Bienvenue au Liechtenstein, petit pays au grand potentiel
Minuscule bout de terre encastré entre la Suisse et l’Autriche, le Liechtenstein a bien du mal à attirer les touristes. L’accès à sa splendide nature, facilité par 400 kilomètres de sentiers balisés, a pourtant de quoi séduire. La preuve!
Avec une moyenne qui peine à dépasser les 60 000 touristes par an, le Liechtenstein figure, avec Saint-Marin, au top des pays les moins visités d’Europe. Une réputation peu glorieuse que Nicole Thöny, de l’Office de tourisme national, aborde avec un brin de dérision, dans son bureau du centre de la capitale Vaduz. « Je ne sais pas pourquoi nous attirons si peu de gens, sourit la trentenaire. Cela doit être lié à la taille du pays : on n’entend généralement pas beaucoup parler des petites nations car il y a moins de personnes, d’entreprises et d’informations qui en sont issues. Si vous regardez la carte, vous devez savoir à l’avance où se trouve le Liechtenstein pour le situer, d’autant que beaucoup le confondent avec le Luxembourg. Peut-être parce que l’on débute par la lettre L ? »
Peut-être aussi parce que les deux Etats sont de célèbres paradis fiscaux. Parce que oui, le Liechtenstein est un pays riche bourré de banques, de boîtes postales de multinationales et de casinos, une Principauté hyper-industrialisée et un peu désuète avec ce Prince et son droit de veto sur les décisions du peuple. Tout cela est vrai… mais cela rend la découverte de ses beautés méconnues encore plus savoureuse.
Pour commencer: un peu d’histoire
Niché sur une colline ornée de vignes, à 70 mètres de hauteur, le château de Gutenberg domine majestueusement le sud du Liechtenstein. D’ici, tout est visible : le Rhin d’un côté, et les montagnes de l’autre, pratiquement accolées à l’ouvrage. Une position de défense idéale qui a mené à l’édification de cette forteresse au XIIe siècle. Propriété des Habsbourg pendant près de 400 ans, le bâtiment a ensuite été laissé à l’abandon pendant des décennies avant sa réfection en 1905. Il appartient aujourd’hui à l’Etat et peut être visité… à condition de réserver son guide deux semaines à l’avance. Le château de Gutenberg est l’un des premiers points d’intérêt méridionaux conseillés par le Liechtenstein Trail. Créée en 2019, cette carte interactive gratuite parcourt 75 kilomètres à travers les onze communes du pays pour mettre en évidence des sites et événements historiques liés au petit Etat. Une fois le château de Gutenberg dans son dos, le Liechtenstein Trail (LT) longe quelque peu l’inévitable – et anti-charismatique – route 28 qui trace le pays du nord au sud, puis s’offre quelques premières incursions dans la nature à travers des champs de fleurs multicolores.
Un trail qui en jette
La Sint Mamerta Kapelle de Triesen fait office de studio photo en plein air pour les mariés locaux. La chapelle, dotée d’une jolie tour en pierre ponctuée par un balcon en bois et une toiture en ardoise, mérite à elle seule le coup d’œil, mais peut-être pas autant que son jardin qui donne vue sur Gauschla et Alvier, les sommets montagneux de la Suisse voisine. La Principauté n’est ni longue ni large, mais elle est abrupte, et capable de s’élever de 430 à 2 600 mètres d’altitude en à peine six kilomètres. Autant dire qu’il faut s’habituer à monter presque à pic… et à voir les degrés du thermomètre baisser à mesure que le bois des chalets remplace le béton lisse des maisons classiques.
En direction de Triesenberg, quelques exploitations agricoles se blottissent dans le creux des collines. Un peu à l’abri du vent, mais pas de la vue sur les magnifiques pics environnants. Il est alors possible de contempler pratiquement la totalité du Liechtenstein dans sa longueur, soit une septantaine de kilomètres. Mieux vaut toutefois garder la tête dans les montagnes, le spectacle y sera toujours plus beau qu’en contrebas, où le plat pays se distingue surtout par un intense développement industriel.
Culture internationale VS tradition locale
Assises sur un banc de Städtle, la place principale de la capitale Vaduz, Carolina et Lily n’y vont pas par quatre chemins : elles trouvent plutôt ennuyeux d’être adolescentes au Liechtenstein. « On est quand même obligées d’aller en Suisse si on veut quelque chose de bien », regrettent-elles avant, progressivement, de s’ouvrir sur ce qui les anime au quotidien, comme les activités outdoor, principalement du vélo le long du Rhin, des baignades au lac de Gamprin et des promenades en campagne. « La nature est omniprésente dans notre vie. On est habituées à beaucoup marcher et avec l’école, on fait de nombreux hikes et excursions en montagne. On a très vite été familiarisées à notre environnement. »
Léger paradoxe : la rue piétonne où apprécient se détendre Carolina et Lily – et par laquelle passe furtivement le LT – est majoritairement constituée de boutiques (très) chicos, de restaurants aux menus presque impayables et d’œuvres d’art très contemporaines. Ici, les plus grands musées, l’Hilti Art Foundation et le Kunstmuseum, partagent la même forme cubique, une extrême propreté et un attrait peu évident. D’autres galeries d’art parsèment cette courte artère qui se termine à hauteur du Landtag, le Parlement entièrement couvert de briques, qui ne déparerait pas dans les rues de Louvain-la-Neuve. Inutile d’aller plus loin : Vaduz ne vaut pas la peine de s’y éterniser plus d’une heure ou deux.
« Certains musées et galeries ont voulu donner une dimension internationale à la culture liechtensteinoise », regrette Charly Dodet, président de l’ASBL Les Amis du Liechtenstein en Wallonie.
« Ils présentent des œuvres souvent étrangères qui ne correspondent pas aux traditions et à la mentalité alpine. Les Liechtensteinois ont certes beaucoup évolué avec le standing du pays, mais leur âme reste ancrée dans les coutumes. Le carnaval, les légendes, les fêtes traditionnelles qui rythmaient autrefois le quotidien des gens sont encore très présents dans les esprits. Il s’agit selon moi de la vraie culture liechtensteinoise. »
Pour sortir des lounges et des coffee houses un peu guindés de la capitale, le Liechtenstein Trail emmène à Schaanwald, petite bourgade accolée à la frontière autrichienne. Ici, l’Ethno Bar détonne avec son poêle à bois, sa programmation mêlant Ray Charles à Vaya Con Dios et sa déco faite de bouteilles d’alcool vides et de mannequins affublés de peaux de bête. « On organise régulièrement des concerts pour faire survivre la vie festive des locaux, ajoute Marco, le serveur originaire d’Italie. Il y a encore une vingtaine d’années, il existait beaucoup d’établissements de ce genre. Mais comme le pays s’est mis à fond sur les banques et les casinos, les gens ont commencé à déserter pour aller boire leur verre à Saint-Gall ou en Autriche. On doit encore être une quinzaine de bars typiques, mais il faut un peu nous chercher. »
La nature à portée de main
Avec 400 kilomètres de sentiers de randonnée balisés, la Principauté vaut principalement le coup d’œil pour sa campagne. Le Liechtenstein Trail ne s’y trompe pas en conduisant par exemple à travers les prés de Rotenboden ou sur les ruines du château Schalun au milieu des bois. Il oublie en revanche de renseigner Gnalp, minuscule hameau parsemé de superbes maisonnettes en bois espacées de plusieurs dizaines de mètres dans un champ vallonné et fleuri. Un effet Petite maison dans la prairie total.
Les amateurs d’histoire montagnarde trouveront à ce propos leur bonheur au musée Farmhouse, installé dans une ferme datant de près de 500 ans à Schellenberg, au nord. L’intérieur rappelle le mode de vie et les coutumes de la société agricole locale d’il y a une centaine d’années. « Le Liechtenstein a longtemps été un pays rural avec un niveau de vie modeste », précise-t-on sur place. Après la visite de Gnalp, deux options s’offrent au flâneur : soit il pousse jusqu’à Gaflei, petit village à la fois cul-de-sac pour les voitures et formidable point de départ pour des balades à flanc de montage. Soit il emprunte le seul tunnel du pays, transite par l’envoûtant village de Steg, blotti au bord du lac Gänglesee, puis aboutit à Malbun.
Ce matin, dans cette localité au statut ballotté au gré des saisons entre station de ski et base d’aventures pédestres, Aurora nettoie les télésièges. Il n’y a pas grand monde, alors cette francophone à la coupe au bol s’épanche sur ses escapades préférées. « Tant que l’on ne s’équipe pas comme pour aller à la plage, il y a des trails pour tous les goûts, à partir d’ici, avance-t-elle. Ceux qui tournent autour de Stachler sont terribles : on peut tout y voir et monter loin sur les hauteurs. A partir de Sareis, le Princess Gina Trail sillonne constamment sur les crêtes et donne vue sur l’Autriche… ce qui plaît au Liechtensteinois, très curieux de nature. Il y a aussi des parcours plus accessibles, avec un dénivelé moins élevé, mais des panoramas à couper le souffle. » Le Sass Trail en fait partie, lui qui s’étire sur 4,4 km de sentier étroit mais sécurisé. A 1 725 m d’altitude, outre le confort du silence, c’est la magie de se sentir seul et si petit dans l’immensité de la nature qui prédomine.
Un pays sans armée… ni célébrité
Wilfried Vogt est un amoureux de fleurs et d’oiseaux. Ce professeur de théologie à la retraite s’adonne régulièrement à sa passion, partant sur les sentiers à la recherche d’edelweiss, de roses ou de cigognes. « Il existe beaucoup d’étendues et de réserves naturelles assez uniques, confie-t-il dans son salon à Balzers, son gâteau au chocolat préféré sous le nez. Face à l’industrialisation du pays et l’intensification de l’agriculture, je fais partie de ceux qui luttent en revanche pour que la nature reste un espace de repos et que l’on définisse même des zones non accessibles au public. »
Pour se faire entendre des autorités, Wilfried n’a pas beaucoup d’obstacles à franchir. Avec 39 000 habitants, la Principauté cultive cette tradition de lieu où tout le monde se côtoie. Le Prince Hans-Adam II est connu pour déguster régulièrement un café en contrebas de son superbe château de Vaduz, tandis que la Princesse Georgina von Wilczek – décédée en 1989 – a un jour fait retentir le téléphone de la famille Vogt pour demander un renseignement… « Il n’y a pas de courrier officiel ni d’armée, et tout le monde se tutoie, poursuit l’universitaire pensionné. On ne prête pas plus d’attention que cela à la célébrité. »
La nation doit une partie de son existence à Napoléon, qui autorise en 1806 le Prince Johann 1er de Liechtenstein à conserver sa souveraineté sur ce territoire suite à la dissolution du Saint Empire, dont il faisait jusqu’alors partie. En 1868, la Principauté déclare sa neutralité permanente puis, au terme de la Première Guerre mondiale, elle convainc la Suisse d’assurer sa représentation diplomatique à l’étranger, avant d’intégrer son espace douanier et d’adopter son franc. Aujourd’hui, les deux Etats entretiennent d’excellentes relations… mais ne marchent pas sur les mêmes sentiers touristiques. « Le Liechtenstein restera ce discret joyau alpin caché loin du tourisme de masse, pense Nicole Thöny, du bureau du tourisme. Mais notre petitesse est aussi un avantage : on peut aisément parcourir la réserve naturelle de Ruggell à vélo le matin et faire une randonnée avec un aigle dans les montagnes l’après-midi. Sans long trajet, sans embouteillage. » Sans rien ni personne.
En pratique
Y aller
Il faut une moyenne de 10 heures et trois trains via Paris et Zurich pour rallier Bruxelles à Schaan, la principale gare du pays. En voiture, la Belgique n’est distante que de six heures de la Principauté, après notamment une belle traversée de la Suisse.
Se loger
Gafadurahütte. Le Liechtenstein est un pays cher. Le chalet Gafadurahütte propose en revanche dès le printemps une demi-pension à 80 euros la nuit à 1 428 mètres d’altitude. tourismus.li
Se restaurer
Bergstübli. Ce restaurant rustique, installé dans une habitation en bois en bord de lac Gänglesee, maîtrise parfaitement les fondues au fromage. bergstuebli.li
Y circuler
Map Geo est une carte Web gratuite qui répertorie le moindre sentier de randonnée. map.geo.admin.ch
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