Les soins inspirés de la médecine esthétique

En Europe, pour plus d’une femme sur dix, la médecine esthétique n’est plus un tabou. Pour toutes celles qui hésitent encore à sauter le pas, un nombre croissant de soins s’inspirent des protocoles médicaux. Et tentent de rivaliser avec les résultats promis par les interventions.

C’est le genre de petit matin blême qui s’imprime à jamais dans la mémoire : celui où pour la première fois, sous la lumière crue et impardonnable de la salle de bains, on prend, comme ça, en une nuit, dix ans dans la vue. Certes, la douche suivie du rituel lotion-crème-de-jour-contour-des-yeux aide à réparer les dégâts. Mais le portrait dans le miroir – cette vilaine caricature de soi, à la bouche amère, au regard plombé par les cernes violets fripés de rides – a du mal à se faire oublier. Pour beaucoup de femmes – de plus en plus, en fait – il n’en faut pas plus pour que la tentation « de passer à l’acte » commence, tout doucement, à faire son petit bonhomme de chemin.

Selon l’IMCAS (NDLR : International Master Course on Aging Skin, soit l’un des plus importants congrès mondiaux consacrés à la chirurgie et à la dermatologie esthétique), le marché des procédures anti-âge, en croissance de plus de 10,1 % en 2011 (*), dépasserait aujourd’hui les 3,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. Des montants qui auront pour ainsi dire doublé d’ici à 2016 et ce en dépit du ralentissement économique général induit par la crise. En tête des traitements suivis, on retrouve sans surprise les injections de Botox et d’acide hyaluronique, ces dernières ayant même enregistré un boom de popularité de près de 22 % en Europe, en 2011. Et ce alors que le Vieux Continent, avec 7 % à peine de business supplémentaire l’année dernière, reste sensiblement à la traîne si on le compare aux États-Unis (11 %), à l’Amérique latine (11 %) et surtout à l’Asie (15 %).

« La médecine esthétique, tout comme la chirurgie esthétique d’ailleurs, doit faire face dans nos régions au tabou judéo-chrétien qui tend à nous convaincre qu’il ne faut pas toucher au corps que Dieu nous a donné, analyse Didier Tabary, président des laboratoires Filorga. Seule la beauté intérieure aurait de l’importance. On est presque gêné d’admettre qu’on a « fait » quelque chose. Oser passer ce cap implique tout un travail sur l’estime de soi. »

Face à l’avènement de l’image en haute définition qui ne pardonne plus rien, à l’allongement de la durée de vie, aussi, l’envie « d’essayer » titille de plus en plus de femmes, tentées surtout par la promesse de réversibilité de la plupart de ces nouvelles procédures (lire en page 53). Alors que l’on assiste à une baisse de l’âge moyen des premières interventions – certaines n’hésitant pas à se faire injecter du Botox dans le front dès 25 ans, à titre préventif – le concept de traitement combiné, mêlant à la fois médecine esthétique et utilisation de cosmétiques « mimant » l’action de ces protocoles appliqués en institut ou à la maison, rencontre un succès croissant.

« Chez Filorga, nous réalisons aujourd’hui 50 % de notre chiffre d’affaires avec nos soins anti-âge », se réjouit Didier Tabary. Lancée en 2007, la gamme contient des actifs identiques à ceux que l’on retrouve dans les produits médicaux de la société. Son nouveau cocktail, baptisé Time-Filler, promet ni plus ni moins de corriger tous les types de rides grâce à ses effets « Botox-like, filler-like, méso-like et peeling-like » conjugués ! Une manière comme une autre de familiariser les indécises avec le vocabulaire et les résultats qu’elles pourraient espérer d’un traitement qui irait « un peu plus loin ».

Une win-win operation bien comprise également par la marque Helena Rubinstein et les praticiens de la célèbre clinique esthétique Laclinic-Montreux, en Suisse. Mésolift, peeling, traitements laser et injections : depuis 2008, les chercheurs du groupe L’Oréal se sont inspirés de ces techniques pour mettre au point la ligne Re-Plasty. « La première gamme d’interventions cosmétiques instantanées qui n’hésite pas à comparer ses performances à celles de la médecine esthétique en matière d’effets anti-âge », insiste Elisabeth Sandager, international general manager d’Helena Rubinstein. Lancé en septembre dernier, le petit dernier baptisé Pro Filler et présenté dans un packaging rappelant la forme d’une seringue se pose en substitut des injections d’acide hyaluronique dont il surpasserait même les bénéfices, en terme de fermeté, d’hydratation et de lissage de la peau. Selon l’étude réalisée sur deux groupes de femmes par le CHU de Besançon, les visages du groupe traité avec le sérum auraient même l’air plus reposé que ceux de l’échantillon « injecté ». Et ce au bout d’un mois seulement d’utilisation.

DES PRODUITS RELAIS ENTRE DEUX INJECTIONS « Nous osons parler de « clinique à la maison », poursuit Elisabeth Sandager. Pour ce faire, nous prenons ce qu’il y a de plus actif, dans la concentration maximale possible autorisée dans le secteur des cosmétiques. Ces produits sont des relais cosmétiques pour toutes celles qui aimeraient bien mais qui ne sont pas tout à fait prêtes à franchir le cap de l’acte médical. Des femmes pointues qui connaissent parfaitement leur peau et qui veulent bien vieillir. » Une démarche complémentaire donc, qui retardera peut-être la première piqûre tout en la dédramatisant. « Ce type de soins convient aux femmes de 35-40 ans qui éprouvent déjà le besoin de prévenir, d’agir tout en différant le geste médical, esthétique ou chirurgical, ajoute le docteur Michel Pfulg, fondateur de Laclinic. Le mimétisme parfait n’est pas possible. C’est un travail au long cours. Après une séance de méso ou des injections, le résultat est immédiat. Ici, on travaille sur la durée. Ces produits sont aussi d’excellents relais pour entretenir l’effet entre deux séances. »

Jouer la carte de la substitution, par rapport à une procédure – le laser – dont les « ratés », largement médiatisés car malheureusement définitifs, ont de quoi faire peur, c’est aussi le parti pris que l’on a choisi chez Clinique. Derrière le pack à pipette très « pharmaceutique » du Repairwear Laser Focus mis en scène sur les stands de la marque par des vendeuses en blouse blanche se cache un sérum qui promet, à condition d’en appliquer trois gouttes deux fois par jour pendant 12 semaines, une réduction des rides à 63 % équivalente à celle que l’on obtiendrait après une séance de laser. Même discours chez L’Oréal Paris dont la toute nouvelle gamme Revitalist Laser X3 – un sérum, une crème et un soin contour des yeux – diminue après huit semaines d’utilisation biquotidienne la profondeur des rides de la patte d’oie de 14 %, contre 17 % pour une session de laser CO2 fractionné.

Et si les résultats promis par ces soins mimétiques restent dans la majorité des cas inférieurs à ceux des actes médicaux, leurs coûts sont aussi bien moindres. Ils s’appliquent également du bout des doigts. Sans douleur – car oui, les piqûres de méso et autres peelings ne sont pas une partie de plaisir -, sans effets secondaires – croûtes, rougeurs, bleus… – et surtout sans risque de ne plus se reconnaître – mais pour une autre raison cette fois – dans son miroir, le matin.

Les actes qu’on cherche à mimer

Les injections de Botox.

La toxine botulique induit une mise au repos temporaire des muscles, ce qui a pour effet de lisser les rides du front, inter-sourcilières et les pattes d’oie. Son effet se résorbe au bout de six mois. Entre 250 et 350 euros (*).

Les injections d’acide hyaluronique.

Présent naturellement dans notre organisme où il agit en quelque sorte comme une éponge en retenant l’eau dans les couches profondes de la peau, il est injecté en intradermique principalement dans le bas du visage – dans les sillons naso-géniens et les « plis d’amertume » – sous forme de gel plus ou moins épais selon la profondeur des zones à combler. Il peut aussi traiter les joues, les pommettes, les pattes d’oie et servir à redessiner le contour des lèvres. Les piqûres sont souvent douloureuses et peuvent être réalisées, à la demande, sous anesthésie locale. Visibles immédiatement, les effets disparaissent après 6 à 8 mois. Entre 300 et 600 euros.

Le peeling.

Une solution chimique exfoliante, à base d’acide glycolique, élimine de façon contrôlée les couches supérieures de l’épiderme, stimulant ainsi le renouvellement cellulaire. En 3 à 5 séances, elle resserre les pores, gomme les ridules, affine le grain de la peau et lui redonne de l’éclat. Le teint est plus homogène et plus lumineux. Entre 80 et 120 euros.

La mésothérapie ou mésolift.

Une série de micro-injections d’un cocktail vitaminé liquide à base d’acide hyaluronique sont réalisées à la main ou au pistolet sur l’ensemble du visage. Cette solution revitalisante relance l’activité des cellules et régénère le matelas cutané. Pour un effet visible et durable plusieurs séances – leur nombre dépendant de l’âge de la patiente et de la santé de sa peau – sont nécessaires. Dès la première, toutefois, le teint paraît plus lisse et éclatant. Si la douleur est supportable – il s’agit quand même d’une succession ininterrompue de piqûres… -, le traitement n’a rien d’une sinécure et reste certainement aussi désagréable qu’une épilation. Environ 120 euros.

Le laser.

Selon le type de rayonnement utilisé, le traitement visera plus spécifiquement les taches pigmentaires ou initiera, en créant des dommages microscopiques entre deux espaces de peau saine, une régénération des tissus. Grâce à la synthèse de collagène induite par ce procédé, la densité dermique est augmentée et la peau apparaît plus ferme, plus tonique et moins ridée. Largement médiatisés, les « ratages », hélas souvent irréversibles, incitent à la prudence. Et expliquent sans doute pourquoi de plus en plus de soins inspirés par la médecine esthétique se posent en traitement de substitution. Entre 300 et 500 euros.

(*) Tous les prix mentionnés sont donnés à titre purement indicatif : ils dépendent de la zone à traiter et restent fonction du praticien choisi.

LE BOTOX EN POT N’EST PAS POUR DEMAIN Pas question de surfer ici sur la vague des formules « Botox-like » qui ne contiennent pas une trace de la célèbre toxine botulique. Le produit qui fait le buzz aux États-Unis où il est actuellement en phase de tests cliniques ne trônera jamais dans votre salle de bains. Appliqué uniquement par un médecin, ce gel vise prioritairement les ridules de la patte d’oie, son activité n’étant pas suffisante pour agir sur les muscles de la ride du lion. S’il permettra de se dérider le coin des yeux sans avoir recours à une injection – la peur de la piqûre bloque encore certaines consommatrices – il lissera moins… et moins longtemps. Peu de risque en revanche d’avoir l’air « retouchée ». Dans le meilleur des cas, cette formule développée par le laboratoire américain Revance Therapeutics devrait recevoir l’agrément de la FDA (Food and Drug Administration) d’ici un à deux ans. Avant de partir à l’assaut du reste du monde.

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