Même pas peur: on a sauté à l’élastique en Suisse

Une chute libre de 220 mètres en sept secondes. Le saut à l’élastique depuis le barrage de Contra, dans le Val Verzasca, dans le Tessin, fait partie de la dream list des intrépides. Un shoot d’adrénaline à l’état pur.

Si le barrage du Val Verzasca est devenu le spot par excellence pour sauter à l’élastique, c’est d’abord à cause de GoldenEye. Le film date de 1995, mais la scène dans laquelle Pierce Brosnan plonge dans les profondeurs sans la moindre hésitation compte toujours parmi les cascades les plus spectaculaires de l’histoire du cinéma. Avis aux fans: depuis quelques années, les touristes (et les super-héros) peuvent également se lancer dans le ravin vertigineux. Cette région tranquille attire les amateurs d’adrénaline et les chasseurs de records: c’est le plus haut saut à l’élastique d’Europe et le plus célèbre du monde.

Il faut dire que même pour ceux qui n’ont pas l’ambition de se précipiter dans le vide, le barrage de Verzasca est impressionnant. L’interminable mur de béton terne contraste fortement avec la splendeur des alentours, typiques du Tessin suisse. Des sommets enneigés, une végétation luxuriante et, ici et là, les premières fleurs de printemps: comme si la nature essayait de compenser l’excès d’adrénaline. L’excitation et la 
détente sont réunies en un seul point de vue.

Quelques hésitations

Nous avons entamé ce voyage quasi dans l’unique but de vivre cette expérience. Mais alors que notre compagnon de route est amateur de ce genre de cascade, nous sommes plutôt frileux en la matière, et cela fait en réalité plusieurs 
semaines que nous dormons mal à l’idée de passer à l’action. Peur d’une corde trop longue ou de subir le coup du lapin, nous nous raccrochons à une statistique: le taux de mortalité de la discipline est de 1 sur 500.000. Par ailleurs, la pratique a plutôt bien évolué: le saut à l’élastique est la version commercialisée d’un ancien rituel océanien du Vanuatu. A l’époque, des hommes se jetaient du haut de tours en bois d’une trentaine de mètres, avec seulement des lianes autour des chevilles pour amortir leur chute. Les élastiques soigneusement testés et les harnais de sécurité sont donc bien plus efficaces aujourd’hui.

Le saut lui-même s’effectue depuis une plate-forme industrielle typique, à environ cinq mètres du mur. Pour ne pas s’écraser sur le béton, on saute de côté, ce qui n’est pas le cas de James Bond. Ash, un Néo-Zélandais qui ressemble exactement à l’image que l’on se fait d’un expert de la discipline, c’est-à-dire grand, large et apparemment insouciant, nous donne un bref briefing. «Ne réfléchissez pas trop», dit-il en attachant notre comparse. Franchir ce pas est finalement plus compliqué que de s’élancer vraiment.

Frissons au sommet

Depuis le pont sécurisé, nous regardons donc notre binôme prendre le chemin de l’échafaud. Il écarte les bras, plonge aussi loin qu’il le peut et disparaît dans le ravin à une vitesse vertigineuse. De sa bouche s’échappe une sorte de cri primitif. Notre cœur se serre lorsqu’il rebondit encore deux fois et disparaît à nouveau, avant d’être hissé en toute sécurité au sommet. Il est rayonnant, l’adrénaline ayant fait son œuvre.

Ce moment particulier où la peur se mue en plaisir nous intrigue. C’est un sujet sur lequel les moines méditent pendant des années et nous nous demandons si un tel saut serait un raccourci pour accéder à cet état de conscience supérieur. Sur place, les experts nous affirment que le switch se fait après le premier «rebond». La crainte de la mort s’envole alors et le corps s’habitue. Pour notre part, l’adrénaline perçue au bord du gouffre et cette réflexion sur le sens de la vie a fait notre journée. Sans regrets, nous nous éloignons du pont.