À la découverte de 10 joyaux monumentaux abandonnés, en Belgique
Des puits, des aquariums et des mines vides, un patrimoine architectural délabré, des ponts et des routes désaffectés: Bart Vanacker et Reinout Bossuyt rassemblent dans leur Atlas van vergeten België (Atlas de la Belgique oubliée) plus de soixante lieux oubliés qui méritent une visite. Coup d’oeil sur leurs sites préférés.
Ils sont passionnés de patrimoine industriel à la gloire déchue, celui de notre pays, mais aussi au-delà de ses frontières. En Belgique, Bart Vanacker et Reinout Bossuyt ont recensé plusieurs dizaines de lieux oubliés qui méritent pourtant encore le détour et même une visite. Ils ont pour ce faire, passé chaque province au peigne fin, recherchant les ruines dormantes de monuments, qu’il s’agisse d’une abbaye détruite, des trains à l’abandon, de fragments de joyaux architecturaux ou de bâtiments industriels désaffectés. À l’aide de photos, d’anecdotes et de cartes, les auteurs racontent l’histoire de ces traces du passé dans leur livre Atlas van vergeten België. Grâce à la précision de documents rassemblés, des coordonnées et des informations pratiques, vous pourrez découvrir de vos propres yeux durant cet été de staycation.
Comment vous est venue l’idée de ce livre ?
Bart Vanacker : « En 2018, nous avons écrit Disparition de la Belgique, livre dans lequel l’accent était surtout mis sur les monuments disparus ou menacés de disparition. Dans cet Atlas, nous voulions mettre en lumière les lieux vraiment oubliés. Car chaque province belge cache de ces particularités, petites ou grandes, que vous avez moins de chances de trouver dans les brochures touristiques. Cependant, l’histoire de ces lieux fait appel à l’imagination. Pensez à un aqueduc aux allures romaines, à un pont-ferré qui peut égaler le Pont d’Avignon ou à une usine automobile dotée d’un circuit sur son toit, comme l’usine de Lingotto de Fiat à Turin. Quelques heures de trajet, en voiture ou en train, suffisent pour se retrouver nez à nez avec des chemins de fer, des lieux paradisiaques de vacances ou encore des usines qui ont été littéralement effacés de nos mémoires. L’état actuel de ces lieux peut varier considérablement. Un monument a été redécouvert ou est devenu une modeste attraction touristique. D’autres bâtiments n’ont pas été touchés depuis un demi-siècle ou sont sur le point de s’effondrer ».
Quels sont les endroits qui vous ont le plus surpris ?
Le Dronkenput à Middelkerke
« À la fin du XIXe siècle, ce bassin en béton était destiné à stocker l’eau potable pour la ville balnéaire de Middlekerke, alors en pleine expansion. Mais la montée de la nappe phréatique a provoqué une distorsion du puits. Aujourd’hui, il est toujours là et vous pouvez le visiter. Vous descendez les escaliers de travers et vous vous retrouvez dans le puits, où tout est de travers. C’est une expérience à part ».
Le sanatorium de Tombeek
« Le sanatorium a été construit au début du XXe siècle sur une colline d’Overijse. Il est devenu une perle moderniste. Après sa fermeture à la fin des années 80, le bâtiment était vide et tombait en ruine. Entretemps, il a été entièrement rénové et transformé en centre de soins. Pour nous, c’est un endroit fascinant, parce que nous l’avons vu à la fois dans sa version délabrée et dans sa version actuelle, rénovée ».
Les grottes de l’aquarium à Gand
« Pendant l’exposition mondiale de 1913, une grotte aquarium a été construite dans les roches artificielles du parc de la Citadelle de Gand. Les visiteurs pouvaient alors, après avoir descendu la volée de marches qui les menaient dans la grotte, s’émerveiller devant les poissons qui nageaient dans les aquariums. Aujourd’hui, on peut encore voir ces niches où les aquariums devaient se trouver et les excellentes canalisations d’eau désormais rouillées ».
Le circuit d’essai à Trooz, Liège
« Par manque de place, une piste d’essai a été construite en 1929 entre les toits des hangars du constructeur automobile Imperia, le dernier constructeur automobile belge. Il s’agissait d’un circuit de 800 mètres de long. Trente ans plus tard, l’usine a fermé. Le circuit n’est plus utilisé, la moitié en a même été démolie. »
Le ring inutile autour de Lommel
« Ce périphérique est l’un des ouvrages inutiles de notre pays qui montre douloureusement comment l’argent public était utilisé avec désinvolture dans les années 1970. La route à quatre voies de 750 mètres de long n’a jamais été achevée et est bordée de garde-corps aux deux extrémités. Aujourd’hui, elle sert au voisinage pour promener les chiens, aux cyclistes et aux joggeurs ».
Quels sont les endroits oubliés à ne pas manquer ?
La Maison du peuple de Victor Horta
« Elle illustre la façon dont les bâtiments Art nouveau étaient utilisés dans les années 1960. Elle était encore trop récente et ne méritait donc pas d’être protégée. Ce bâtiment a disparu en 1965 sous le marteau de démolition et devait être reconstruit ailleurs. Cela n’est jamais arrivé. Ses restes sont dispersés dans toute la Belgique, y compris dans le parc de quartier « De Porre » à Gentbrugge. Les ferronneries originales décorent le Grand Café Horta d’Anvers ».
La mine de charbon de Sauwartan
« La mine de charbon en béton de Sauwartan se trouve dans une forêt près de Dour. Rien que le lieu est unique. La construction remonte à 1928, mais elle n’a été utilisée que pendant dix ans. La carcasse en béton est restée debout et y repose encore aujourd’hui. Une vision unique ».
Les ponts en demi-arc de Bohan et Membre
« Ces ponts prouvent qu’il n’est pas nécessaire d’aller à Avignon pour voir un pont sans issue. Les viaducs au-dessus de la Semois formaient deux oeuvres d’art sur une voie ferrée locale. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les deux viaducs ont été détruits et aucun travail n’a été fait pour restaurer la ligne. Les voies ont été démantelées et deux ponts coupés en deux sont maintenant suspendus au-dessus de la Semois ».
Les hangars de séchage des Tuileries du Littoral à Courtrai
« Les hangars de séchage de l’usine de tuiles du Littoral à Courtrai ont été restaurés pour retrouver leur gloire d’antan. Ce n’était pas le cas il y a quelques années : après la fermeture de l’usine, ils se sont effondrés comme un pudding et le propriétaire a voulu aplatir le complexe. Pour eux, une nouvelle fonction était inenvisageable, cela aurait tout simplement coûté trop cher. Après l’intervention de l’Association flamande d’archéologie industrielle et d’une poignée de politiciens de Courtrai, les hangars de séchage ont été protégés et restaurés. Ils abritent désormais les bureaux à faible consommation d’énergie de Wienerberger, un producteur de matériaux de construction durables en céramique, qui déclare d’ailleurs sur son site que ce bâtiment comme « sa plus forte salle d’exposition ». Ou comment une réaffectation, redoutée, peut encore porter ses fruits ».
L’hôtel Kosmos au sommet du Rodeberg
« Au début de ce siècle, l’hôtel a fermé ses portes après que la piscine située à proximité n’ait plus reçu de nouveau permis, ne permettant plus aux visiteurs d’y avoir accès. Le complexe de vacances moderniste a dès lors été la proie de vandales et d’incendiaires. Là où se situait autrefois la piscine, se trouve maintenant un parc paysager. L’hôtel n’est plus accessible, mais l’extérieur est un joyau à lui seul. C’est pour cette raison d’ailleurs il a fait la couverture de notre livre. «
Bart Vanacker & Reinout Bossuyt, Atlas de la Belgique oubliée (29,99 euros), à partir du 11 juillet
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