Sensations fortes garanties en randonnée glaciaire en Suisse
Arpenter un glacier suisse n’est possible qu’avec un guide de montagne et l’équipement de sécurité nécessaire. On s’est adonné aux joies de la randonnée glaciaire sur les pentes verglacées du Fee, qui surplombe le village de montagne interdit aux voitures de Saas Fee. Le plein de sensations fortes.
A chaque pas, la rencontre des raquettes avec le tapis blanc qui recouvre le sol produit un doux crissement, celui des cristaux de neige ainsi comprimés, dans lequel les esprits à l’imagination fertile entendront le battement du cœur des montagnes imposantes qui surplombent la région. Mais attention à ne point trop rêvasser, car la traction du cordon de sécurité autour de la taille ramène rapidement à la réalité de la cordée, et à la nécessité d’avancer en phase avec le groupe ainsi relié.
C’est qu’on ne s’aventure pas n’importe comment à l’assaut d’un glacier, et c’est dans le sillage d’un guide et équipés de raquettes, bâtons de ski ainsi que d’un harnais de sécurité que l’on gagne son plateau. En route, les ombres silhouettées sur l’immensité blanche rappelle notre insignifiance dans cette nature aussi majestueuse que dangereuse, dont l’ascension se mérite, certes, mais quelle récompense pour celles et ceux qui y arrivent! C’est qu’à 3.000 mètres d’altitude, on a une vue imprenable sur les sommets avoisinants, le Dom (plus haute montagne de Suisse à 4.545 mètres de hauteur), le Täschhorn (4.491 m) et l’Allalinhorn (4.027 m).
Gare aux crevasses
Une fois parvenus au sommet, l’effort n’est pas terminé. La descente nécessite en effet de zigzaguer précautionneusement entre des murs de glace d’un mètre de hauteur, à travers de minces crevasses et des tunnels plus larges. Le glacier étant largement recouvert d’une couche de neige immaculée, la traversée de ces parois gelées permet de prendre pleine mesure de la beauté de la glace, dont les couleurs vont du turquoise doux au bleu profond en fonction de la manière dont la lumière s’y reflète. Ici et là, des nuances de gris provenant des sédiments ayant pénétré l’eau lors de la formation du glacier offrent un contraste d’autant plus saisissant que cette œuvre naturelle est en mouvement permanent.
Comme l’explique le guide, le glacier diminue en effet de 20 centimètres par jour. «C’est une conséquence normale de la gravité. Un glacier est en fait une rivière qui coule lentement. Lorsque le glacier se déplace sur un terrain accidenté (par exemple des rochers), la glace est soumise à des tensions et se brise.» Ce qui crée de grandes crêtes de glace (séracs) et des fissures (crevasses) qui peuvent atteindre des centaines de mètres de profondeur. D’énormes crevasses dangereuses, surtout en hiver lorsqu’elles sont recouvertes de neige. A la voix qui lui demande s’il a déjà vu un corps émerger de la glace, le guide, sans perdre son sang-froid, réplique que cela arrive chaque été, principalement les dépouilles «d’alpinistes disparus il y a des années de ça». Et de préciser, plus rassurant, que «99% des personnes en difficulté peuvent être secourues. Mais quand il arrive quelque chose dans de mauvaises conditions météorologiques, il n’y a pas de traces à suivre et vous n’avez aucune chance d’être retrouvé.»
Les échos du passé
Et pourtant, malgré leur côté traître, ces sculptures de glace, mystérieuses et envoûtantes, procurent un curieux sentiment d’apaisement. Peut-être par leur nature même, la glace glaciaire étant formée de sept couches, avec un processus de transformation des flocons de neige en couche de glace qui peut prendre une décennie? Malheureusement, pas le temps de méditer sur la question, car ce déroulé n’est plus en phase avec l’accélération effrénée du réchauffement climatique. Il y a un siècle et demi, la superficie totale des glaciers suisses était de 1.735 km². Aujourd’hui elle n’est plus que de la moitié. «Nous sommes l’avant-dernière génération à marcher sur un glacier», affirme notre guide, en pointant du doigt la moitié du trajet en télécabine entre Saas Fee et la station de montagne de Längfluh. «Il y a quinze ans, le glacier coulait encore jusqu’ici. Dans 75 ans, les glaciers auront complètement disparu.»
Une prédiction glaçante qui n’est pas sans rappeler Les huit montagnes de l’écrivain Paolo Cognetti, dans lequel le père de Pietro décrit magnifiquement un glacier comme «la mémoire des hivers passés que la montagne conserve pour nous». Ici, dans le silence du glacier Fee, ces mots prennent tout leur sens, et invitent à chérir ce précieux trésor du passé pendant qu’il en est encore temps.
Texte: Laura Claessens
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En pratique
Le glacier de Fee est situé dans le village suisse de Saas Fee, dans le canton du Valais. En train, départ de Bruxelles-Midi via Cologne jusqu’à Bâle, puis jusqu’à Viège. De là, le bus vous emmène à Saas Fee (sbb.ch).
Si vous vous rendez à Saas Fee en voiture, laissez-la dans le grand parking situé juste à l’extérieur du village, interdit aux véhicules automobiles, puis prenez les transports publics pour gagner le centre.
Depuis l’aéroport de Bruxelles, on peut prendre un vol pour Zurich, Berne ou Genève, d’où l’on peut rejoindre Saas Fee en train ou en bus. saas-fee.com
Le Swiss Travel Pass permet de voyager de manière illimitée en train, en bateau et en bus. Plus d’informations sur swiss-pass.ch
À proximité
• Dans l’arène d’Aletsch, dans le canton du Valais, on peut faire une randonnée sur le plus grand glacier des Alpes: le glacier d’Aletsch. Cette activité n’est possible qu’en été (pour des raisons de sécurité) et en compagnie d’un guide. Avec ses 20 km et ses 11 milliards de tonnes de glace, ce glacier est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. On peut également admirer le monument de glace depuis trois points de vue: Eggishorn, Bettmerhorn et Moosfluh. aletscharena.com
• Le musée du Forum mondial de la nature à Naters, le camp de base des Alpes suisses Jungfrau-Aletsch, classées au patrimoine mondial de l’Unesco, est un lieu idéal pour découvrir de manière interactive les paysages naturels, culturels et glaciaires uniques de la haute montagne alpine. wnf.ch
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