Petit manifeste d’éclectisme chez le décorateur Christophe Remy

Christophe Remy, dans le petit salon du séjour, avec deux bibliothèques-séparateurs de pièces de Thonet, en bois plié. Les deux fauteuils couverts de velours ont été achetés chez le galeriste bruxellois Olivier Biltereyst. © Jan Verlinde

Le Bruxellois, touche-à-tout dans l’âme, rêvait d’une carrière de musicien, a étudié la réalisation avant de devenir décorateur. A son image, son appartement marie une multitude de styles. En toute harmonie.

Christophe Remy est l’exemple typique du Millennial multi-casquettes à l’imagination débordante. Le décorateur est en effet également designer graphique et stratège créatif pour des marques. Il y a quatre ans, son premier projet de boutique, pour le flagship store de Delbôve, un ancien label bruxellois de cosmétiques qui bénéficie aujourd’hui d’un second souffle, lui a valu un Commerce Design Award. Outre l’aménagement du magasin, le trentenaire s’est également chargé de l’image de la maison et du projet de packaging. Récemment, l’homme a remis le couvert, cette fois avec Mer du Nord – la griffe de mode belge revenant progressivement sur le devant de la scène – pour qui il a dessiné un nouveau logo et conçu les points de vente.

A gauche, un chandelier en laiton de Pierre Forsell datant de 1969. Les vases en verre d'Erik Höglund, produits par Kosta Boda, viennnent de la même époque. La composition florale est d'Elodie Mouton, une amie de Christophe.
A gauche, un chandelier en laiton de Pierre Forsell datant de 1969. Les vases en verre d’Erik Höglund, produits par Kosta Boda, viennnent de la même époque. La composition florale est d’Elodie Mouton, une amie de Christophe.© Jan Verlinde

Parmi les clients du décorateur, on trouve encore la spécialiste de la lingerie Carine Gilson, le joailler AXL ou encore le producteur de dentifrice haut de gamme Lebon. C’est dire si le créateur aime se diversifier… et penser globalement chaque concept. Un peu comme le faisait, dans les années 1900, le collectif d’artistes autrichiens Wiener Werkstätte, à qui l’on doit notamment le palais Stoclet, à Bruxelles, superbe exemple d’oeuvre totale où tout est pensé de A à Z, de l’édifice à la moindre poignée de porte en passant par les jouets des enfants. « A cette époque, les architectes ne se contentaient pas de construire une maison, ils s’occupaient aussi de l’intérieur, du jardin, des couverts et même parfois des vêtements des propriétaires. Comme eux, je suis un véritable touche-à-tout », raconte Christophe Remy, admiratif.

Dans la cuisine, le sol en terrazzo est d'origine. Les chaises noir et blanc Eichholtz se marient parfaitement avec le service Wedgwood et une corbeille à fruits en laiton, provenant de Scandinavie.
Dans la cuisine, le sol en terrazzo est d’origine. Les chaises noir et blanc Eichholtz se marient parfaitement avec le service Wedgwood et une corbeille à fruits en laiton, provenant de Scandinavie.© Jan Verlinde

Un passé musical

Depuis près de deux ans, le créateur a posé ses bagages dans un appartement de style Art déco, à proximité de la place Brugmann à Ixelles. Et l’on retrouve dans ses murs cet univers éclectique qu’il affectionne tant et qui mélange sans complexe les styles et les siècles. Ici, un dressoir ancien flirte avec des planches de décorum d’église du XIXe siècle, des verres de Murano du milieu du XXe et une oeuvre d’art contemporain. « La première fois que j’ai visité cet endroit, j’étais horrifié : il y avait du papier peint structuré et des stores déroulants en plastique, se souvient l’habitant. J’ai d’abord réfléchi aux teintes que je voulais privilégier : le vert et le doré. J’ai donc repeint la paroi du séjour dans un vert foncé, ce qui a complètement transformé les lieux. Tout comme les nouvelles tentures qui, à mon sens, sont un must dans un intérieur. Entreprendre de gros travaux et remplacer la cuisine, la salle de bains ou les menuiseries me démange parfois. Mais ce n’est pas à l’ordre du jour puisque je suis locataire. »

Le lustre de style Spoutnik et les fauteuils sont signés Eichholtz. Sur la table basse, on trouve un grand plat du Belgo-Italien Antonio Lampecco, des vases allemands imprimés en 3D et un cactus Serax. Derrière, la salle à manger accueille une table scandinave vintage.
Le lustre de style Spoutnik et les fauteuils sont signés Eichholtz. Sur la table basse, on trouve un grand plat du Belgo-Italien Antonio Lampecco, des vases allemands imprimés en 3D et un cactus Serax. Derrière, la salle à manger accueille une table scandinave vintage.© Jan Verlinde

L’immeuble dans lequel vit Christophe Remy a été construit en 1928 à la demande d’Eugène Ysaÿe, un violoniste belge réputé, ami de Claude Debussy, qui officiait aussi en tant que compositeur et chef d’orchestre. Professeur privé de la reine Elisabeth, il est également le père spirituel du célèbre concours musical créé par cette dernière. L’architecte de service était alors Raphaël Delville, qui a dessiné plusieurs villas très chics dans la Région bruxelloise. Le propriétaire avait pris possession du rez-de-chaussée, qui comptait aussi un espace de répétition et un dépôt pour partitions. Christophe Remy a quant à lui élu domicile à un étage supérieur, dont les espaces sont baignés de lumière naturelle, particulièrement le séjour à la forme trapézoïdale. « Mon ancien logement était minuscule et j’avais donc peu de mobilier. En arrivant ici, j’ai tout recommencé à zéro », souligne le décorateur, qui apprécie autant chiner dans le centre-ville, place du Jeu de Balle, qu’acquérir des pièces neuves, comme celles de la marque néerlandaise Eichholtz. Pour les lampes et les accessoires, c’est chez Jimmy Beyens, un ami bruxellois à la tête d’une boutique spécialisée en design scandinave, qu’il trouve des modèles qu’on ne voit nulle part ailleurs.

Aux murs du hall d'entrée, des chandeliers en laiton Pendel de Pierre Forsell et des collages réalisés par Christophe Remy lui-même.
Aux murs du hall d’entrée, des chandeliers en laiton Pendel de Pierre Forsell et des collages réalisés par Christophe Remy lui-même.© Jan Verlinde

Christophe Remy a grandi dans un milieu créatif. Son grand-père était orfèvre et son arrière-grand-père réalisait des sculptures en bois. Lui, rêvait de devenir batteur. Ayant échoué à l’examen d’entrée du Conservatoire, il a débuté des études à la haute école Narafi pour devenir ingénieur du son. Rapidement, son intérêt a dévié vers la vidéo et la direction artistique. Une fois son diplôme en poche, c’est pourtant chez un antiquaire de l’avenue Louise qu’il a débuté sa carrière. « Son style « château » très classique n’était pas du tout mon truc. Mais avec lui, j’ai acquis les bases pour composer un intérieur », raconte-t-il. Grâce à cette expérience – mais aussi à une bonne dose de talent et d’imagination -, les premières commandes sont arrivées. Notamment de la part de Gina d’Ansembourg qui a racheté la marque de cosmétiques Delbôve. Très satisfaite du travail effectué par Christophe Remy, elle lui a également confié l’aménagement de son pied-à-terre londonien. Et surnomme désormais l’homme de « nouveau Tom Ford ». Nul doute donc que le Bruxellois fera encore parler de lui.

Par Iris De Feijter

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