Témoignages: ils ont choisi de changer radicalement de vie

© Fred Debrock

Certains choix ou épreuves peuvent modifier complètement l’existence et révéler une autre facette de soi-même. En amour, au travail, après une maladie… Quatre personnes nous racontent comment elles ont fait face à une crise personnelle pour mieux renaître.

« Je pensais être heureuse, jusqu’à ce que je rencontre cet homme »

An (30 ans) était mariée à son amour de jeunesse, avec qui elle avait acheté une maison et un terrain. Jusqu’à ce qu’au cours d’un voyage d’affaires en Ouganda, elle tombe amoureuse d’un autre homme pour lequel elle a tout quitté.

Témoignages: ils ont choisi de changer radicalement de vie
© Fred Debrock

« J’ai suivi le parcours classique: étudier, emménager, se marier, acheter une maison. Je connaissais mon ex-mari depuis toute jeune et nous nous sommes mis en couple pendant ma première année d’université. Après mes études en sciences biomédicales, nous avons emménagé ensemble. J’avais 27 ans lorsque nous nous sommes mariés, c’était ma dernière année de doctorat. Ce fut une année particulièrement intense, aussi bien sur le plan privé que professionnel. Je sentais vaguement qu’il me manquait quelque chose dans ma relation, sans savoir identifier précisément quoi. J’avais une vie confortable et je n’étais pas malheureuse. Ce n’est qu’aujourd’hui que je réalise que j’avais tendance à m’oublier moi-même, que ce soit pour ma carrière ou pour mon mari. Je donnais, il prenait. Je l’aimais, mais notre relation n’était pas équilibrée.

Après avoir terminé ma thèse, je ne devais plus travailler douze heures par jour, et c’est là que le revirement de situation a eu lieu. J’ai à nouveau eu le temps de me poser et de réfléchir à ma vie et j’ai réalisé que je m’étais perdue pendant des années. Mais « hello world », j’étais de retour! Je me suis remise au sport, j’ai revu mes amis et j’ai commencé un nouveau job pour lequel je devais me rendre régulièrement en Afrique. Je me suis retrouvée dans un environnement de travail stimulant et lors d’un séjour d’un mois en Ouganda, j’ai rencontré Mark, dont je suis immédiatement tombée amoureuse. Il lançait un projet agricole dans le nord du pays et je me suis directement sentie à l’aise. Nous pouvions parler pendant des heures, et j’ai compris qu’une relation avec lui serait bien différente de ce à quoi j’étais habituée. Une fois rentrée à la maison, je devais choisir: poursuivre mon ancienne vie ou repartir de zéro. J’ai raconté à mon mari ce qu’il s’était passé là-bas et nous sommes encore restés ensemble quelque temps. Mais mes doutes persistaient. Deux mois après mon retour, j’ai compris que je voulais rompre. Nous avons revendu notre maison et le terrain sur lequel nous voulions construire.

Tomber amoureuse d’un autre alors qu’on est en couple, ce n’est évidemment pas l’idéal. Je ne voulais pas blesser mon ex-mari et je me sentais coupable, mais je me rendais compte que je n’étais plus pleinement amoureuse de lui. Mes parents étaient en désaccord avec mon choix, ce qui ne m’a pas aidée. On m’a fait part de tous les préjugés possibles sur les hommes africains. Qu’il m’utilisait pour venir habiter en Europe. Qu’il n’aurait jamais assez avec une seule femme. Mes proches ne voulaient pas comprendre que Mark avait grandi à Londres et que nous partagions les mêmes valeurs.

Cela fait maintenant deux ans que nous vivons une relation à distance. Pendant les fêtes, Mark est venu en Belgique pour la première fois et il a rencontré ma famille. Et ça s’est bien passé. S’il obtient un visa, il aimerait venir vivre ici, mais nous voulons y aller en douceur. Je suis souvent en Ouganda pour le travail et je profite du temps que j’ai pour moi. Rompre était une bonne décision. Quel que soit mon avenir, je suis beaucoup plus sereine dans ma vie maintenant. »

« Réorienter ma carrière m’a aidée à accepter ma surdité »

Une surdité soudaine a forcé Kristl (56 ans) à abandonner son emploi de consultante. Elle a suivi une formation pour se spécialiser dans la fabrication de pâtes et a lancé Pastati, une entreprise basée à Melle qui permet aux personnes en incapacité de travail de fabriquer des pâtes fraîches.

Témoignages: ils ont choisi de changer radicalement de vie
© Fred Debrock

« J’exerçais un job de rêve: j’étais responsable des ressources humaines, je coachais des gens et des équipes qui traversaient un processus de changement professionnel. Les soutenir et leur donner confiance me donnait plein d’énergie. Mais il y a quatre ans, je suis devenue sourde. C’est arrivé un samedi, alors que je conduisais. Soudain, j’ai eu la sensation d’avoir un gros bouchon dans l’oreille gauche. Un médecin m’a immédiatement envoyée à l’hôpital, où on m’a diagnostiqué une surdité brusque, une maladie assez méconnue et quasiment incurable. Mon oreille droite fonctionne encore à 10%, ce qui me permet d’entendre avec l’aide d’un appareil auditif. Mais il m’est devenu impossible d’écouter un groupe de personnes. Je n’entends pas tout ce qui se dit et comme l’une des oreilles est non opérationnelle, mon cerveau doit se réorienter constamment, car j’ai du mal à estimer d’où proviennent exactement les sons. J’ai donc dû abandonner mon job de consultante. S’en est suivie une période assez mouvementée, où j’étais prise d’angoisses. Que pouvais-je commencer à 52 ans? Je devais soudain appliquer à moi-même les conseils que j’avais donnés aux autres pendant tant d’années…

Passé le premier choc, j’ai eu l’idée de lancer une entreprise de pâtes alimentaires alors que je me baladais sur un marché en Italie. Plus précisément, une Entreprise de Travail Adapté, anciennement dénommée « ateliers protégés ». Je voulais agir dans l’économie sociale et redonner la possibilité aux personnes éloignées du marché du travail de se relancer. Je me suis rendue à Piémont pour apprendre à fabriquer des pâtes, j’ai acheté une machine adaptée et lancé Pastati en 2017. Puisque aucune ETA ne voulait travailler avec moi, j’ai officié seule pendant les six premiers mois. Jusqu’à ce qu’un article paraisse dans la presse, dans lequel j’expliquais mon ambition d’inscrire ce projet dans l’économie sociale. Le soir même, le directeur d’Aarova, à Audenarde, me proposait qu’on collabore ensemble. Aujourd’hui, nous préparons des pâtes et des raviolis farcis notamment pour les Diables Rouges, pour des traiteurs, des restaurants et pour les marchés Cru à Anvers, Gand et Overijse. Nous avons même un chef étoilé parmi notre clientèle, pour lequel nous élaborons une garniture de raviolis. J’ai bossé sans relâche au cours des trois dernières années et j’ai investi mes propres économies, sans dégager de profit. Début 2019, je me sentais encore un peu débutante, j’avais peu confiance en moi. Mais j’ai gagné un programme d’accélération organisé par Birdhouse, qui permet aux start-up de recevoir six mois d’accompagnement intensif. Cela m’a aidée à me concentrer sur mon objectif. Maintenant, je suis à la recherche d’un employé commercial qui pourrait m’épauler pour développer davantage le projet.

J’ai toujours eu une personnalité sociable, mais avec ma surdité, il m’est plus compliqué de sortir, que ce soit à des fêtes ou même au théâtre. Me concentrer sur mon changement de carrière m’a aidée à accepter cette situation et à me sentir utile à nouveau. Je suis parvenue à me focaliser sur les opportunités et non pas sur les problèmes. Aujourd’hui, je suis heureuse quand je perçois la fierté de mes employés, leurs tabliers remplis de farine. Dans la vie, il faut savoir tomber, se relever, se réajuster et aller de l’avant! »

« Je pensais être heureuse, jusqu’à ce que je rencontre cet homme »

An (30 ans) était mariée à son amour de jeunesse, avec qui elle avait acheté une maison et un terrain. Jusqu’à ce qu’au cours d’un voyage d’affaires en Ouganda, elle tombe amoureuse d’un autre homme pour lequel elle a tout quitté.

Témoignages: ils ont choisi de changer radicalement de vie
© Fred Debrock

« J’ai suivi le parcours classique: étudier, emménager, se marier, acheter une maison. Je connaissais mon ex-mari depuis toute jeune et nous nous sommes mis en couple pendant ma première année d’université. Après mes études en sciences biomédicales, nous avons emménagé ensemble. J’avais 27 ans lorsque nous nous sommes mariés, c’était ma dernière année de doctorat. Ce fut une année particulièrement intense, aussi bien sur le plan privé que professionnel. Je sentais vaguement qu’il me manquait quelque chose dans ma relation, sans savoir identifier précisément quoi. J’avais une vie confortable et je n’étais pas malheureuse. Ce n’est qu’aujourd’hui que je réalise que j’avais tendance à m’oublier moi-même, que ce soit pour ma carrière ou pour mon mari. Je donnais, il prenait. Je l’aimais, mais notre relation n’était pas équilibrée.

Après avoir terminé ma thèse, je ne devais plus travailler douze heures par jour, et c’est là que le revirement de situation a eu lieu. J’ai à nouveau eu le temps de me poser et de réfléchir à ma vie et j’ai réalisé que je m’étais perdue pendant des années. Mais « hello world », j’étais de retour! Je me suis remise au sport, j’ai revu mes amis et j’ai commencé un nouveau job pour lequel je devais me rendre régulièrement en Afrique. Je me suis retrouvée dans un environnement de travail stimulant et lors d’un séjour d’un mois en Ouganda, j’ai rencontré Mark, dont je suis immédiatement tombée amoureuse. Il lançait un projet agricole dans le nord du pays et je me suis directement sentie à l’aise. Nous pouvions parler pendant des heures, et j’ai compris qu’une relation avec lui serait bien différente de ce à quoi j’étais habituée. Une fois rentrée à la maison, je devais choisir: poursuivre mon ancienne vie ou repartir de zéro. J’ai raconté à mon mari ce qu’il s’était passé là-bas et nous sommes encore restés ensemble quelque temps. Mais mes doutes persistaient. Deux mois après mon retour, j’ai compris que je voulais rompre. Nous avons revendu notre maison et le terrain sur lequel nous voulions construire.

Tomber amoureuse d’un autre alors qu’on est en couple, ce n’est évidemment pas l’idéal. Je ne voulais pas blesser mon ex-mari et je me sentais coupable, mais je me rendais compte que je n’étais plus pleinement amoureuse de lui. Mes parents étaient en désaccord avec mon choix, ce qui ne m’a pas aidée. On m’a fait part de tous les préjugés possibles sur les hommes africains. Qu’il m’utilisait pour venir habiter en Europe. Qu’il n’aurait jamais assez avec une seule femme. Mes proches ne voulaient pas comprendre que Mark avait grandi à Londres et que nous partagions les mêmes valeurs.

Cela fait maintenant deux ans que nous vivons une relation à distance. Pendant les fêtes, Mark est venu en Belgique pour la première fois et il a rencontré ma famille. Et ça s’est bien passé. S’il obtient un visa, il aimerait venir vivre ici, mais nous voulons y aller en douceur. Je suis souvent en Ouganda pour le travail et je profite du temps que j’ai pour moi. Rompre était une bonne décision. Quel que soit mon avenir, je suis beaucoup plus sereine dans ma vie maintenant. »

« J’ai pris conscience de ma liberté »

Jeune journaliste, Nathalie (34 ans) tournait un peu en rond et cherchait à donner du sens à son boulot, quitte à se réorienter radicalement. A 30 ans, elle décide de franchir le pas et d’aller travailler « sur le terrain », là où les gens en ont le plus besoin. Elle vient d’achever sa première mission avec MSF, au Sud-Kivu.

Témoignages: ils ont choisi de changer radicalement de vie
© Fred Debrock

« Tout est venu d’une envie de découvrir le monde et de collaborer avec une organisation qui fait sens, de quitter la grisaille pour voir comment on vit ailleurs, en essayant de me rendre utile. A un moment, je me suis rendu compte que j’avais la chance de parler plusieurs langues, d’avoir un passeport européen, un Master, et rien qui me retienne – ni prêt pour un appartement, ni amoureux, ni enfant -, alors je me suis dit: « Tu es libre! Tu peux faire tout ce que tu veux. » J’ai vraiment pris conscience de ma liberté.

Tout s’est précisé en 2015, quand je me suis rendue au Mexique, avec une organisation active dans le domaine des droits humains, les Peace Brigades International. Après cette année de bénévolat, j’ai encore voyagé pendant trois mois, et à mon retour à Bruxelles, je n’avais qu’une envie: repartir. Ça n’a pas été possible tout de suite, donc j’ai bossé six mois au service communication de l’office de tourisme de la Région bruxelloise, puis deux ans à l’Unicef. En fait, je voulais absolument travailler avec Médecins Sans Frontières, alors j’ai essayé de mettre un maximum de choses en place pour que ça se fasse. J’ai fait du bénévolat auprès des sans-abri, j’ai suivi des cours sur le droit international humanitaire, sur les droits humains, j’ai travaillé ma pratique de différentes langues… Et j’ai postulé… Enfin, je les ai harcelés, jusqu’à ce qu’ils me proposent un rendez-vous. Finalement, à la fin du mois de janvier 2019, je suis partie pour ma première mission, dans la province du Sud-Kivu, j’étais basée à Bukavu et j’y ai passé neuf mois.

Sur le terrain, je n’ai jamais eu de moments de doute, j’en avais bien plus à Bruxelles, à l’époque où je me posais des questions. Bien sûr, votre vie change parce que vous savez que vous ne serez pas présent auprès de votre conjoint, votre famille ou vos amis s’ils en ont besoin, mais avec WhatsApp, Skype, les e-mails, on peut se parler tous les jours. J’ai l’impression de n’avoir renoncé à rien, tout en gagnant beaucoup de choses. Ce qui est dur, c’est de faire face à des situations difficiles, avec des populations vulnérables et précarisées… et le retour aussi: parler de ce que j’ai vu avec des personnes de mon entourage ici et réaliser qu’elles sont toutes dans leur bulle de confort, que la situation là-bas les indiffère complètement – « Ça va, c’était bien? OK super » et on passe à autre chose. En tant que descendante d’immigrés espagnols, c’est quelque chose qui me touche particulièrement: les gens sont de plus en plus indifférents alors qu’ils sont vraiment privilégiés. S’ils pouvaient s’en rendre compte, peut-être que ça leur donnerait l’envier de contribuer à un monde plus juste. »

« Réorienter ma carrière m’a aidée à accepter ma surdité »

Une surdité soudaine a forcé Kristl (56 ans) à abandonner son emploi de consultante. Elle a suivi une formation pour se spécialiser dans la fabrication de pâtes et a lancé Pastati, une entreprise basée à Melle qui permet aux personnes en incapacité de travail de fabriquer des pâtes fraîches.

Témoignages: ils ont choisi de changer radicalement de vie
© Fred Debrock

« J’exerçais un job de rêve: j’étais responsable des ressources humaines, je coachais des gens et des équipes qui traversaient un processus de changement professionnel. Les soutenir et leur donner confiance me donnait plein d’énergie. Mais il y a quatre ans, je suis devenue sourde. C’est arrivé un samedi, alors que je conduisais. Soudain, j’ai eu la sensation d’avoir un gros bouchon dans l’oreille gauche. Un médecin m’a immédiatement envoyée à l’hôpital, où on m’a diagnostiqué une surdité brusque, une maladie assez méconnue et quasiment incurable. Mon oreille droite fonctionne encore à 10%, ce qui me permet d’entendre avec l’aide d’un appareil auditif. Mais il m’est devenu impossible d’écouter un groupe de personnes. Je n’entends pas tout ce qui se dit et comme l’une des oreilles est non opérationnelle, mon cerveau doit se réorienter constamment, car j’ai du mal à estimer d’où proviennent exactement les sons. J’ai donc dû abandonner mon job de consultante. S’en est suivie une période assez mouvementée, où j’étais prise d’angoisses. Que pouvais-je commencer à 52 ans? Je devais soudain appliquer à moi-même les conseils que j’avais donnés aux autres pendant tant d’années…

Passé le premier choc, j’ai eu l’idée de lancer une entreprise de pâtes alimentaires alors que je me baladais sur un marché en Italie. Plus précisément, une Entreprise de Travail Adapté, anciennement dénommée « ateliers protégés ». Je voulais agir dans l’économie sociale et redonner la possibilité aux personnes éloignées du marché du travail de se relancer. Je me suis rendue à Piémont pour apprendre à fabriquer des pâtes, j’ai acheté une machine adaptée et lancé Pastati en 2017. Puisque aucune ETA ne voulait travailler avec moi, j’ai officié seule pendant les six premiers mois. Jusqu’à ce qu’un article paraisse dans la presse, dans lequel j’expliquais mon ambition d’inscrire ce projet dans l’économie sociale. Le soir même, le directeur d’Aarova, à Audenarde, me proposait qu’on collabore ensemble. Aujourd’hui, nous préparons des pâtes et des raviolis farcis notamment pour les Diables Rouges, pour des traiteurs, des restaurants et pour les marchés Cru à Anvers, Gand et Overijse. Nous avons même un chef étoilé parmi notre clientèle, pour lequel nous élaborons une garniture de raviolis. J’ai bossé sans relâche au cours des trois dernières années et j’ai investi mes propres économies, sans dégager de profit. Début 2019, je me sentais encore un peu débutante, j’avais peu confiance en moi. Mais j’ai gagné un programme d’accélération organisé par Birdhouse, qui permet aux start-up de recevoir six mois d’accompagnement intensif. Cela m’a aidée à me concentrer sur mon objectif. Maintenant, je suis à la recherche d’un employé commercial qui pourrait m’épauler pour développer davantage le projet.

J’ai toujours eu une personnalité sociable, mais avec ma surdité, il m’est plus compliqué de sortir, que ce soit à des fêtes ou même au théâtre. Me concentrer sur mon changement de carrière m’a aidée à accepter cette situation et à me sentir utile à nouveau. Je suis parvenue à me focaliser sur les opportunités et non pas sur les problèmes. Aujourd’hui, je suis heureuse quand je perçois la fierté de mes employés, leurs tabliers remplis de farine. Dans la vie, il faut savoir tomber, se relever, se réajuster et aller de l’avant! »

« Je pensais être heureuse, jusqu’à ce que je rencontre cet homme »

An (30 ans) était mariée à son amour de jeunesse, avec qui elle avait acheté une maison et un terrain. Jusqu’à ce qu’au cours d’un voyage d’affaires en Ouganda, elle tombe amoureuse d’un autre homme pour lequel elle a tout quitté.

Témoignages: ils ont choisi de changer radicalement de vie
© Fred Debrock

« J’ai suivi le parcours classique: étudier, emménager, se marier, acheter une maison. Je connaissais mon ex-mari depuis toute jeune et nous nous sommes mis en couple pendant ma première année d’université. Après mes études en sciences biomédicales, nous avons emménagé ensemble. J’avais 27 ans lorsque nous nous sommes mariés, c’était ma dernière année de doctorat. Ce fut une année particulièrement intense, aussi bien sur le plan privé que professionnel. Je sentais vaguement qu’il me manquait quelque chose dans ma relation, sans savoir identifier précisément quoi. J’avais une vie confortable et je n’étais pas malheureuse. Ce n’est qu’aujourd’hui que je réalise que j’avais tendance à m’oublier moi-même, que ce soit pour ma carrière ou pour mon mari. Je donnais, il prenait. Je l’aimais, mais notre relation n’était pas équilibrée.

Après avoir terminé ma thèse, je ne devais plus travailler douze heures par jour, et c’est là que le revirement de situation a eu lieu. J’ai à nouveau eu le temps de me poser et de réfléchir à ma vie et j’ai réalisé que je m’étais perdue pendant des années. Mais « hello world », j’étais de retour! Je me suis remise au sport, j’ai revu mes amis et j’ai commencé un nouveau job pour lequel je devais me rendre régulièrement en Afrique. Je me suis retrouvée dans un environnement de travail stimulant et lors d’un séjour d’un mois en Ouganda, j’ai rencontré Mark, dont je suis immédiatement tombée amoureuse. Il lançait un projet agricole dans le nord du pays et je me suis directement sentie à l’aise. Nous pouvions parler pendant des heures, et j’ai compris qu’une relation avec lui serait bien différente de ce à quoi j’étais habituée. Une fois rentrée à la maison, je devais choisir: poursuivre mon ancienne vie ou repartir de zéro. J’ai raconté à mon mari ce qu’il s’était passé là-bas et nous sommes encore restés ensemble quelque temps. Mais mes doutes persistaient. Deux mois après mon retour, j’ai compris que je voulais rompre. Nous avons revendu notre maison et le terrain sur lequel nous voulions construire.

Tomber amoureuse d’un autre alors qu’on est en couple, ce n’est évidemment pas l’idéal. Je ne voulais pas blesser mon ex-mari et je me sentais coupable, mais je me rendais compte que je n’étais plus pleinement amoureuse de lui. Mes parents étaient en désaccord avec mon choix, ce qui ne m’a pas aidée. On m’a fait part de tous les préjugés possibles sur les hommes africains. Qu’il m’utilisait pour venir habiter en Europe. Qu’il n’aurait jamais assez avec une seule femme. Mes proches ne voulaient pas comprendre que Mark avait grandi à Londres et que nous partagions les mêmes valeurs.

Cela fait maintenant deux ans que nous vivons une relation à distance. Pendant les fêtes, Mark est venu en Belgique pour la première fois et il a rencontré ma famille. Et ça s’est bien passé. S’il obtient un visa, il aimerait venir vivre ici, mais nous voulons y aller en douceur. Je suis souvent en Ouganda pour le travail et je profite du temps que j’ai pour moi. Rompre était une bonne décision. Quel que soit mon avenir, je suis beaucoup plus sereine dans ma vie maintenant. »

« Depuis que j’ai revendu ma voiture, je vis sans culpabiliser »

Avoir une auto apportait à Julien (36 ans) plus de stress que de plaisir. Il s’en voulait pour son impact écologique et ne supportait plus les embouteillages et les problèmes de parking. Il a cherché un autre boulot, accessible à vélo, et vit non motorisé depuis lors.

Témoignages: ils ont choisi de changer radicalement de vie
© Fred Debrock

« Je n’ai jamais été pour le concept de voiture de société, mais dans mon ancien boulot de consultant, mon patron a insisté pour que j’en aie une. J’habite à Bruxelles et je devais parfois me rendre chez des clients à Liège, Gand ou Anvers. Chaque soir, je me retrouvais dans les embouteillages sur le ring vers Bruxelles, agacé de ne pas pouvoir être à la maison avec mes enfants. Une fois arrivé dans la capitale, je devais trouver une place, parce que je n’avais pas de garage. Ma voiture a été remorquée à de nombreuses reprises parce que je n’en avais pas eu besoin pendant quelques jours et que j’avais raté un panneau d’interdiction temporaire. Je voyais l’entretien annuel et le changement des pneus hiver comme un fardeau, et je culpabilisais pour mon impact écologique. Mais je dois admettre que cela comportait aussi des avantages. Si je voulais aller au parc à conteneurs, acheter un nouveau matelas ou partir à la mer, je pouvais le faire tout de suite. Je ne devais rien prévoir à l’avance.

Il y a quatre ans, lorsque mon fils aîné a commencé l’école, je le déposais en voiture le matin alors qu’il n’y avait que dix minutes de marche jusque-là. Je poursuivais ensuite ma route pour aller travailler, me convainquant que ce n’était qu’une étape sur mon trajet. Mais secrètement, j’enviais les parents qui déposaient leurs enfants à vélo. Lorsque mon deuxième fils est rentré lui aussi en maternelle, je leur ai demandé comment ils préféraient que je les emmène. Ils ont d’abord opté pour la trottinette. Le lendemain, ils voulaient y aller à pied, mais ils n’ont jamais choisi l’auto. Petit à petit, j’ai commencé à prendre aussi le métro ou le vélo pour me rendre chez mes clients à Bruxelles…

Vivre sans voiture a néanmoins nécessité un changement de mentalité que j’ai mis quelques années à opérer. Il m’a fallu deux ans avant que je trouve un nouveau job pour lequel je n’avais plus besoin d’être motorisé et qui me convenait vraiment. Mais ça y est: depuis l’année dernière, je travaille comme chef de projet pour le Parlement européen. Je me rends au travail en dix minutes à bicyclette! Par contre, je ne me sens pas en sécurité. J’ai récemment oublié mon gilet fluo le matin et j’ai stressé toute la journée à l’idée de rentrer dans l’obscurité. Dans la capitale, il y a une lutte de pouvoir entre les cyclistes et les automobilistes, je me suis même cassé l’épaule lors d’un accident. Mais malgré tout, je suis heureux de ma décision. L’été dernier, j’ai voyagé en train jusque Berlin avec mes enfants. Des entreprises comme Ikea livrent à domicile moyennant un petit supplément et je loue une voiture via Poppy ou DriveNow lorsque j’en ai vraiment besoin. Je suis divorcé et j’ai une nouvelle petite amie, qui vit entre Louvain et Tirlemont. Pour aller la voir, j’utilise une Poppy. Ça fonctionne parfaitement. Je ne vois donc pas la nécessité d’avoir ma propre voiture. »

« J’ai pris conscience de ma liberté »

Jeune journaliste, Nathalie (34 ans) tournait un peu en rond et cherchait à donner du sens à son boulot, quitte à se réorienter radicalement. A 30 ans, elle décide de franchir le pas et d’aller travailler « sur le terrain », là où les gens en ont le plus besoin. Elle vient d’achever sa première mission avec MSF, au Sud-Kivu.

Témoignages: ils ont choisi de changer radicalement de vie
© Fred Debrock

« Tout est venu d’une envie de découvrir le monde et de collaborer avec une organisation qui fait sens, de quitter la grisaille pour voir comment on vit ailleurs, en essayant de me rendre utile. A un moment, je me suis rendu compte que j’avais la chance de parler plusieurs langues, d’avoir un passeport européen, un Master, et rien qui me retienne – ni prêt pour un appartement, ni amoureux, ni enfant -, alors je me suis dit: « Tu es libre! Tu peux faire tout ce que tu veux. » J’ai vraiment pris conscience de ma liberté.

Tout s’est précisé en 2015, quand je me suis rendue au Mexique, avec une organisation active dans le domaine des droits humains, les Peace Brigades International. Après cette année de bénévolat, j’ai encore voyagé pendant trois mois, et à mon retour à Bruxelles, je n’avais qu’une envie: repartir. Ça n’a pas été possible tout de suite, donc j’ai bossé six mois au service communication de l’office de tourisme de la Région bruxelloise, puis deux ans à l’Unicef. En fait, je voulais absolument travailler avec Médecins Sans Frontières, alors j’ai essayé de mettre un maximum de choses en place pour que ça se fasse. J’ai fait du bénévolat auprès des sans-abri, j’ai suivi des cours sur le droit international humanitaire, sur les droits humains, j’ai travaillé ma pratique de différentes langues… Et j’ai postulé… Enfin, je les ai harcelés, jusqu’à ce qu’ils me proposent un rendez-vous. Finalement, à la fin du mois de janvier 2019, je suis partie pour ma première mission, dans la province du Sud-Kivu, j’étais basée à Bukavu et j’y ai passé neuf mois.

Sur le terrain, je n’ai jamais eu de moments de doute, j’en avais bien plus à Bruxelles, à l’époque où je me posais des questions. Bien sûr, votre vie change parce que vous savez que vous ne serez pas présent auprès de votre conjoint, votre famille ou vos amis s’ils en ont besoin, mais avec WhatsApp, Skype, les e-mails, on peut se parler tous les jours. J’ai l’impression de n’avoir renoncé à rien, tout en gagnant beaucoup de choses. Ce qui est dur, c’est de faire face à des situations difficiles, avec des populations vulnérables et précarisées… et le retour aussi: parler de ce que j’ai vu avec des personnes de mon entourage ici et réaliser qu’elles sont toutes dans leur bulle de confort, que la situation là-bas les indiffère complètement – « Ça va, c’était bien? OK super » et on passe à autre chose. En tant que descendante d’immigrés espagnols, c’est quelque chose qui me touche particulièrement: les gens sont de plus en plus indifférents alors qu’ils sont vraiment privilégiés. S’ils pouvaient s’en rendre compte, peut-être que ça leur donnerait l’envier de contribuer à un monde plus juste. »

« Réorienter ma carrière m’a aidée à accepter ma surdité »

Une surdité soudaine a forcé Kristl (56 ans) à abandonner son emploi de consultante. Elle a suivi une formation pour se spécialiser dans la fabrication de pâtes et a lancé Pastati, une entreprise basée à Melle qui permet aux personnes en incapacité de travail de fabriquer des pâtes fraîches.

Témoignages: ils ont choisi de changer radicalement de vie
© Fred Debrock

« J’exerçais un job de rêve: j’étais responsable des ressources humaines, je coachais des gens et des équipes qui traversaient un processus de changement professionnel. Les soutenir et leur donner confiance me donnait plein d’énergie. Mais il y a quatre ans, je suis devenue sourde. C’est arrivé un samedi, alors que je conduisais. Soudain, j’ai eu la sensation d’avoir un gros bouchon dans l’oreille gauche. Un médecin m’a immédiatement envoyée à l’hôpital, où on m’a diagnostiqué une surdité brusque, une maladie assez méconnue et quasiment incurable. Mon oreille droite fonctionne encore à 10%, ce qui me permet d’entendre avec l’aide d’un appareil auditif. Mais il m’est devenu impossible d’écouter un groupe de personnes. Je n’entends pas tout ce qui se dit et comme l’une des oreilles est non opérationnelle, mon cerveau doit se réorienter constamment, car j’ai du mal à estimer d’où proviennent exactement les sons. J’ai donc dû abandonner mon job de consultante. S’en est suivie une période assez mouvementée, où j’étais prise d’angoisses. Que pouvais-je commencer à 52 ans? Je devais soudain appliquer à moi-même les conseils que j’avais donnés aux autres pendant tant d’années…

Passé le premier choc, j’ai eu l’idée de lancer une entreprise de pâtes alimentaires alors que je me baladais sur un marché en Italie. Plus précisément, une Entreprise de Travail Adapté, anciennement dénommée « ateliers protégés ». Je voulais agir dans l’économie sociale et redonner la possibilité aux personnes éloignées du marché du travail de se relancer. Je me suis rendue à Piémont pour apprendre à fabriquer des pâtes, j’ai acheté une machine adaptée et lancé Pastati en 2017. Puisque aucune ETA ne voulait travailler avec moi, j’ai officié seule pendant les six premiers mois. Jusqu’à ce qu’un article paraisse dans la presse, dans lequel j’expliquais mon ambition d’inscrire ce projet dans l’économie sociale. Le soir même, le directeur d’Aarova, à Audenarde, me proposait qu’on collabore ensemble. Aujourd’hui, nous préparons des pâtes et des raviolis farcis notamment pour les Diables Rouges, pour des traiteurs, des restaurants et pour les marchés Cru à Anvers, Gand et Overijse. Nous avons même un chef étoilé parmi notre clientèle, pour lequel nous élaborons une garniture de raviolis. J’ai bossé sans relâche au cours des trois dernières années et j’ai investi mes propres économies, sans dégager de profit. Début 2019, je me sentais encore un peu débutante, j’avais peu confiance en moi. Mais j’ai gagné un programme d’accélération organisé par Birdhouse, qui permet aux start-up de recevoir six mois d’accompagnement intensif. Cela m’a aidée à me concentrer sur mon objectif. Maintenant, je suis à la recherche d’un employé commercial qui pourrait m’épauler pour développer davantage le projet.

J’ai toujours eu une personnalité sociable, mais avec ma surdité, il m’est plus compliqué de sortir, que ce soit à des fêtes ou même au théâtre. Me concentrer sur mon changement de carrière m’a aidée à accepter cette situation et à me sentir utile à nouveau. Je suis parvenue à me focaliser sur les opportunités et non pas sur les problèmes. Aujourd’hui, je suis heureuse quand je perçois la fierté de mes employés, leurs tabliers remplis de farine. Dans la vie, il faut savoir tomber, se relever, se réajuster et aller de l’avant! »

« Je pensais être heureuse, jusqu’à ce que je rencontre cet homme »

An (30 ans) était mariée à son amour de jeunesse, avec qui elle avait acheté une maison et un terrain. Jusqu’à ce qu’au cours d’un voyage d’affaires en Ouganda, elle tombe amoureuse d’un autre homme pour lequel elle a tout quitté.

Témoignages: ils ont choisi de changer radicalement de vie
© Fred Debrock

« J’ai suivi le parcours classique: étudier, emménager, se marier, acheter une maison. Je connaissais mon ex-mari depuis toute jeune et nous nous sommes mis en couple pendant ma première année d’université. Après mes études en sciences biomédicales, nous avons emménagé ensemble. J’avais 27 ans lorsque nous nous sommes mariés, c’était ma dernière année de doctorat. Ce fut une année particulièrement intense, aussi bien sur le plan privé que professionnel. Je sentais vaguement qu’il me manquait quelque chose dans ma relation, sans savoir identifier précisément quoi. J’avais une vie confortable et je n’étais pas malheureuse. Ce n’est qu’aujourd’hui que je réalise que j’avais tendance à m’oublier moi-même, que ce soit pour ma carrière ou pour mon mari. Je donnais, il prenait. Je l’aimais, mais notre relation n’était pas équilibrée.

Après avoir terminé ma thèse, je ne devais plus travailler douze heures par jour, et c’est là que le revirement de situation a eu lieu. J’ai à nouveau eu le temps de me poser et de réfléchir à ma vie et j’ai réalisé que je m’étais perdue pendant des années. Mais « hello world », j’étais de retour! Je me suis remise au sport, j’ai revu mes amis et j’ai commencé un nouveau job pour lequel je devais me rendre régulièrement en Afrique. Je me suis retrouvée dans un environnement de travail stimulant et lors d’un séjour d’un mois en Ouganda, j’ai rencontré Mark, dont je suis immédiatement tombée amoureuse. Il lançait un projet agricole dans le nord du pays et je me suis directement sentie à l’aise. Nous pouvions parler pendant des heures, et j’ai compris qu’une relation avec lui serait bien différente de ce à quoi j’étais habituée. Une fois rentrée à la maison, je devais choisir: poursuivre mon ancienne vie ou repartir de zéro. J’ai raconté à mon mari ce qu’il s’était passé là-bas et nous sommes encore restés ensemble quelque temps. Mais mes doutes persistaient. Deux mois après mon retour, j’ai compris que je voulais rompre. Nous avons revendu notre maison et le terrain sur lequel nous voulions construire.

Tomber amoureuse d’un autre alors qu’on est en couple, ce n’est évidemment pas l’idéal. Je ne voulais pas blesser mon ex-mari et je me sentais coupable, mais je me rendais compte que je n’étais plus pleinement amoureuse de lui. Mes parents étaient en désaccord avec mon choix, ce qui ne m’a pas aidée. On m’a fait part de tous les préjugés possibles sur les hommes africains. Qu’il m’utilisait pour venir habiter en Europe. Qu’il n’aurait jamais assez avec une seule femme. Mes proches ne voulaient pas comprendre que Mark avait grandi à Londres et que nous partagions les mêmes valeurs.

Cela fait maintenant deux ans que nous vivons une relation à distance. Pendant les fêtes, Mark est venu en Belgique pour la première fois et il a rencontré ma famille. Et ça s’est bien passé. S’il obtient un visa, il aimerait venir vivre ici, mais nous voulons y aller en douceur. Je suis souvent en Ouganda pour le travail et je profite du temps que j’ai pour moi. Rompre était une bonne décision. Quel que soit mon avenir, je suis beaucoup plus sereine dans ma vie maintenant. »

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