Voyage au Monténégro, la perle secrète des Balkans

Comparé à son voisin croate, le Monténégro reste relativement discret, malgré le boom touristique qu’il connaît. Visite guidée d’une petite nation aux richesses insoupçonnées.

«On est amis avec tout le monde, les Monténégrins ne cherchent jamais à embrouiller les autres», insiste notre guide en évoquant la position du Monténégro sur la scène politique internationale. Voilà qui explique (en partie) 
l’accueil chaleureux qu’on y reçoit. Le reste, Lord Byron en parlait déjà: lors d’un de ses nombreux voyages, le poète anglais a décrit le pays comme «le plus beau mélange de terre et de mer».

En pleine forêt tropicale

Nous commençons par le côté montagne via deux bases d’opérations: Kolašin et Žabljak. En hiver, on y trouve des pistes de ski; en été, des chemins de randonnée. Les deux premiers jours, nous visitons Kolašin. Cette petite ville est la porte d’entrée du parc national de Biogradska Gora, la plus ancienne réserve naturelle d’Europe. Sa partie la plus célèbre est le lac glaciaire de Biograd (Biogradska Jezero), entouré d’une forêt vierge d’arbres centenaires. La biodiversité y est énorme; c’est l’une des rares forêts tropicales de notre continent. La promenade de 3,5 km autour du lac nous occupe une bonne heure. Non pas qu’elle soit exigeante, mais il y a mille choses à y observer.

Cette rencontre avec le plus féerique des cinq parcs nationaux du Monténégro nous donne le goût de l’aventure. 
Le deuxième jour, nous marchons un peu plus haut. 
Plus loin au-dessus du lac, se trouve Vranjak, un village montagnard avec des cabanes en forme de tentes qui, comme les autres katuns de la région, n’est habité que pendant les mois d’été.

Nous partons de là pour escalader Crna Glava, le plus haut sommet des monts Bjelasica. Via l’appli de randonnée Komoot, nous traçons un itinéraire de 20 km qui, via plusieurs autres sommets, nous fait également passer devant les lacs glaciaires de Pešića et d’Ursulovačko. La randonnée est physique. A la fin de la journée, notre podomètre indique presque 1.000 mètres de dénivelé. Plutôt ardu, même si le paysage sert de récompense incessante…

Canon, les canyons!

Žabljak – une petite ville située dans le parc national de Durmitor – est notre deuxième étape dans les montagnes. Si l’on peut encore qualifier les forêts autour du lac de Biograd d’enchanteresses, l’atmosphère de Žabljak est plus sauvage. C’est ici que se trouve le plus haut sommet du Monténégro, le Bobotov Kuk (2.523 m). La météo nous force à renoncer à son ascension, la marche nécessitant de grimper le long de précipices abrupts.

Mais les alternatives ne manquent pas. La randonnée des trois lacs, par exemple, dont le joyau est le Crno Jezero, ce «lac noir» qui semble bleu par moments; le lointain Zminje Jezero caché au fond des forêts; et enfin le peu profond Barno Jezero. Le véritable point fort de Durmitor? Tara, le deuxième canyon le plus profond du monde après le Grand Canyon. On peut l’explorer depuis l’eau – plusieurs tour-opérateurs proposent du rafting – ou depuis les hauteurs. On choisit la seconde option, car l’orage menace. Nous partons donc pour une randonnée panoramique de quelques kilomètres vers le haut de Curevac… où les nuages gâcheront un peu la fête.

La pause culinaire permet de découvrir la (copieuse) cuisine de montagne. Traditionnellement, au petit-déjeuner, on déguste des priganice, sorte de croustillons. Pour les pique-niques, place aux bureks, un des plats phares des ex-pays de l’Empire ottoman. Le soir, nous optons pour du kačamak, une purée à base de pommes de terre, d’amidon de maïs et de kajmak, un fromage monténégrin. Encore un petit creux? A tous les coins de rue, on trouve des palaçinke, ces crêpes savoureuses et rassasiantes après une longue randonnée en montagne…

Une ambiance à la White Lotus

Pour une gastronomie plus raffinée, direction la côte. A Perast, sur la baie de Kotor, nous devons laisser notre véhicule dans l’un des deux parkings situés à l’extérieur de la ville. Des voiturettes de golf électriques transportent les clients jusqu’aux hôtels de charme installés dans les nombreux palais baroques de la ville piétonne. Une occasion unique de découvrir l’intérieur de ces lieux qui appartiennent presque tous à des propriétaires privés.

C’est une évolution impressionnante sur la côte monténégrine: le patrimoine est privatisé en masse. L’île de Sveti Stefan en est l’exemple le plus connu. Autrefois, tout le monde pouvait se promener dans ses rues pittoresques; aujourd’hui, l’île entière ressemble à un centre de villégiature de luxe. Tant mieux pour les Beckham, tant pis pour les habitants.

Perast est une ville côtière dont l’atmosphère chic et chaude fait songer à la série The White Lotus. Flâner dans sa rue principale est une activité élevée au rang d’art, tandis qu’on y mange au bord de l’eau. Attention, pour une table du premier rang, il faut réserver. Mais la vue est à couper le souffle: d’un côté, le Perast historique, de l’autre, la baie animée avec le va-et-vient des nombreux bateaux flottant dans un décor aux contours parfois norvégiens.

Le deuxième jour, nous explorons la baie en kayak. Nous nous amarrons d’abord aux îles emblématiques de Sveti Đorđe, qui abritaient jusqu’à récemment des moines bénédictins. Ensuite, direction Gospa od Škrpjela, une île artificielle sur laquelle se dresse l’église Notre-Dame des Rochers, datant du XVII^e siècle. Enfin, nous glissons entre les bateaux jusqu’à une jolie plage de sable…

Le plus grand lac des Balkans

Malgré la petitesse du pays, nos huit jours d’escapade ont nécessité des choix. Pour finir en beauté, nous avons gagné Skadar, un lac d’eau douce situé à la frontière entre l’Albanie et le Monténégro. D’une superficie moyenne de 450 km² – cela fluctue selon les saisons –, il est le plus grand lac des Balkans et se trouve sur une terre classée parc national. Lors d’une promenade nocturne en bateau, nous croisons de nombreux nénuphars et apercevons des oiseaux aquatiques qui donnent aux lieux une atmosphère exotique semblable à celle de la baie d’Halong vietnamienne.

Point de départ de notre balade, Virpazar s’apparente à un grand bazar où se livre une lutte entre les organisateurs d’excursions en bateau. Mais pour naviguer, il faut forcément passer par-là. Côté logement? On suggère de réserver une chambre d’hôtes sur une partie plus calme du lac, où la vue est merveilleuse.

Mais avant d’aller dormir, place à un après-midi tranquille sur la plage de Murici, puis une balade bateau pour se rendre au monastère orthodoxe de Beska, sur l’île du même nom. Au passage, on goûte la délicieuse carpe – pêchée dans le lac – du Restoran Kod Aca à Karuç. Largement de quoi combler les gourmets les plus exigeants, mais aussi de transformer définitivement le Monténégro en destination passionnante… et surprenante.

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