Un jardinier paresseux pour un jardin heureux
Fini les grandes étendues de gazon avec les haies coupées au carré! Selon la paysagiste Ellen Fiers, le jardin de demain sera bien plus varié, sans pour autant que cela demande beaucoup plus d’efforts. Encore faut-il faire les bons choix. Mode d’emploi.
De nos jours, les jardins en Belgique sont standardisés. En général, ils se composent désormais d’une vaste pelouse bien tondue, dont les mauvaises herbes et la mousse sont soigneusement éliminées, d’une terrasse en pierre naturelle ainsi que d’un parterre de fleurs minutieusement délimité.
Le principe de la permaculture
Pour parvenir à ce résultat et dompter les plantes et les animaux indésirables, des heures de travail sont nécessaires. C’est aussi pour cela que le jardin belge est quelque peu ennuyeux tout en étant très exigeant en termes de travail.
Par ailleurs, de plus en plus de voix s’élèvent pour dire qu’il est dommage de gaspiller un espace qui pourrait servir à améliorer l’environnement.
En effet, bien que nos jardins belges semblent proprets, ce sont en réalité de véritables déserts verts. Au mieux, ils ont très peu à offrir aux oiseaux, insectes utiles et autres animaux. Au pire, ils causent leur perte en raison de l’utilisation de pesticides. Dans une époque où la nature est soumise à une pression croissante et où nous, les humains, commençons à en ressentir les conséquences, il est impératif de changer nos standards en ce qui concerne nos jardins.
Heureusement, à chaque problème sa solution. Dans ce cas-ci, il s’agit d’embrasser la nature au jardin, plutôt que d’essayer de la contrôler. Ensuite, créez autour de votre maison des systèmes autonomes ne nécessitant aucune intervention humaine, comme dans la nature.
Ce que je fais, c’est créer des mini-écosystèmes, en partant toujours des souhaits de mes clients.
Le résultat est un magnifique jardin plein de vie, que vous entretenez avec un minimum d’énergie et sans gaspillage. Pour faire simple : un jardin pour paresseux. Ce système, appelé permaculture, est l’habitat naturel de la designer de jardin et biologiste Ellen Fiers.
Il y a une dizaine d’années, elle a déniché une prairie garnie d’orties et de moutons. Cette dernière se situe à une heure de Bruxelles, de l’autre côté de la frontière française. Ellen Fiers a immédiatement vu le potentiel que possédait cette parcelle. Mais par où commencer lorsque l’on désire transformer une telle friche en un paradis vert ? Ellen Fiers va trouver ses réponses dans une formation de deux ans sur le design en permaculture. « C’est tout un monde qui s’est ouvert. J’étais déjà biologiste, mais je n’avais jamais reçu d’outils écologiques ni de conseils pour mettre mes compétences en pratique. »
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Des mini-écosystèmes
Depuis lors, le jardin français regorge d’arbres fruitiers, de fleurs, de baies et d’herbes aromatiques. Un jour, lors d’une visite, des amis en visite lui ont demandé si elle pouvait les aider. Et une chose en entraînant une autre, elle est désormais architecte de jardin professionnelle et dirige sa propre agence, Ecogarden Design. « Ce que je fais, c’est créer des mini-écosystèmes, en partant toujours des souhaits de mes clients. Ce sont des personnes très extraverties ? Alors, ils désireront peut-être un jardin ouvert, pour y recevoir des amis. Ils préfèrent un endroit plus intime ? Dans ce cas, je travaillerai avec des coins, afin qu’ils trouvent l’endroit parfait pour profiter des derniers rayons de soleil. En premier lieu, j’écoute ce que veut mon client, puis je le mets en oeuvre de manière écologique. C’est pourquoi je suggère toujours des plantes bénéfiques à l’écosystème et je veille à les placer au bon endroit dans le jardin. Dans la pratique, cela se traduit, par exemple, par des haies d’aubépines au lieu du charme ordinaire. L’aubépine est agréable à regarder tout au long de l’année: elle possède des fleurs blanches en mai, des baies pour faire des confitures en été et ses feuilles peuvent servir à la fabrication d’un délicieux thé. »
Repenser le jardin
Une telle idée du jardin n’est pas seulement plaisante pour ceux qui aiment se régaler des produits de leur propre jardin.C’est également un moyen de protéger cet espace vert des effets du changement climatique. Ellen Fiers ajoute : « Aujourd’hui, on devient trop souvent esclaves de notre jardin. Par exemple, si autrefois on avait planté des hortensias pour leur beauté, les sécheresses actuelles font que cette plante n’est plus le meilleur choix. Et c’est encore plus évident lorsqu’elle est en plein soleil. Cela demande beaucoup de temps et d’énergie pour maintenir cette fleur en vie. En n’écoutant pas la nature qui essaie de nous dire que la plante n’a plus sa place à cet endroit, on se retrouve à travailler contre elle. Une chose aussi frustrante qu’usante. Et ce, alors que le jardin devrait être un endroit de détente. »
Elle poursuit: « Lorsqu’un jardin se transforme en un champ de bataille, il est temps de se demander si on ne devrait pas si prendre autrement. C’est aussi le moment d’envisager un remaniement du jardin. Cela ne signifie pas que vous devez vous débarrasser de l’hortensia, mais qu’il serait bon de changer la conjoncture pour que la fleur puisse s’épanouir. Par exemple, à travers la plantation d’un arbre, qui lui donnera un peu d’ombre.
Dans un autre jardin dans lequel j’ai travaillé, il y avait un abri de jardin à l’endroit où il y avait des inondations chaque hiver. Il était clair que ce n’était pas le bon endroit pour ce genre de construction. Nous avons résolu ce problème en créant un petit étang naturel à cet endroit. De cette manière, vous ne travaillez plus contre la nature, vous évitez que l’abri de jardin soit sous eau, tout en créant une biodiversité plus riche dans votre propre jardin. »
Eviter les herbicides et pesticides de synthèse
Reste la question de ces pelouses bien entretenues dont nous sommes si fiers. D’ailleurs, pourquoi en tirons-nous une telle fierté? Qu’y a-t-il de si laid dans le trèfle, les marguerites ou la mousse entre ces brins d’herbe ? Rien, selon Ellen Fiers. « Mais c’est une habitude. En particulier les générations plus âgées ont un besoin naturel de perfection. Malheureusement, le seul moyen d’obtenir une ‘pelouse parfaite’ est l’utilisation d’engrais et d’herbicides chimiques. Pour la méthode la plus naturelle, il faut rechercher un équilibre et donc s’efforcer d’obtenir une certaine biodiversité dans les semences d’herbe également.
En outre, les insecticides sont encore trop souvent considérés comme la solution logique aux indésirables. En réalité, il ne s’agit que d’une solution temporaire. C’est pourquoi je place toujours différentes variétés de basilic à côté des tomates, par exemple : les plantes se soutiennent mutuellement. De plus, l’odeur du basilic éloigne les animaux qui raffolent des tomates. Par ailleurs, il existe des plantes améliorant le sol ou des plantes hôtes attirant les insectes. Cette science n’est pas nouvelle, mais elle s’est quelque peu perdue au cours des dernières décennies. »
D’autre part, Ellen Fiers plaide en faveur d’un jardin paresseux, et par là, elle n’entend pas seulement un gazon moins souvent tondu. En réalité, il est possible d’éviter une bonne quantité de travail en choisissant judicieusement vos plantes. « Je choisis toujours des espèces indigènes qui passent l’hiver et qu’il ne faut pas semer chaque année. Je donne à mes clients quelques graines à saupoudrer entre les plantes vivaces, comme la bourrache, la capucine ou le pavot. Ce sont des petits extras sympathiques qui se répandront une fois que vous les aurez installés dans votre jardin et puis, ces plantes sont comestibles. Quant aux légumes, je choisis les oubliés qui résistent à l’hiver, tel que le céleri vivace. Vous les plantez une seule fois et ils resteront dans votre jardin pour le reste de votre vie. Cerise sur le gâteau, vous pouvez les utiliser dans votre cuisine, vous n’avez donc plus besoin d’aller au magasin. »
Bon nombre de clients, désireux de diminuer leurs aller-retours au supermarché, viennent frapper à la porte de la designer. Jouer au maraîcher, et donc planter une forêt ou un potager est à nouveau en vogue. De cette manière, vous pouvez vérifier par vous-même comment les produits sont cultivés, qu’ils sont exempts de pesticides et qu’ils n’ont pas parcouru des milliers de kilomètres avant de se retrouver dans votre assiette.
Garden therapy
« Et puis, il y a aussi des thérapeutes, des herboristes et des particuliers qui veulent aménager un jardin médicinal », explique Ellen Fiers. « Le concept est né il y a des années en Grande-Bretagne. Creuser dans la terre et se salir les mains aide à se reconnecter avec la vie. Il libère de la sérotonine, tout comme le sexe, ce qui vous procure un sentiment de bonheur et vous fait tout oublier pendant un moment. Il est donc toujours bon de s’adonner au jardinage pour trouver la paix ou se remettre d’un malaise mental ou physique. Les pouvoirs de guérison des herbes et autres produits sont un atout supplémentaire. »
Ellen Fiers conclut : « Presque à tous les coups, les clients deviennent des amis. Un jardin en dit long sur la personnalité et la dynamique de la famille. En le réaménageant, vous établissez rapidement un contact très personnel. Cela me procure une énorme satisfaction : les éléments sociaux, créatifs et écologiques fusionnent dans mon travail. À travers un jardin, je peux améliorer le monde et celui d’une personne, à mon échelle. »
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