Escapade sur les bucoliques Sentiers d’Art, en Condroz-Famenne (en images)

Light from the Forest, oeuvre inaugurale de notre balade. © Emilien Hofman

Unique en Belgique, Sentiers d’Art en Condroz-Famenne est un chemin de grande randonnée parsemé d’oeuvres et d’abris artistiques. Suggestion d’itinéraire en 35 km et deux journées, à la découverte de cette alliance envoûtante de nature et de culture. Par Emilien Hofman

Le petit parking de la route de Véhir a du caractère. Installé le long d’un ru fleuri quasi à sec et d’un pont de la très fréquentée Route Charlemagne, il constitue le point de départ idéal de notre promenade au fil de l’art. La première étape se situe au Moulin de Biron. Fin de l’été oblige, la vieille grange en acier qui jouxte la ferme dispose de quelques ballots de paille de réserve. De l’autre côté de la voie, un bouc au poil long mi-noir mi-blanc broute tranquillement son terrain accidenté. Au milieu de ce cadre rural enchanteur, trône fièrement Light from the Forest, une étoile constituée de branches qui s’échappent du noyau central tels des rayons pointant dans toutes les directions. Pourtant rôdé après avoir déjà réalisé cette même oeuvre en bambou, l’artiste autrichien Beni Altmüller confesse s’être solidement épuisé au contact de ces lourds branchages de frêne parfois longs de plusieurs mètres. Le résultat figure parmi les must-see des 42 oeuvres de Sentiers d’art, ce projet mené par la maison du tourisme Condroz-Famenne. Il tire son inspiration d’un parcours artistique préexistant autour du village de Gesves. Entre 2017 et 2019, les communes de Ciney, Hamois, Ohey, Havelange, Somme-Leuze et donc Gesves ont ainsi fait appel à des artistes belges et européens pour embellir un itinéraire final de 142 kilomètres. « C’est une exposition à ciel ouvert, illustre Maureen Dervaux, responsable du projet. On voulait créer une expérience qui n’existe nulle part ailleurs en mettant en avant notre territoire grâce à la nature et à la culture. » Une fois imprégné de la Lumière de la forêt, le promeneur tourne les talons. L’excursion commence réellement… dans l’autre direction.

Une des balises officielles des Sentiers d'Arts
Une des balises officielles des Sentiers d’Arts© Emilien Hofman

Entrée en campagne

La route traverse le quartier résidentiel de Biron, remonte vers Ciney et fait son entrée dans le parc Saint Roch. Complètement ravagé par une tempête en juillet 2010, il reprend aujourd’hui des couleurs pour s’offrir un charme auquel le square du conservatoire de musique n’est pas étranger. C’est à quelques mètres de là que les artistes bruxelloises Luiza Rauleac et Ananta Roosens ont installé Human Nature, une création en spirale faite de terre, de bouteilles en verre et de bois. Le tronçon le plus citadin du parcours emmène ensuite le long de la rue Piervenne, une artère créée au milieu du XIXe siècle pour relier la gare à la place. « Les influences néo-gothiques et baroques de cette artère la rendent assez harmonieuse », note Maud Hembise, de l’office du tourisme. Le détour par la Place Monseu est quant à lui idéal pour se restaurer à l’ombre du kiosque et de la collégiale. La dernière halte avant l’entrée en campagne.

Le champêtre ruisseau du Bocq, à Emptinale.
Le champêtre ruisseau du Bocq, à Emptinale.© Emilien Hofman

En quittant la ville par le rond-point de la vache – le bovin est à l’origine d’une guerre du même nom qui fit près de 15.000 morts dans la région au XIIIe siècle – le sentier emprunte quelques centaines de mètres au Ravel. L’occasion de faire un bond dans l’histoire économique locale en longeant les imposants fours à chaux de Lienne. Aux XIXe et XXe siècle, un train rempli de ce matériau partait tous les matins du Condroz pour rallier les hauts fourneaux du bassin français de Longwy. Aujourd’hui, les arcanes de l’étuve font partie d’une zone protégée que côtoie le randonneur sur la route de Fondu, la troisième oeuvre de l’itinéraire. Fixés aux arbres, trois « icebergs » de métal « incarnent notre préoccupation globale pour le changement climatique et la hausse du niveau de la mer », fait valoir leur maman, la Française Fiona Paterson. Sept kilomètres séparent Fondu du point de départ de la balade.

Le parc Saint Roch, à Ciney.
Le parc Saint Roch, à Ciney.© Emilien Hofman

Une voirie en pierre quitte le Ravel pour mener au hameau d’Emptinale avant le passage définitif dans les sillons, à travers un sentier en herbe qui se hisse au milieu de champs de vaches et de lignes à haute tension. Au bout de la montée, le Tige de Chavée, un lieu-dit des hauteurs de Ciney, constitue une jolie récompense panoramique sur une partie du plateau condruzien. D’un côté, la vue sur la ville que domine le clocher de la collégiale; de l’autre, les étendues de la commune d’Hamois. L’endroit convient parfaitement aux minutes qui précèdent le coucher du soleil. Les plus aventuriers profiteront des derniers instants de la journée pour installer leur bivouac dans le bois des Aunes, à l’abri suspendu Levitas. Cette cabane en cube réalisée par les Belges Nicolas Bourguignon et Xavier Willot est en « lévitation » sur un arbre surplombant un versant de sapins. Pour une initiation à la nuit en forêt, c’est le top. « Nous avons par ailleurs mis à jour tout un réseau d’hébergements proches du parcours sur notre site Internet, détaille Maureen Dervaux. Certains logeurs servent un repas le soir, d’autres assurent un service de transport, etc. »

Fondu, une installation au message environnemental.
Fondu, une installation au message environnemental.© Emilien Hofman

Expériences humaines

En contrebas de Levitas, la Ferme de Stée se dresse comme un des piliers du terroir de ces Sentiers d’Art. Et une halte immanquable pour le petit déjeuner. Le week-end, Marie-Claire Wylock y propose des produits tels que des confitures, des fromages et des yaourts pour enrichir l’expérience locale. Tout au long de la route, d’autres artisans sont renseignés sur la carte via le logo d’une pomme et d’une carotte. « Nous avons pointé les petits commerces dont les aspects « local » et « artisan » nous sautaient aux yeux », justifie Maureen Dervaux. Qui concède avoir un petit faible pour l’étape suivante: le hameau de Reuleau. Plusieurs éléments font de cette localité la plus envoûtante du parcours. Quelques jolies fermes retapées, une impressionnante villa posée sur les hauteurs… et Recompose, l’oeuvre de l’artiste Elparo. Habitué aux compositions gigantesques à partir de lattes de bois ou d’anciennes chaises, le Français a cette fois-ci travaillé avec des tranches d’arbres superposées pour édifier différentes structures.

Recompose, à base de tranches de troncs... recomposées.
Recompose, à base de tranches de troncs… recomposées.© Emilien Hofman

La côte la plus fameuse du circuit se dessine à la sortie du hameau, direction Vincon. Dans le bois Henrard, le sentier de terre est trop étroit pour marcher de front, de quoi donner à la file indienne un aspect enchanteur à l’approche de Farakas 4. Au cours de la construction de cette impressionnante rangée de bois munie d’un passage, l’artiste français Marc Averly a fort sympathisé avec le voisinage, souvent prompt à l’aider. Une expérience humaine qui s’est terminée autour d’un verre de mousseux… et de la police. Garée dans le périmètre depuis quelques jours, la camionnette blanche du sculpteur n’a pas rassuré certains voisins. Un traumatisme national ne s’oublie pas en vingt ans. Arrivé à Natoye, le circuit fait étape à la Spirale, un centre des métiers d’art qui s’associe chaque mois avec les demandeurs d’asile du bâtiment de la Croix-Rouge attenant pour organiser un repas du monde ouvert aux promeneurs. La suite de l’itinéraire se partage entre des routes de campagne peu fréquentées et des sentiers densément feuillés.

Farakas 4, une expérience humaine puisque les habitants y ont participé ... avant de boire un verre à la santé de l'ouvrage.
Farakas 4, une expérience humaine puisque les habitants y ont participé … avant de boire un verre à la santé de l’ouvrage.© Emilien Hofman

Entre Maibelle et Champion, l’oeuvre Morpho d’Isabelle Aubry, est également riche d’une histoire humaine. En juin dernier, l’artiste française a ainsi invité des écoliers à déposer certains de ses papillons bleus devant la Ferme voisine de Maibelle. Une manière de commémorer les 75 ans de la terrible bataille qui s’y est déroulée entre des résistants condrusiens et des soldats allemands. Pour prendre congé de ces Sentiers d’Art, les plus aguerris s’offriront l’aller-retour jusqu’à l’oeuvre Woven Shelter Seat, également surnommée Le nid du Marsupilami. Pour les autres, pas d’inquiétude, la fin du parcours est la même pour tous, via la rue des Carrières, le centre du village d’Emptinne et à nouveau le Ravel, qui ramène à Ciney. En dehors des sentiers battus, pour laisser libre cours à l’art de la promenade.

Ce zoom témoigne de la convivialité autour de la création de Farakas 4.
Ce zoom témoigne de la convivialité autour de la création de Farakas 4.© Emilien Hofman
En pratique

Notre boucle alternative démarre idéalement en milieu d’après-midi. Elle est accessible aux familles, mais pas aux poussettes ni aux vélos de ville. La nuit de repos est vivement conseillée pour profiter des multiples trésors du circuit. La maison du tourisme, située Place Monseu à Ciney, offre une carte détaillée des 142 kilomètres et propose certaines balades plus petites. Promeneurs, faites uniquement confiance aux balises rouges étiquetées « Sentiers d’Art ».

Pour toute info complémentaire sur les oeuvres ou les hébergements dans la région: www.sentiersdart.be

Le totem coloré de l'oeuvre Décor, à Natoye.
Le totem coloré de l’oeuvre Décor, à Natoye.© Emilien Hofman
La chapelle Notre-Dame sur les Sarts, à Hamois.
La chapelle Notre-Dame sur les Sarts, à Hamois.© Emilien Hofman
Morpho, une commémoration d'une fameuse bataille de la région, en 1944.
Morpho, une commémoration d’une fameuse bataille de la région, en 1944.© Emilien Hofman
Woven Shelter Seat, surnommé assez justement Le lit du Marsupilami.
Woven Shelter Seat, surnommé assez justement Le lit du Marsupilami.© Emilien Hofman
Un point de repère dans lepaysage, le clocher de Ciney.
Un point de repère dans lepaysage, le clocher de Ciney.© Emilien Hofman

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