On a testé: un cours de cueillette et de cuisine en Sicile
Au menu du Dimora delle Balze, domaine du XIXe siècle niché au cœur de la nature sicilienne? L’apprentissage de la cueillette sauvage et des cours de cuisine remplis d’arômes de là-bas. On n’en est toujours pas revenus.
A peine sortis de la voiture, nous sommes accueillis par un paysage méditerranéen magique. Une allée de caroubiers se balançant doucement nous guide vers le portail de l’imposante bâtisse. Une fois nos yeux habitués au contraste entre la pierre couleur sable et le ciel bleu vif, ils se concentrent sur le grand palmier au centre de la cour. Des rideaux de lin flottent au gré du vent et, de l’autre côté, un jardin verdoyant se jette dans une vallée sauvage…
L’histoire de la Dimora delle Balze est digne d’un roman. La maison de campagne et la ferme qui l’entoure sont bâties en 1886 par un noble sicilien sur les collines situées entre Noto et Syracuse. Après un demi-siècle d’abandon, Pino en fait cadeau à son épouse Elene Lops en 2008, à l’occasion de ses 60 ans. Au départ, le couple d’Italiens veut en faire une maison de campagne, mais une fête de trois jours rassemblant famille et amis les fait changer d’avis: ils ne peuvent pas garder ce coin de paradis pour eux seuls. Après neuf ans de rénovation, ils ouvrent les portes de leur boutique-hôtel en 2017.
Tout droit venu de la vallée
La destination devient rapidement un lieu de mariage très prisé, notamment grâce à l’influenceuse la plus populaire d’Italie, Chiara Ferragni. Mais quand la famille Lops se retire dans la propriété pendant la crise sanitaire, elle réalise que le potentiel de Dimora delle Balze ne se résume pas à ses murs de calcaire. Le couple s’associe alors à des agriculteurs voisins pour créer la ferme biologique Passo Ladro.
Aujourd’hui, ce lieu de 250 hectares fournit des fruits et légumes à l’hôtel, mais aussi à la Sicile et même à l’Italie continentale. Francesca, membre du personnel, nous guide à travers les champs et nous parle de l’influence de Passo Ladro sur l’hôtel: «Nous avons adopté un autre rythme. Nous limitons désormais le nombre de mariages pour laisser plus de place au contact avec les terres qui nous entourent.»
Ainsi, le personnel de cuisine et les autres employés du Dimora reçoivent régulièrement des cours sur la nature environnante. «Nous voulons également proposer ces formations à nos clients, explique Francesca, «avec des ateliers dans notre vallée, des cours de cuisine dans le jardin, des événements parmi les citronniers… Pour que nos hôtes fassent eux aussi l’expérience du pouvoir de guérison de ce lieu dans son intégralité».
Le plein d’herbes fraîches
Le chef Gabriele Camiolo nous attend en haut des anciennes marches en pierre qui nous mèneront dans la vallée. Là, le long des méandres de la rivière Manghisi, nous cueillerons ensemble des herbes sauvages pour l’atelier de cuisine qu’il nous proposera dans l’après-midi.
Gabriele a l’air d’un Sicilien endurci, les bras couverts de tatouages, mais dès que nous posons les pieds dans la nature, son comportement s’adoucit. Un panier en osier à la main, il marche avec précaution parmi la verdure luxuriante. Il sent les fleurs, frotte les feuilles avec délicatesse, goûte quelques plantes. Pour chaque espèce, il explique et recommande plusieurs méthodes de préparation. «Chacune de mes journées commence ici», raconte-t-il alors que nous remontons les marches – nous, un peu essoufflés, lui, à grandes enjambées. «Ensuite, je regarde ce qui a poussé et ce qui a encore besoin de temps. Ce sentiment de connexion est de loin le meilleur réveil.»
La cuisine rustique de la vieille maison de campagne est si «italienne» qu’elle semble sortie d’un film, avec ses caisses débordant de citrons jaunes, ses bocaux en verre remplis d’herbes séchées et ses casseroles en bronze accrochées au mur. Au menu du jour: la frittedda, un plat printanier typiquement
sicilien à base d’artichauts, de fèves et de
fenouil; et les involtini, des rouleaux de laitue sauvage farcis des herbes du jardin.
«C’est mon premier atelier ici, je suis un peu nerveux», confie Gabriele en vidant le panier en osier sur l’îlot de cuisine. Il trie nos trouvailles et s’excuse pour son mauvais anglais. Nous faisons de même pour notre italien, tout en observant ses gestes passionnés. Bien sûr, l’amour de la cuisine est une langue universelle.
Apprendre la transcendance
Les odeurs qui s’échappent de la poêle sont intenses. Gabriele sert la frittedda sur un toast richement garni de ricotta fraîche de Modica, un village voisin. «Ce que nous ne produisons pas nous-mêmes à Passo Ladro, nous l’achetons aux agriculteurs locaux.» Il termine avec un peu d’huile d’olive, de la menthe fraîche – «toujours la déchirer avec les mains, utiliser un couteau abîme les saveurs» – et du basilic – «les bourgeons renferment le plus de goûts, et non les feuilles» – et dresse la table. Peut-on manger notre création avec les mains? Le chef sourit… et approuve: «Cela me ferait très plaisir. C’est souvent la meilleure façon de découvrir toutes les nuances.»
Encore un peu de place?
Les clients qui ne souhaitent pas mettre la main à la pâte pendant leurs vacances peuvent toujours glisser leurs pieds sous la table du restaurant Lumia de Dimora. Ce pavillon de verre a été érigé à côté de la piscine d’eau salée et s’intègre parfaitement dans le paysage. Depuis notre table, nous apercevons les vestiges d’un ancien moulin à grains, complètement envahi par des fleurs colorées. Certains pourraient le démolir pour faire place à une grande terrasse ensoleillée. Mais pas ici. Autour du moulin, les propriétaires ont construit une passerelle en bois surélevée qui aboutit à deux petites plates-formes munies de chaises longues, d’où l’on bénéficie de la meilleure vue sur l’impressionnante vallée.
Gabriele nous explique que le menu change tous les deux mois en fonction des récoltes et nous recommande son menu dégustation Passo Ladro, en sept services. Rassasiés après l’atelier, nous décidons de nous en
tenir à deux plats à la carte, mais le chef n’en fait qu’à sa tête. Il nous prépare une entrée supplémentaire et pas moins de trois desserts, du sorbet à la mandarine, de la glace au marsala et des boutons de fleurs marinés enrobés de sucre roux. Il nous sert le dernier en personne. «Mangez avec vos mains», rappelle-t-il avec un clin d’œil.
Du tourisme engagé
Les agriturismo, ou «séjours à la ferme», sont légion parmi les collines de Sicile… et dans toute l’Italie. Sur le chemin, nous demandons à Francesca si le Dimora delle Balze fait partie de cette catégorie. «Nos objectifs se recoupent dans une certaine mesure. Mais on ne peut pas nous mettre dans le même sac. Notre engagement va encore plus loin; nous trouvons qu’il est trop restrictif, par exemple, de nous qualifier d’hôtel. Nous sommes avant tout une destination où l’on peut apprendre à laisser le temps au temps. Plus que jamais, au contact de la nature.»
Dimora delle Balze propose 11 chambres et suites. A partir de 514 euros la nuit. dimoradellebalze.com
Curieux de connaître les saveurs de Passo Ladro? passoladro.it/shop
En pratique
Au départ de Bruxelles, vous pouvez prendre un vol pour Palerme ou Catane. Pour vous rendre au Dimora delle Balze, optez pour Catane. De là, l’hôtel se trouve à une bonne heure de voiture. Nous avons fait l’aller-retour grâce à Sunny Cars. sunnycars.be
A proximité
Dimora delle Balze se situe en plein cœur du splendide Val di Noto, une province riche en villes baroques inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco. visitsiciliy.info
Pour les amateurs de cannoli: selon la série Netflix Chef’s Table, les meilleurs se dégustent au Caffè Sicilia au cœur de Noto, à seulement 20 minutes de Dimora. caffesicilia.it
A une demi-heure de route, se trouve la ville portuaire de Syracuse, dont le centre historique s’appelle Ortigia, un merveilleux point de chute pour visiter le reste du sud-est.
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