L’infidélité au féminin

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« Je, je suis libertine, je suis une… ». Rayé le disque? Peut-être. Car l’infidélité féminine se dévoile, s’assume et se calque doucement sur le modèle masculin. Explications.

« Je, je suis libertine, je suis une… ». Rayé le disque? Peut-être. Car l’infidélité féminine se dévoile, s’assume et se calque doucement sur le modèle masculin. Explications.


Par Valentine Van Gestel

Visiblement, Darwin n’avait pas prévu les changements des moeurs dans sa théorie sur l’évolution de l’espèce. Pas sûr qu’il oserait encore affirmer aujourd’hui que la femme est naturellement réservée et monogame, et l’homme avide et polygame. Les statistiques actuelles en tous les cas lui donnent tort. Le célèbre rapport Hite avait déjà jeté, en 1976, un rocher dans la mare paisible de la vie conjugale en fixant à 70% le taux d’infidélité chez les femmes mariées depuis au moins cinq ans (1). Les sondages récents confirment la tendance: les différences entre hommes et femmes dans le domaine de l’adultère s’estompent. Surtout si on les analyse avec un regard critique: même si les enquêtes sont anonymes, les hommes ont tendance à surestimer leurs conquêtes sexuelles (car, intérieurement, ils en sont fiers) et les femmes à les minimiser… Question de réputation.
Alors que Don Juan continue à être admiré, sa doublure féminine, elle, est encore considérée comme une nymphomane. Ce jugement négatif, les femmes l’ont bien intériorisé. « Pourtant, la femme est capable de faire l’amour juste pour éprouver du plaisir, souligne Mara Bevilacqua, psychothérapeute, formée à la thérapie brève, systémique et stratégique. Elle n’est pas nécessairement amoureuse. Il suffit de lire les ouvrages des auteurs contemporains – comme La vie sexuelle de Catherine M de Catherine Millet – pour s’en rendre compte. La sexualité débridée n’est plus l’apanage des hommes, et ils ne sont plus condamnés à avoir une sexualité plus animale. Ils peuvent aussi avoir des sentiments ! »


Les moeurs évoluent, mais lentement. Notre éducation judéo-chrétienne a encore du mal à admettre l’image d’une mère de famille vagabonde. « Le regard sur les écarts des hommes et des femmes est différent, explique Maria Bevilacqua. Notamment parce que la femme peut tomber enceinte… » Mais l’apparition des moyens de contraception a ouvert une nouvelle (adult)ère. « Aujourd’hui, les femmes peuvent vivre leur sexualité pleinement et sans culpabilité, poursuit la psychothérapeute. Elles ne craignent plus de tomber enceintes et d’être montrées du doigt. Ce qui leur permet de mieux assumer leur infidélité… rendue également possible par leur indépendance. Dorénavant la femme travaille. Ce qui lui assure non seulement une autonomie financière – elle ne redoute plus que son mari la quitte s’il découvre la tromperie -, mais augmente aussi les tentations, notamment à cause des rencontres possibles sur le lieu de travail. »


Aujourd’hui, les femmes réclament le droit au plaisir et à la satisfaction sexuelle au même titre que les hommes. Quitte à aller la chercher ailleurs que dans le lit conjugal. « La petite différence qui persiste se situe dans le moment du passage à l’acte, pointe la sexothérapeute Valérie L’Heureux. La femme va attendre, elle est plus réfléchie. Alors que l’homme est plus aventureux: il suit fréquemment ses pulsions sans beaucoup de réflexion sur le sens et les conséquences de son infidélité. »

Le poids de la culpabilité


La culpabilité, elle, émergera ou pas selon les valeurs morales de chacune. Certaines se rongeront les sangs tandis que d’autres s’accommoderont sans stress de leur infidélité. Mais dans une société où le poids de la religion a diminué, le plaisir individuel est placé en tête et où les familles recomposées sont de plus en plus nombreuses… la culpabilité se fait de moins en moins lourde.
Que l’on rassure les époux amoureux tout de suite: les femmes ne viennent pas à l’adultère sans motif. Toutefois les raisons de l’infidélité peuvent être multiples. Selon les résultats d’un sondage effectué sur www.firstaffair.fr (2), un site de rencontres extraconjugales, la première d’entre elles serait l’envie de changement et le besoin de quelque chose de nouveau (39% des femmes interrogées), suivi du manque d’attention de leur partenaire (25%), d’un passage à vide au niveau sexuel (16%), d’un sentiment de solitude (13%) ou d’une façon de « tester leur valeur sur le marché » (5%).


Pour Christine Schmit, psychothérapeute systémique et familiale, les jeunes couples avec enfants en bas âge connaissent souvent une crise qui peut s’exprimer par l’infidélité. « La femme qui se remet de son accouchement a rarement envie de rapport sexuel, et au moment où elle pourrait enfin à nouveau penser à elle, et prendre soin de sa personne et retrouver du désir, hop, elle doit reprendre le travail, épingle la spécialiste. C’est là que démarre le rythme infernal: en rentrant, les conjoints s’occupent des gosses, et le soir, ils sont exténués, n’ont pas envie de faire l’amour ou simplement de se parler. Ce qui met de la distance dans le couple, et le fragilise. Pendant ces années délicates, une relation extraconjugale peut représenter un bol d’air. Hors de ce quotidien fatigant et épuisant, l’amant incarne une dose de légèreté, un moment où l’on peut rêver et se sentir à nouveau une femme. » Mais si cette relation extraconjugale peut paraître fun et pimenter un peu une vie quotidienne difficile, il faut pouvoir en assumer les conséquences…


Le dire ou se taire ?


Faut-il parler de ses écarts à son conjoint ? « Tout dépend du contexte. Parler, c’est s’exposer, insiste Mara Bevilacqua. Si l’adultère a été commis pour tester ses sentiments et que l’on se rend ainsi compte que l’on est bien avec lui, à quoi cela sert-il d’en parler? C’est prendre le risque de le perdre et de le faire souffrir. Certaines personnes ne parviennent pas à porter seules le fardeau de l’adultère. Selon moi, on peut en parler, pour autant que ce ne soit pas uniquement pour se soulager la conscience, mais dans le but de confier à l’autre que quelque chose ne va pas. De pointer les difficultés rencontrées au sein du couple afin de les surmonter, et envisager éventuellement une thérapie de couple. Dans le cas contraire, il vaut peut-être mieux suivre l’adage selon lequel toute vérité n’est pas bonne à dire. »


L’homme vit souvent l’adultère plus douloureusement que la femme. « L’homme sera blessé, déclare Valérie L’Heureux. D’autant plus s’il était amoureux et s’il faisait encore l’amour avec sa femme. Il ne comprendra pas pourquoi elle aura eu envie d’aller voir ailleurs.


La responsabilité partagée

Et si le pas est franchi? Plutôt que de vivre l’adultère comme une trahison et un affront personnel, la plus sage façon de réagir est alors pour l’homme de se remettre en question, de se poser la bonne question: pourquoi à un moment donné ma femme a-t-elle été attirée par un autre homme? « D’un point de vue systémique, l’infidélité est un symptôme de crise dans le couple, indique Christine Schmit. L’un des effets positifs de cette façon d’appréhender les choses, c’est qu’il n’y a pas de coupable: la responsabilité est partagée. Le contexte d’accusation peut alors se transformer en contexte de coopération. »

La perception de l’infidélité est toutefois différente selon chacun. « Mais c’est toujours douloureux, convient Mara Bevilacqua. Pour certains cette trahison est insurmontable: la fidélité était le gage de leur amour. Pour d’autres, cela permettra de rebooster leur couple. » Face à cette souffrance de prime abord inévitable, il faut d’abord se reconstruire. « Se persuader que l’adultère n’était pas dirigé contre soi, conseille Valérie L’Heureux. Il faut régler ses obsessions (ne pas commencer à espionner son conjoint, être à l’affût de chaque indice ou demander des détails sur ses nuits volages). Secundo, renouer la communication. Et si on n’y arrive pas, démarrer un travail en systémique. Parce que si chacun voit son psy de son côté, il sera difficile de renouer le dialogue. Tertio, avoir à nouveau des projets à deux. Quand il y a eu adultère, souvent, il n’y avait plus de projets communs. Il est essentiel de resolidifier le couple. » Première étape : passer plus de (bon) temps ensemble. Oui, ce soir chéri, je n’ai plus mal à la tête…

(1) Contre 72% des hommes. (2) Sondage effectué sur 1000 personnes en novembre 2009.

À lire Dans Bienheureuse infidélité (*), la philosophe et thérapeute française Paule Salomon aborde la passion, le désir, la jalousie et l’infidélité sans parti pris, culpabilité ou préjugés. L’auteur propose des outils pour nous aider à faire les choix qui nous correspondent, analyser nos envies et comprendre les « coups de canif dans le contrat » afin de ne plus les vivre comme une source de stress. L’accent est mis sur la liberté, l’attachement, le partage et la quête de soi.
(*) Bienheureuse infidélité, par Paule Salomon, coll. Poche, 2005.

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