Rencontre avec Jan Fabre, l’irréductible Anversois

© Belga

L’enfant terrible de l’art contemporain belge expose à Bruxelles. L’occasion de parler art… et politique.

Comment votre environnement affecte-t-il votre créativité ?

Peu importe où je suis, j’ai toujours des aquarelles, des crayons, de l’encre de Chine et du papier dans ma valise. J’écris ou je dessine quasiment tous les soirs. Comme un musicien de jazz, qui pratique son instrument. J’aime ça, ça me relaxe et me permet de coucher mes idées, mes réflexions, mon imagination sur papier. Je suis une sorte de mystique contemporain. Je ne sais pas d’où je viens, ni où je vais. Je suis un nobody dans un nowhere land.

Cette déclaration est étonnante, tant vous tenez à votre identité anversoise.

Oui, c’est très paradoxal. Ce que je veux dire, c’est que mon endroit favori, c’est mon cerveau, qui est aussi, à mon sens, la partie la plus sexy de mon corps. Pas d’imagination, pas d’érection ! Mais en même temps, vous avez raison : je suis né à Anvers, j’aime mon dialecte, je connais très bien ma ville et j’y suis attaché… Je ne peux pas quitter Anvers, j’ai bien trop d’amis et de collaborateurs ici. C’est une des raisons pour lesquelles je ne suis jamais parti pour la France ou l’Italie, malgré nombre de propositions alléchantes pour diriger de grands théâtres.

Vous aviez d’ailleurs déclaré que, peu importe la couleur politique du bourgmestre, vous étiez déterminé à rester ici, quitte à devenir  » une lumière dans la nuit « . C’est ce que vous ressentez aujourd’hui ?

Oui, c’est le cas. L’opposition a besoin d’une voix. Je n’ai aucune sympathie pour Bart De Wever ou Filip Dewinter, et ils le savent. Je n’aime pas l’idéologie de la droite nationaliste. Ce genre de parti n’a aucune idée du politiquement correct, dans le sens de la politesse et de l’intérêt pour l’autre. Ils ne se mettront jamais du côté de l’individu, de la vulnérabilité de l’espèce humaine. Ils n’opteront jamais pour la fragilité de la beauté. Et ça m’attriste que tant de gens votent pour eux, en oubliant l’Histoire, même récente. Ils ont la mémoire courte. On sait que le nationalisme mène au fascisme, je ne les comprends pas. Une partie du milieu culturel flamand en est presque arrivée à faire preuve d’empathie, à laisser à la N-VA le bénéfice du doute. A mes yeux, c’est déjà une forme de collaboration. Moi, je resterai ici, indépendant et souverain.

Contrairement à l’organisateur du festival d’Avignon, qui avait déclaré qu’il s’en irait si le FN arrivait à la mairie…

Je pense que ce serait une erreur. Partir, cela reviendrait à leur laisser la place. Le festival d’Avignon est une plate-forme fantastique, une occasion unique de montrer des choses différentes. Il doit donc rester et faire entendre sa voix, qui est encore plus importante dans un tel contexte. Le message véhiculé par l’art n’en est que plus fort.

Do we feel with our brain and think with our heart ?, Galerie Daniel Templon, 13a, rue Veydt, à 1060 Bruxelles. Jusqu’au 31 mai prochain.

>>> Retrouvez Jan Fabre qui a ouvert les portes de son atelier-théâtre anversois au Vif Weekend. Découvrez-le en images et retrouvez-la suite de cette interview dans Le Vif Weekend du 25 avril 2014.

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