#metoo en Belgique: ouverture du procès de Jan Fabre, pour harcèlement sexuel

Jan Fabre au vernissage de l'expo Jan Fabre, My Queens

C’est l’un des grands noms de l’art contemporain. Le procès du sculpteur et chorégraphe belge Jan Fabre, poursuivi pour « harcèlement sexuel » et « attentat à la pudeur » par des danseuses de sa compagnie, s’ouvre mardi devant le tribunal d’Anvers (nord). /Para

Para

Il s’agit d’une audience procédurale à laquelle Jan Fabre ne participera pas, a affirmé à l’AFP son avocate, Me Eline Tritsmans, refusant tout commentaire à ce stade sur le dossier.

Prévu à 9h00 au tribunal correctionnel de la cité portuaire, le rendez-vous vise à fixer une date pour les plaidoiries, attendues après l’échange de conclusions écrites entre avocats, a expliqué une source judiciaire.

Le renvoi de Jan Fabre devant la justice pénale belge, annoncé en juin, est l’aboutissement d’une enquête de trois ans sous l’autorité de l’Auditorat du travail d’Anvers, une section du parquet spécialisée dans les conflits du travail.

« Son principe, c’était « pas de sexe, pas de solo » »

En 2018, dans le sillage de la campagne #metoo, une vingtaine d’anciens collaborateurs du chorégraphe au sein de sa compagnie Troubleyn, établie à Anvers, s’étaient plaints d’avoir subi pressions psychologiques, humiliations et même chantage à caractère sexuel.

« Son principe, c’était « pas de sexe, pas de solo » », avait résumé l’un des cosignataires (majoritairement des femmes), dans une lettre ouverte publiée par la revue flamande spécialisée rekto:verso.

Dans un droit de réponse, l’intéressé avait alors réfuté les accusations.

« Nous ne forçons personne ici à faire des choses qui sont considérées pour l’un, l’une ou l’autre comme au-delà de ses limites. Je n’ai jamais eu l’intention d’intimider ou de blesser les gens psychologiquement ou sexuellement », s’était-il défendu.

Mais le résultat des investigations est là: Jan Fabre, 62 ans, est renvoyé en procès pour « violence, harcèlement ou harcèlement sexuel au travail » à l’égard de « douze employés », ainsi que pour « un attentat à la pudeur », selon l’accusation.

Le ministère public n’a pas souhaité préciser l’identité des parties civiles.

En septembre 2018, dans la foulée de la lettre ouverte, les danseuses belge Geneviève Lagravière et islandaise Erna Omarsdottir, des anciennes de Troubleyn, avaient témoigné dans le New York Times sur leurs expériences traumatisantes vécues avec le chorégraphe.

« A fond dans son époque »

Né à Anvers en décembre 1958, Jan Fabre, à la fois auteur, plasticien, metteur en scène de théâtre, a la réputation depuis les années 1980 d’être un des artistes les plus protéiformes et avant-gardistes de son époque.

Célèbre pour ses élytres de scarabées (il en a revêtu tout le plafond de la salle des glaces du Palais royal à Bruxelles), il est aussi connu pour son art de la provocation.

En 2012, il a dû s’excuser à la suite d’une performance montrant un « lancer de chats » à Anvers et qui lui a valu d’être physiquement agressé.

Ses détracteurs l’accusent de provocation gratuite, par exemple pour ses pièces évoquant le sang et l’urine, ou avec une performance montrant un concours de masturbation en 2009.

Depuis qu’a éclaté l’affaire, et surtout avec la perspective d’un procès public, rares sont ceux qui continuent à saluer son travail, exposé dans toute l’Europe.

Un spectacle de Troubleyn prévu fin octobre à Charleroi, en Belgique francophone, a été annulé après des « pressions et invectives » selon le programmateur.

En outre, un musée anversois a retiré une sculpture de Fabre qu’il exposait depuis vingt ans.

Cette affaire rappelle d’autres scandales dans le monde culturel et le débat sur la distinction entre l’homme et son travail d’artiste.

Le galeriste belge Guy Pieters, qui l’expose depuis 1988, continue de voir en lui « un artiste extraordinaire », « à fond dans son époque ». « Il y a de la violence et de la provocation dans l’oeuvre de Fabre, ce sont des moyens, pas des buts en soi. Cet élan vital se retrouve chez Jérôme Bosch et James Ensor », souligne Jan Martens, qui a édité plusieurs livres sur Fabre.

« Avec les scarabées, Fabre retrouve le bleu de Giotto, le vert de van Eyck. Les scarabées sont un autre moyen d’introduire la lumière comme le faisaient les primitifs flamands », explique-t-il à l’AFP.

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