Tristane Banon

Fraîcheur, sensibilité et franchise caractérisent Tristane Banon qui nourrit sa plume d’un humour corrosif. Son regard azur masque sa noirceur et ses fêlures. Seul son double, Flore, se permet un corps à corps avec ses émotions et ses pires délires. Lorsque le hasard la conduit vers son géniteur, l’héroïne imagine une redoutable Daddy frénésie. La vengeance et l’audace ont un goût cocasse !

L’écriture, jeu périlleux ou essentiel ?
Essentiel ! Alors que mes amis auteurs écrivent dans la souffrance, je suis dans le bonheur d’une récré. Ecrire, c’est l’oxygène qui m’aide à supporter tout le reste.

Le lieu où vous préférez écrire.
Chez moi, dans un café en bas de chez moi ou au Parc Saint-Cloud. J’adore aussi les trains, car il y a une heure de début et de fin. Cela va à l’encontre de l’écriture qui me fait passer des nuits blanches.

Quels livres vous ont le plus marquée ?
Le Rouge et Noir de Stendhal, Hécate et ses chiens de Paul Morand – qui parvient à rendre une vie sur cent pages – et Charles Bukowski.

Ceux qui vous ont le plus étonnée ?
En mal, La Recherche du temps perdu de Proust. Quel ennui ! En bien : Ensemble c’est tout d’Ana Gavalda et la trilogie Millenium.

Vos amis auteurs dans la vie.
Jessica Nelson, David Foenkinos, Bernard Werber, Patrick Poivre d’Arvor et Karine Tuil.

Ceux que vous auriez aimé rencontrer ?
Anaïs Nin, Rimbaud, Victor Hugo et Jacques Brel. Je suis une fan absolue de ses textes en prose. Quand j’écris, je me demande comment il jugerait mes phrases.

Votre héroïne romanesque.
La marquise de Merteuil dans Les Liaisons dangereuses. Elle prend tout sur elle, avant de se brûler le corps, les ailes et le bec. N’est-ce pas typiquement féminin ?

Et celle dans la vie ?
Françoise Giroud.

Etes-vous l’héroïne de votre propre vie ?
Je suis plutôt le pantin conscient de ma vie, tant j’ai du mal à la diriger. Mais contrairement à Pinocchio, je sais que je suis reliée à un fil.

Votre vie est-elle un roman ?
C’est le cas pour nous tous. La seule différence, c’est que j’en ai fait mon métier.

Flore – qui revient de livre en livre – soeur de papier ou imaginée ?
C’est vraiment ma soeur. Je m’y suis tellement attachée, que je garde un oeil sur elle.

Qu’évoque son prénom ?
Ma mère, qui rêvait d’avoir un fils, nommé Tristan. Quand je suis née, elle voulait y ajouter Florianne, mais mon père a refusé. En baptisant mon héroïne Flore, je rends sa fille à ma mère.

Et votre prénom, Tristane ?
Anne étant ma mère, je l’interprète comme « triste Anne ». Même si je ne le suis pas, il faut se méfier des gens qui sourient tout le temps. Je ne suis jamais dans l’insouciance.

Traits de caractère de Flore et les vôtres.
L’impatience, une certaine gravité et une trop grande sensibilité. Si Flore n’a pas peur de les dévoiler et de pleurer, j’ai tendance à les dissimuler. Dans ce roman, je démontre comment des gens gentils sont capables du pire. Ayant tous ce potentiel en nous, qui sait si on pourra dire stop ?

Qu’est-ce qui vous fait grandir ?
La clairvoyance quant à ce qui est possible ou pas dans l’existence.

Avoir bientôt 30 ans, c’est…
Bizarre. J’ai toujours eu l’impression qu’on avait glissé un cerveau de grand-mère dans le corps d’une gamine. Aujourd’hui, je n’ai ni l’apparence d’une petite-fille ni la maturité d’une mamy, alors je me sens déphasée.

La famille…
Devrait s’apparenter au réconfort, mais pour moi, il s’agit d’un éternel combat. Je suis le fruit d’une erreur de calcul, de planning et de casting. Tant au niveau physique que professionnel, je ne colle pas avec les canons familiaux. S’il fallait rajouter une déesse à la mythologie, je serais celle de l’erreur !

Y a-t-il des répercussions sur vos amours ?
J’ai longtemps cru que mes amours combleraient mes manques. Très présents, les hommes devaient compenser l’absence familiale. Je vivais dans la peur constante d’être quittée. Or, c’est impossible d’être le mari, l’amant et le père. Aujourd’hui, je leur laisse une telle liberté qu’ils se demandent si je les aime.

Que symbolisent vos amis ?
La famille choisie, celle des « très intimes ». Quoi que je fasse, ils sont là pour me défendre.

Que faites-vous quand vous êtes « au sous-sol de vous-même » ?
Je m’enferme et j’écris, mais mieux vaut aller bien et écrire bien.

Avec quelle célébrité auriez-vous aimé correspondre ?
Avec De Gaulle, l’image du père absolu. J’aurais souhaité qu’il me relate sa fuite de 19’68. L’humanité ne se raconte que par écrit…

Plutôt lettres ou mails ?
J’aime écrire une lettre quand quelqu’un ne s’y attend pas, et la lui donner en main propre. Sinon, je suis une « psychopathe » des mails et des SMS.

Que représente votre site Internet ?
Je l’aime beaucoup car c’est le cadeau de mes lecteurs. Regroupés autour de Mélanie, ils font un travail énorme. Ainsi, ils ont imaginé un clip (avec la musique de Stéphane Caso) pour le lancement de ce roman. Connaissant bien mon univers, ils conçoivent cela comme un mécénat.

Qu’avez-vous fait de plus audacieux ?
Tout arrêter professionnellement pour tenter une carrière dans le roman.

Et de plus lâche ?
Me laisser marcher dessus par ceux qui me voulaient du mal. J’ai tendance à m’écrabouiller par peur du conflit.

De quoi êtes-vous jalouse ?
Des textes d’Emilie Loizeau et du bonheur que ça doit représenter de les chanter. Je l’ai vue lors de son concert unique. Quel pied !

Qu’êtes-vous prête à faire par vengeance ?
Attendre, un défi pour une impatiente… N’étant pas revancharde, je compte sur le hasard pour rattraper ceux qui m’ont blessée.

La vérité, explosive ou nécessaire ?
Pas vraiment nécessaire. Ce roman tourne à la frénésie lorsque j’imagine un élément déclencheur, qui fait que tout part en vrille. On assiste à la phase « Orange mécanique » de Flore (cf. aussi ma photo avec le chapeau). Celle-ci la dépasse car n’étant pas méchante, elle se sent coupable.

La dernière fois, où vous avez eu honte ?
Après avoir mis mon coeur sur la table, pour un mec.

Qu’y a-t-il de plus sérieux en vous ?
Moi. J’ai une vision grave des choses et je ne supporte pas de ne pas tenir mes promesses.

Et de plus frivole ?
Mon attachement démesuré aux petits souvenirs matériels de mes amis, comme tous ces bracelets et breloques. Il y a aussi mon tatouage rouge au poignet : « Never look back, never think twice », qui représente les ailes d’un ange déchu. Je suis si obsédée par les ailes, que j’en ai plein chez moi.

Coquette ?
Oui et non. Je ne me maquille pas, or le non-style est un style.

Comment vous percevez-vous physiquement ?
Je ne m’aime pas, même je suis consciente d’avoir un physique à la mode : petite, maigrichonne, blondinette fadasse, à moyennement forte poitrine. Je rêve d’être pulpeuse et typée, comme Cléopâtre, Liz Taylor ou Claudia Cardinale.

Votre rapport à la mode.
Ma mode à moi, c’est le confort. Je privilégie les matières douces : soie, cachemire et coton tissé. Elles me font l’effet d’une deuxième peau.

Une couleur ?
J’aime le bleu depuis que je suis toute petite. C’est le symbole du ciel et de la liberté.

Un parfum ?
Mûre et Musc de l’Artisan Parfumeur. Je n’ai jamais porté autre chose.

La nuit est propice à…
L’écriture et rien d’autre.

Pourquoi êtes-vous si attachée à l’Unicef ?
Parce que je ne supporte pas l’injustice envers les enfants. Ils ne jouent à rien, mais perdent la partie. J’ai un projet de livre sur leurs droits.

Le bonheur, c’est…
Une terre qu’il me reste à trouver. Optimiste, je me dis que j’y ai droit ! Malgré de petits bonheurs, je ne l’ai pas encore connu en vingt-neuf ans.

Propos recueillis par Kerenn Elkaïm

Daddy frénésie, par Tristane Banon, Plon, 191 pages.

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