Scoop: le vintage et la seconde main existaient avant le numérique (III)
La seconde main et le vintage ont toujours existé. Ils n’ont pas attendu d’être à la mode sur les plateformes en ligne. La preuve par trois spécialistes bruxellois à l’oeil aiguisé qui connaissent la vraie valeur des vêtements – et pas seulement monétaire. Ecoutez voir Bernard Gavilan, Eva Velazquez et Marie Meers.
Troisième épisode: Marie Meers, pour Vêtue
Sa boutique jouxte la rue Dansaert, de sorte que l’esprit « créateurs belges » a infusé jusqu’à elle. Chez Vêtue, on trouve des vêtements seconde main signés Dries van Noten, Martin Margiela, Véronique Leroy, Ann Demeulemeester ou Christian Wijnants…. Rien de fortuit, Marie Meers honore le travail des talents venus d’ici. Depuis 8 ans, elle donne une deuxième chance à des pièces griffées qui cherchent une nouvelle propriétaire. Elle aime la mode ainsi circulaire. Comment ne pas lui donner entièrement raison? Interview.
Quelle est votre définition du vintage et de la seconde main?
Je pense que les gens me mettent dans la catégorie vintage mais j’ai un peu de mal avec ce mot car je vends des pièces assez récentes, qui ont deux ou trois ans maximum. Cependant, j’intègre aussi des vêtements que j’aime et qui sont vintage, du Comme des garçons d’il y a vingt ans ou du Margiela ou du Dries Van Noten, quand j’en trouve. Mais disons que j’accorde plus une deuxième vie ou une troisième vie aux vêtements.
Comment est née cette envie de leur redonner vie?
C’est venu tout seul, j’ai travaillé dans un magasin de deuxième main et j’ai aimé cela. Mais mon parcours m’a formée également. En réalité, j’ai toujours été plongée dedans: ado, je faisais moi-même mes vêtements, je regardais les revues, je copiais, je faisais ça à la main, je ne sais pas coudre, je bricolais. Et puis j’ai fait des études en arts plastiques à Liège, un régendat. Je suis ensuite arrivée à Bruxelles, où j’ai eu une chance incroyable: j’ai commencé à travailler chez Jenny Meirens, dans sa boutique, c’était mon premier poste, elle m’a confié les achats, j’ai appris sur le tas. Elle m’a vraiment laissée libre, je me vois encore dans le show-room de Comme des Garçons…
Ce fut un choc esthétique?
Oui. Mais j’avais déjà eu un choc auparavant en découvrant la boutique Comme des Garçons lors d’un voyage à Paris. J’avais demandé à ma maman qu’elle me tricote un pull noir avec de grands trous, on n’en trouvait pas beaucoup à l’époque… Travailler chez Jenny Meirens, avec Comme des Garçons surtout, a formé mon regard, je n’aurais pu rêver mieux. J’ai ensuite travaillé chez Houben, Thierry Struvay, Cocodrillo, Underwear, notamment… Je suis une vraie autodidacte. Tout naturellement, il y a 8 ans, j’ai ouvert ma boutique Vêtue.
Quelle est votre spécificité?
Je propose beaucoup de créateurs belges, pace que je suis dans le quartier Dansaert et que je les connais. Et que l’on vient me déposer leurs pièces. J’ai surtout du Dries Van Noten et Martin Margiela, Christian Wijnants, Stephan Schneider, Ann Demeulemeester, Véronique Leroy… J’ai aussi du Léonard et Saint Laurent, de la maroquinerie, des bijoux, ceux de Carine Vyfeyken, Christa Reniers, les bijoux en verre de Cana et ceux d’Olivia Hainaut, je propose également un peu d’artisanat, des trucs que j’aime bien. Je suis également ouverte aux collaborations. Avec Maison Elise, notamment, qui joue sur le principe de tee-shirt upcyclé avec des tissus de très belle qualité, venus de dead stocks. Avec we.r.even, un collectif issu de Saint-Luc qui fait une petite collection magnifique. Il faut toujours que ce soit de la récup’, cela fait sens. Pour la rentrée, je prépare un pop-up Comme des Garçons vintage et j’offrirai ma vitrine à une étudiante de Saint-Luc, Astrid Pollart. J’étais dans le jury de fin d’année et je lui ai décerné un prix, elle installera un étalage avec sa collection, basée sur le Japon des Samouraïs et faite en patchwork, dans des draps de lit des années 70… J’ai aimé son travail d’upcycling.
Dans « Vêtue », en filigrane, vous insufflez donc votre style et votre philosophie de vie…
J’y mets ce que j’aime. On dit que j’ai le sens du bijou et de l’accessoire, de la couleur, cela vient de mes voyages en Inde, où j’allais beaucoup avant la pandémie, à Pondichéry, à Auroville, j’ai dû être indienne dans une autre vie… Pour le reste, comme je suis seule dans ma boutique, je parle des heures avec mes clientes. Je connais la vie de beaucoup d’entre elles. Je fais un peu de psychologie car il faut beaucoup, beaucoup les rassurer. Ce que j’adore le plus, c’est qu’elles se sentent belles, qu’elles aient trouvé la pièce qui les met en valeur. Et qu’elles reviennent me voir en me disant que tout ce qu’elles ont acheté chez moi, elles le portent.
Vêtue par Marie Meers, 5, rue Léon Lepage, à 1000 Bruxelles. www.vetuestore.com
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