Les Davids, un vignoble belge au coeur du Luberon
Du bon vin, un joli décor, des hébergements charmants et une promenade insolite imaginée par l’architecte paysagiste Bas Smets: bienvenue chez Les Davids, un domaine de viticulture belge écoresponsable dans le Luberon qui a tout compris au mot «détente». Ô la belle vigne…
Après un trajet en train de cinq heures pour rallier Aix-en-Provence au départ de Lille, il faut encore une heure de voiture pour atteindre le charmant village de Viens, niché entre le mont Ventoux, la montagne de Lure et le massif du Luberon. C’est à peu près par la même voie que Sophie Le Clercq est arrivée ici il y a une vingtaine d’années, poussée par sa peur de l’avion, son cœur de maman en quête d’une maison de vacances pour sa ribambelle de bambins (entre-temps au nombre de huit et âgés de 16 à 32 ans) et son époux, l’artiste Yves Zurstrassen. «Je ne voulais pas que mes enfants passent leurs étés dans un endroit comme Saint-Tropez, où tout n’est que séduction et recherche du plaisir facile. J’avais envie de leur apprendre à se satisfaire de peu», nous explique-t-elle à l’ombre des cyprès. La brise qui monte du fond de la vallée caresse les 320 hectares de potagers, de vergers et de vignobles qui composent aujourd’hui le domaine des Davids. En toile de fond, un petit bijou d’œno-architecture minimaliste imaginé par l’architecte français Marc Barani. Le chai en béton ocre ouvrait ses portes au public il y a un an, tout comme les hameaux achetés et rénovés au fil des années dans les environs, qui font aujourd’hui office de maisons de vacances. Aménagés avec goût dans un style campagnard qui fleure bon la Provence, ils disposent chacun d’une piscine, de terrains de pétanque et de tennis, et d’un centre de bien-être. Pas envie de cuisiner ou de faire les courses? Le domaine propose un service traiteur.
Baronne du béton et adepte du bio
Si le nom Les Davids figure sur les cartes de la région depuis le XVe siècle, le domaine offrait il y a deux décennies à peine un visage bien différent de celui d’aujourd’hui. Lorsque Sophie Le Clercq en a fait l’acquisition, tout ou presque avait été rasé par les moutons et les chèvres. Elle y cultive désormais dix-neuf cépages dont le chardonnay, le merlot et le cabernet franc, mais aussi des variétés locales comme le marselan, la marsanne, le cinsault, le viognier et le syrah. De quoi produire une dizaine de vins, pour un total d’environ 110 000 bouteilles en 2021. Elle a encore le cœur gonflé de fierté dès que l’une de ses étiquettes est partagée sur WhatsApp.
«Je suis incapable de passer mes journées sur un transat avec un bouquin», avoue-t-elle pour expliquer son inépuisable dynamisme, avant d’éclater de rire. Avec son bagage, on aurait pu s’attendre à ce qu’elle n’aspire qu’au calme pendant les vacances. Comme quatre générations avant elle (côté maternel), elle est en effet aux commandes de CIT Blaton, l’une des plus grandes entreprises de construction de Belgique, qui a notamment assuré la rénovation du Post Plaza à Gand et du Parlement européen à Bruxelles. Elle dirige également la société de développement immobilier JCX et c’est grâce à elle (qui fut un temps administratrice du Fonds pour l’Architecture) que le Wiels est aujourd’hui un musée. A 62 ans, elle a pourtant les pieds bien sur terre. Celle qui, à Bruxelles, négocie des budgets de construction de plusieurs millions d’euros se bat ici comme une tigresse pour quelques centimes de plus sur le prix au kilo de ses tomates. «Ce que je fais aux Davids me donne l’impression d’être plus vraie. Il n’y a pas d’activité plus précieuse que de travailler le sol. La terre, c’est la base de tout.» Fière de son titre d’agricultrice, elle a la ferme intention de faire du domaine un modèle d’exploitation bio. Elle n’hésite pas non plus à donner un coup de main à la boulangerie, quitte à mettre la pagaille avec l’une de ses filles quand il faut emballer les baguettes. «De l’extérieur, ça semble simple… mais rien n’est moins vrai. Bien des choses qui nous semblent évidentes demandent en réalité beaucoup d’habileté et de talent», sourit-elle.
L’art en fête
Touche-à-tout, Sophie Le Clercq est aussi passionnée d’art et de culture. L’été dernier, les hôtes du domaine et les habitants du coin ont ainsi pu profiter de conférences, dégustations et concerts organisés sous l’auvent monumental du chai dans le cadre des Estivales du Haut Calavon, un festival culturel réparti sur plusieurs sites de la région. Nous avons eu l’occasion d’y assister aux échanges entre la journaliste Béatrice Delvaux et l’écrivain Ilja Leonard Pfeijffer, à l’occasion de la traduction en vingt langues de son roman Grand Hotel Europa. A la tombée du jour, le saxophoniste Raphaël Imbert et la pianiste Amandine Habib ont enchaîné sur une brillante démonstration des affinités entre Jean-Sébastien Bach et le jazz contemporain. Le lendemain, c’est Eric Boschman – célèbre sommelier belge – qui a diverti l’assistance avec une performance à mi-chemin entre dégustation et comédie, avant de céder la place aux chefs Glen Ramaekers et Christophe Hardiquest.
Sophie assiste à tout, orchestre ses équipes lorsque c’est nécessaire et, surtout, ne rechigne jamais à se retrousser les manches. Après vingt ans, elle n’est toujours pas prête à passer ses étés à lire sous le soleil du Midi et préfère de loin consacrer son temps à peaufiner ses projets. L’année prochaine, il y aura par exemple l’inauguration du parcours dessiné par l’architecte paysagiste Bas Smets (à qui l’on doit déjà le parc de l’atelier LUMA à Arles et qui réaménagera prochainement l’esplanade de Notre-Dame de Paris), que la curatrice Anne Pontégnie se chargera de ponctuer d’œuvres d’art. Elle s’est déjà assuré la collaboration du sculpteur britannique David Nash et les négociations sont en cours avec plusieurs grands architectes pour la construction d’un belvédère et d’un second pavillon.
Profiter de la nature
Le domaine des Davids pourra-t-il un jour se comparer au Château La Coste, 60 km plus loin? «Non», répond fermement sa propriétaire, qui voit dans les jardins de sculptures du château de Chaumont-sur-Loire ou du Middelheim des modèles autrement plus intéressants. «La Coste, pour moi, c’est surtout une collection de grands noms, alors que mon ambition est d’inviter les gens à découvrir un paysage magnifique et d’une formidable richesse.» La promenade serpente déjà le long d’un merveilleux champ de fleurs réaménagé par Bas Smets, d’un amphithéâtre naturel, d’un chêne plusieurs fois centenaire perché sur un tumulus où résonne encore l’écho des armes, d’un laurier sauvage monumental au milieu d’une chênaie et d’une balise en pierre qui marque le point le plus haut de la région. «Acheter une œuvre existante et l’installer quelque part sur le domaine, pour moi, ça ne marche pas. Les artistes sélectionnés réaliseront chacun une œuvre originale destinée à un endroit bien précis et parfois, il faudra même très bien regarder pour la trouver. Nous avons souvent désappris à prêter attention à ce qui nous entoure. Ce paysage est unique de par l’endroit où il se trouve, mais aussi de par ses différences d’altitude. C’est surtout cela que je veux donner à voir.»
EN PRATIQUE
Pour y aller? En TGV de Lille à Aix-en Provence, puis une heure de voiture jusqu’à Viens.
Pour loger? Nous avons séjourné au Hameau de Cournille, en location par maison (6 personnes) ou dans sa totalité (24 personnes). Sous un ciel étoilé, on n’y entend que le chant des grillons et les bêlements des moutons. Aux alentours du domaine, on peut aussi loger à La Madeleine, La Maison du Luc ou Le Hameau des Treimars. Dès 2 415 euros par semaine en basse saison.
Pour en savoir plus? Dès le printemps prochain, le domaine des Davids organisera des ateliers de céramique et des retraites de yoga. L’ouverture officielle du parcours dessiné par Bas Smets est prévue en juin 2023. lesdavids.fr
Pour goûter? Les bons produits du domaine (dont les vins) sont disponibles aux Comptoirs des Davids: 168, avenue de Tervuren, à 1150 Bruxelles. L’adresse est aussi ouverte du lundi au samedi pour le petit-déjeuner et le lunch.
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