Vous avez toujours rêvé de dormir dans la maison de Barbapapa? Direction la Bretagne, les Alpes, les Vosges et la Wallonie, pour découvrir quatre maisons-bulles tout en remontant le temps.
Née dans un contexte d’utopie sociale et d’expérimentation technique, la maison-bulle occupe une place à part dans l’histoire du design. À mi-chemin entre sculpture et architecture, elle appartient au courant de l’architecture organique. Celui-ci recherche l’harmonie entre le bâti et son environnement. Dans les années 1960, une poignée d’architectes milite contre le modernisme rigide et ses cubes standardisés. Ils rêvent de replacer l’homme au cœur de l’habitat.
Grâce à de nouvelles techniques, ils imaginent des formes libres, modulables, plus proches de la nature. Le principe? Sculpter une forme à partir d’une armature métallique. Puis la recouvrir d’un grillage ou d’une toile en textile. On y projette ensuite du béton à haute pression.
La maison de Barbapapa
Figure phare du mouvement, Antti Lovag (1920-2014) préfère se dire «habitologue» plutôt qu’architecte. Car il pense ses projets autour de la vie quotidienne. C’est lui qui a inspiré la série pour enfants Barbapapa dans les années 1970. Le Palais Bulles (1974-1989) qu’il construit à Théoule-sur-Mer, acquis par le couturier Pierre Cardin, est devenu une icône mondialement connue.
Lovag fera plusieurs émules à travers l’Europe, comme le couple suisse Claude Costy et Pascal Häusermann. Ou encore le belge Philippe Mousset, l’un de ses anciens assistants. La maison-bulle incarne avant tout la liberté de pensée, avec ses proportions humaines et ses formes courbées. Tour à tour évocatrice de la grotte préhistorique ou du vaisseau spatial, elle invite à habiter autrement. Avec douceur, fantaisie et liberté. Envie de faire l’expérience? Nous vous proposons quatre adresses pour vivre comme un Barbapapa.
Le village-vacances Le Renouveau, Beg-Meil, en Bretagne
Dormir ici, c’est plonger dans un décor vintage au bord de l’Atlantique. Un pied dans les sixties, l’autre dans le sable. Nous sommes en Bretagne, à Beg-Meil, dans le Finistère Sud. Entre pins parasols et parfum d’embruns, un éclat blanc surgit: de drôles de toits ronds, mi-igloo, mi-vaisseau spatial. Une découverte improbable, loin du granit et des toits de chaume habituels de la région. Si le lieu est très photogénique, il illustre avant tout une utopie sociale. Dans les années 1960, à l’époque du développement du tourisme de masse, l’architecte Henri Mouette (1927-1995) et le sculpteur Pierre Székely (1923-2001) rêvent d’un village-vacances pas comme les autres.
Leur idée? Offrir à tous, spécialement aux familles modestes, un séjour dans une architecture joyeuse, économique et écologique avant l’heure. Le béton projeté sur armature leur permet de créer des formes libres et poétiques. L’objectif: 450 lits et un camping pouvant accueillir 600 personnes, à 300 mètres de la mer. Les équipements collectifs répondent à tous les besoins: restaurant, réception, salle de spectacle, bibliothèque, ateliers, aire de jeux pour enfants et piscine.
Un laboratoire social
Les Bretons, perplexes, parlent de soucoupes volantes ou de Barbapapas échoués… Mais l’esprit du lieu séduit vite. Le cercle est partout. Car pour Székely c’est la forme qui réunit le mieux un groupe. Tant sur le plan pratique que symbolique. Le village Le Renouveau construit entre 1965 et 1968 devient un laboratoire social. Ici, la courbe adoucit les journées. Et l’on se croise entre deux bulles comme dans un village d’enfants. Les infrastructures leur sont pleinement adaptées. La hauteur sous plafond des pièces varie en fonction de l’âge des mômes.
Récemment rénové par un nouvel opérateur (Villages Clubs du Soleil), le site a tout gardé de son allure rétrofuturiste. Il est classé Patrimoine du XXe siècle depuis 2007.
Dès 500 euros par adulte pour 7 nuits en pension complète, avec accès à la piscine, au spa et aux activités. villagesclubsdusoleil.com
Le Balcon de Belledonne, Sainte-Marie du Mont, dans l’Isère
Accroché à flanc de montagne, face à l’horizon dentelé de la chaîne de Belledonne dans les Alpes, cet étrange vaisseau blanc datant de 1966 semble prêt à s’envoler. Surnommée la baleine avec son corps tout en courbes, la maison est conçue en 1966 par le couple visionnaire Pascal Häusermann (1936-2011) et Claude Costy (1931). Cette artiste, également sculptrice et céramiste, est toujours en activité à Minzier en Haute-Savoie, dans sa maison-bulle.
À l’époque, un professeur de yoga achète un terrain sur lequel il souhaite construire un espace de vie et de bien-être ouvert au public. Le tout équipé d’une piscine, d’un restaurant végétarien et d’un sauna. Sa compagne lit le magazine Elle et découvre un article présentant les maisons-coquillages d’Häusermann et Costy. Pour le couple, c’est certain, c’est eux qui réaliseront leur rêve.
Une vue imprenable
Après avoir occupé les lieux une petite dizaine d’années, ils revendent le site qui passe entre différentes mains. En 2021, l’historienne Alice Christophe et le conservateur Scott tombent amoureux de cette architecture atypique et lui redonnent vie. Pour les aider, Claude Costy elle-même organise la restauration dans les règles de l’art. Plusieurs détails sont alors ajoutés, dont des poignées de portes en outils agricoles et un mobilier intégré. Un travail long et minutieux, fait à la main par les propriétaires et quelques amis.
Aujourd’hui, la maison (classée Patrimoine du XXe siècle) accueille des hôtes – quatre heureux élus à la fois – qui se réveillent dans un décor à mi-chemin entre utopie des sixties et refuge d’altitude. Le matin, la lumière se glisse par les ouvertures rondes, découpant le paysage comme autant de cartes postales. Le soir, grâce aux vues panoramiques depuis chaque hublot, on s’imagine astronaute, seul sur une planète paisible…
Dès 250 euros la nuit. balcondebelledonne.com
Motel L’Eau Vive, Raon-l’Etape, dans les Vosges
Ce motel au cœur des Vosges a ouvert ses portes en 1968. Un havre de paix qui accueille une série de bulles réalisées par le couple Pascal Häusermann et Claude Costy. Une grande bulle polymorphe abrite la réception, la salle de restaurant et le logement du gardien.
Plus loin, dix petites bulles indépendantes de 25 à 35 mètres carrés accueillent les chambres. Elles présentent de larges ouvertures orientées vers les rives verdoyantes de la rivière. Chacune est orientée différemment afin de préserver l’intimité des voyageurs.
Le motel connaît différents propriétaires avant d’être abandonné dans les années 1990. Entre 2006 et 2013, il connaît une nouvelle vie grâce à un groupe de passionnés qui restaure les lieux et relance l’activité. L’ensemble est classé Monument historique en 2014. Une nouvelle rénovation est lancée en 2020, pour renouer avec l’esprit d’origine des créateurs. Aujourd’hui, L’Eau Vive accueille à la fois des visiteurs, des séminaires et des fêtes privées.
Dès 150 euros la nuit. moteleauvive.com
Maison-bulle de Martinrou, Fleurus, en Belgique
En 1981, l’architecte belge Philippe Mousset, ancien collaborateur d’Antti Lovag, revient du chantier du Palais Bulles à Théoule-sur-Mer avec le rêve de construire une maison pour sa famille. Il s’associe à ses amis, l’écrivain et maître verrier Bernard Tirtiaux et le ferronnier Xavier Préaux. Inspirés par l’élasticité de la lingerie féminine, ceux-ci étirent une immense toile de lycra sur l’armature de fer pour modeler la forme de la maison. Puis ils projettent du plâtre renforcé de fibres de verre pour rigidifier le textile.
Une invention au succès assuré? Pas vraiment: ce sera la seule maison-bulle de Belgique. Habitée pendant dix ans, elle sera ensuite vandalisée puis délaissée. Par chance, elle a récemment retrouvé son éclat d’origine grâce à une restauration minutieuse conduite par Bernard Tirtiaux. Véritable lieu de création, elle est aujourd’hui essentiellement utilisée comme résidence d’artistes, chapelle musicale et écrin pour ateliers d’écriture ou de vitrail.
Depuis peu, la bulle accueille aussi des voyageurs pour un séjour d’un week-end ou plus, dans ses trois chambres. Les murs arrondis amplifient les voix, la lumière glisse doucement sur les courbes… Une ambiance apaisante, pour un cocon propice à l’introspection.
Dès 250 euros la nuit. maisonbulle.space