Parfum: envie de vanille?

La vanille, plus que jamais le best-seller de la parfumerie.

Déjà en vogue à la cour de Marie-Antoinette, ce fruit issu d’une orchidée sauvage est, plus que jamais, le best-seller de la parfumerie. A savourer sans modération, avec les créations les plus sensuelles du moment.

Du fruit de cette orchidée sauvage les Aztèques aromatisaient leur cacao pimenté. Importée en Occident par Cortés, elle enchanta Louis XIV. La France ayant alors quelques possessions dans l’océan Indien, y tenta son acclimatation. Mais, faute d’avoir importé aussi l’abeille qui en favorisait la fécondation, la fleur devint stérile. Hermaphrodites, ses organes reproducteurs sont en effet séparés par une membrane. Qu’il suffit, comme l’insecte le ferait, de percer pour que les gousses poussent.

Ce geste, c’est un jeune Noir asservi, originaire de la Réunion, qui l’inventa, à l’âge de 12 ans, en 1841. A moins que ce ne fût en 1836, au jardin botanique de Liège, un savant belge nommé Charles Morren? Les historiens ergotent.

La vanille développe aussi un parfum très riche, réunissant plusieurs centaines de molécules odorantes. Dont la vanilline, responsable de cette senteur grasse, sucrée, épicée, et même souvent animale, qui la caractérise. Dès son arrivée, au xvie siècle, elle séduit les fabricants d’odeurs. Mais, selon Elisabeth de Feydeau, historienne de la parfumerie, « la mode en vient surtout à partir du XVIIIe pour arrondir les senteurs ». On appelle cela « sucrer ». Fargeon, parfumeur de Marie-Antoinette, l’utilise abondamment.

Un siècle plus tard, en 1889, Aimé Guerlain crée, ex nihilo, Jicky, le premier parfum de l’ère moderne. Dedans, deux ingrédients chimiques: la coumarine, sentant le foin, et la vanilline, qui vient d’être synthétisée.

Près de quarante ans plus tard, Shalimar lance la mode irréversible des parfums orientaux. La note vanille y est centrale. On en trouve dans la plupart des grands jus de l’avant-guerre: N° 5, de Chanel; Pour un homme, de Caron; Habanita, de Molinard; Arpège, de Lanvin…Dans Bois des îles aussi, un Chanel composé par Ernest Beaux en 1926 (Beaux, qui, comparant ses essais avec le travail de Guerlain, disait : « Avec la vanille, moi je fais de la crème anglaise; eux, ils font Jicky. »).

Après quelque temps d’oubli, la vanille revient au milieu des années 1970 grâce à un produit dessiné pour conquérir l’Amérique. Opium, d’Yves Saint Laurent, casse la baraque. On y trouve une vanilline fondue dans le poivre, l’oeillet et le patchouli vraiment dévastatrice. Mais, en 1977, son lancement aux Etats-Unis est considéré par Mrs Estée Lauder comme une déclaration de guerre sur son territoire personnel. Il est vrai que l’accord n’a sans doute pas été choisi par hasard: il se raconte que c’est parce que l’on poudre les fesses des nourrissons indigènes au talc aromatisé de vanille que les mêmes, devenus adultes, en restent fous.

La New-Yorkaise réplique l’année suivante avec Cinnabar et, désormais, presque toutes ses senteurs contiendront une ligne vanillée. Y compris celles créées par Tom Ford, sous la marque Lauder ou la sienne. Dans son For Men, si atypique que les femmes peuvent sans souci y succomber, la vanille est violente, à peine sucrée.

Cette vanille peu suave est une tendance forte. Initiée par Jean-Paul Guerlain et sa Double Vanille spiritueuse, l’extrait y est naturel (donc composite), épicé et relevé de rhum. Addictif mais pas spécifiquement féminin. Jean-Claude Ellena, pour sa nouvelle Hermessence (qu’il faudra attendre jusqu’en février 2009), a choisi une troisième voie: celle de la fleur. Vanille Galante illustre un souvenir des îles avec une superbe absolue de vanille et beaucoup de cet ilang-ilang des mêmes tropiques que l’on trouvait déjà dans 24 Faubourg, l’un des succès plus anciens de la maison.

Souvent, on s’y trompe: le benjoin ressemble beaucoup à la vanille. Une vanille de temple qui aurait côtoyé les fumées votives. Et pour cause, puisque le benjoin est un encens récolté en Thaïlande. Où le sentir? Dans Oriental Spice, d’Esteban, avec cannelle et gingembre, ou dans le très chic B, de Boucheron, avec de l’osmanthus et du cèdre de l’Atlas.

Mais, pour ceux qui cherchent les effluves de ces longues gousses noires, rien ne vaut le fruit originel. Dans Hypnotic Poison, que Dior remet en avant, la vanille enrobe le lait d’amande amère, le carvi et la tubéreuse dans une senteur aussi somptueuse que troublante. Et, dans Armani Mania, elle s’accorde au musc, lui-même très doux, en une longue caresse relevée d’ambre. Parfum de peau, assurément, tout comme KenzoAmour le Parfum, en bel habit d’or mat et fragrance sous l’ombre du riz, de l’encens, du frangipanier et, bien sûr, de la plus pure vanille. Un parfum qui appelle le baiser comme la courbe appelle la main.

Maïté Turonnet, Lexpress.fr Styles

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content