils ne se voyaient pas abandonner de sitôt.  » Quand je comparais notre vie à celle de nos potes qui avaient des enfants en bas âge, autant bien sûr je trouvais leur marmaille mignonne, autant ça m’angoissait à mort  » confie Lucie.  » Pour moi, leur quotidien n’était qu’un immense sacrifice fait de privations, parce qu’un bébé ça coûte cher et ça demande pas mal d’organisation, mais aussi d’un manque de sommeil chronique sans possibilité de grasses matinées pour rattraper un peu la fatigue. L’enfer « . Une position sur laquelle Lucie et son compagnon campaient fermement… Jusqu’à ce que le premier confinement arrive.

Pour moi, leur quotidien n’était qu’un immense sacrifice fait de privations, parce qu’un bébé ça coûte cher et ça demande pas mal d’organisation, mais aussi d’un manque de sommeil chronique sans possibilité de grasses matinées pour rattraper un peu la fatigue. L’enfer

Lucie, 34 ans

La peur du vide

 » Très rapidement, on s’est rendus compte que sans les soirées, fêtes et autres petits citytrips improvisés, notre vie était bien vide. On est très amoureux, bien sûr, ce n’était pas le souci, mais sans s’en rendre compte, on s’était enfermés dans une forme de routine de la fuite en avant, toujours en quête de la prochaine bamboche ou aventure. Coincés à la maison, avec pas mal de temps libre grâce au télétravail, on a tourné en rond et on a réalisé qu’on était prêts à se poser et à construire quelque chose de plus pérenne ensemble qu’une succession d’albums photos de soirée ou de vacances  » se souvient Julie. Qui attendait son premier enfant, un petit garçon qui lui fait aujourd’hui ses premières risettes, en juin 2020.

À la stupéfaction totale de son entourage, même si, depuis, la tendance s’est suffisamment généralisée pour que lorsque l’indécrottable indépendant.e de la bande annonce sa parentalité prochaine, la nouvelle suscite un simple sourire de voir une personne de plus rejoindre les rangs des  » parents COVID  » et par extension, des Baby Zoomers. En novembre dernier, au service gynécologie du Grand Hôpital de Charleroi, on annonçait ainsi une hausse des débuts de grossesse de 5 à 10 %. Pas vraiment le baby boom annoncé à l’aube du premier confinement (et qui n’a d’ailleurs jamais vu le jour) mais bien un pourcentage représentatif du cheminement entrepris par les Millenials ces derniers mois.

La pandémie de COVID-19 a changé le quotidien de nombreux Millenials
La pandémie de COVID-19 a changé le quotidien de nombreux Millenials© Getty Images

L’herbe plus verte en banlieue ?

Autre secteur ou ce changement de paradigme s’est fait ressentir ? L’immobilier, pris d’assaut par une génération qui, jusqu’alors, vivait très bien son choix de vivre dans un quartier prisé ou une ville cosmopolite moyennant un espace de vie réduit, et a revu cette décision après des semaines passées, littéralement, entre quatre murs. Ainsi Liège par exemple a-t-elle enregistré une année record, les prix de l’immobilier ayant augmenté de 10% en 2020, une tendance qui se vérifié également dans les grandes villes de Belgique et d’ailleurs, nos voisins français parlant carrément de marché entièrement bousculé par la pandémie. D’après Orpi, 1er réseau d’agences immobilières de l’Hexagone, les villes moyennes (et les pavillons de banlieue) seraient désormais plus prisés que jamais : l’agitation de Paris, oui, mais passer des mois au sein d’un 20 m2 perdu dans une ville morte, plus jamais.

Je prenais chaque story de barbecue ou de balade à la campagne comme une attaque personnelle

Julien*, 31 ans, avait quitté son Hainaut natal pour la capitale à l’âge de 18 ans, jurant qu’il ne ferait jamais le voyage en sens inverse… Jusqu’à ce que le COVID-19 arrive. « Quand je voyais les photos postées par mes parents et mes potes d’enfance de leur confinement avec jardin ensoleillé, voire même petite piscine pour profiter du temps superbe qu’il faisait, et que moi j’étais coincé dans mon petit studio au Châtelain… Je ne vais pas mentir, je rageais comme pas possible » sourit celui qui prenait « chaque story de barbecue ou de balade à la campagne comme une attaque personnelle ». Jusqu’à ce qu’il réalise que rien ne l’empêchait de vivre lui aussi cette vie.

Coup de vieux

 » Déjà avant le confinement, je pouvais bosser pas mal de chez moi, et désormais, mon chez moi est une maison bel-étage avec un grand jardin à 20 minutes de là où j’ai grandi « . Une tendance qui n’a fait que se confirmer ces derniers mois, explque le groupe immobilier Les Viviers :  » en Wallonie, le marché immobilier a retrouvé un bel élan économique. Il faut dire que vos maisons sont attractives à plus d’un titre. Que ce soit la jolie terrasse de votre appartement à Namur ou le jardin bucolique de votre maison à Rochefort, la crise Covid a convaincu bon nombre de Belges à se diriger vers des biens immobiliers équipés d’espaces extérieurs« . Le bébé, la villa quatre façades, le chien, le monospace pour véhiculer tout ce petit monde en périphérie… Les Millenials seraient-ils décidément passés du côté Boomer de la force ? Il semblerait que oui : durant la pandémie, une des tendances les plus populaires sur les réseaux a vu la Gen Z, leurs cadets, rire des signes distinctifs des Millenials, de leur passion dévorante pour Harry Potter à leur faible pour les jeans skinny. Zoomer ou non, on est toujours le vieux (ringard) de quelqu’un…

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