Voyage en Zélande, le pays en dessous de la mer
Façonnée d’îles et de presqu’îles, la Zélande est une province à part, solidement attachée à ses traditions. Terre de marins aventuriers et de paysans opiniâtres, elle demeure plus que jamais en sursis, en proie aux caprices des eaux.
Avec ses deux moulins et ses ruelles où se serrent d’étroites maisons proprettes, le petit port de Wemeldinge est une microville à la campagne comme la Zélande en a le secret.
Camp de base pour une semaine : un cottage en bois dans l’esprit de ceux que construisaient les fermiers d’autrefois, blotti derrière une digue en herbe tondue par les moutons. De l’autre côté de la levée de terre, l’Escaut oriental déploie son très large bras. Avec le jeu des marées, l’eau de mer remonte jusqu’ici et le fleuve regorge d’une riche faune marine. Il n’est pas rare d’y observer le passage de phoques et de dauphins.
Et à marée basse, il suffit de se baisser pour remplir un seau d’huîtres bien charnues. C’est ici aussi que grandissent les mollusques préférés des Belges. Yerseke, ses bacs à huîtres, ses négociants en moules et homards et ses restaurants de fruits de mer ne sont d’ailleurs qu’à quelques kilomètres.
Voilier de terre
Selon un vieux dicton hollandais, « Dieu a créé la Terre mais il a laissé le soin aux Néerlandais de construire les Pays-Bas ».
Et ceci est particulièrement vrai pour la Zélande : quasi toute la province est située sous le niveau de la mer ! Les digues qui alternent avec les dunes et qui jalonnent les rives des canaux forment la véritable épine dorsale de cette patrie nordique. Jusqu’il y a quelques années, la Zélande restait tout de même un véritable archipel et l’eau circulait librement entre les îles.
Aujourd’hui, les imposants travaux du plan Delta protègent mieux les terres gagnées sur la mer et les îlots à fleur d’eau. Car entre l’an mil et le XXe siècle, la province a subi plus d’une centaine d’inondations de plus ou moins grande ampleur. Jusqu’à celle de 1953, terrible et ravageuse, qui submergea entièrement trois îles et noya près de 2 000 personnes.
Quand on parcourt les barrages, on note vite la différence de niveau entre, d’un côté, la mer du Nord, et de l’autre, les plans d’eau intérieurs et les terres en contrebas. Ces barrages, conjugués aux ponts et aux bacs, rendent chaque endroit beaucoup plus facile d’accès qu’avant. Ce qui n’a pas empêché la Zélande de garder son âme insulaire. On s’y sent déconnecté, comme sur un territoire lointain…
Les paysages éternellement plats, où routes et canaux s’entremêlent, peuvent provoquer d’étranges hallucinations, comme lorsqu’une voile semble se déplacer comme par magie au-dessus de l’horizon. En s’approchant, on découvre une galiote, un botter, un clipper ou un klipperaak, l’un de ces vieux gréements qui sillonnaient jadis les fleuves et les côtes néerlandaises, et qui font toujours partie de ce qu’on appelle la « flotte brune » des Pays-Bas, encore amarrée dans tous les petits ports de la région.
Babeluttes et bolus
Autrefois, la ville de Veere était ouverte sur la mer et commerçait abondamment avec l’Ecosse puis avec les terres lointaines. L’amirauté des Pays-Bas y a siégé jusqu’au XVIe siècle.
La fermeture du Veerse Meer lui a fait perdre sa prospérité commerciale. Un peu à l’image de Bruges, elle a gardé intacts ses bâtiments anciens et s’est doucement laissée envelopper d’une atmosphère de cité endormie. Du superbe hôtel de ville à la grande église, en passant par les vieilles maisons des commerçants écossais du XVIe siècle, la cité n’a pas changé et joue encore cette carte pour plaire au public.
Comme cette boutique surannée qui propose 1 001 bonbons à l’ancienne. Ou ce marché dont les vendeurs sont vêtus du costume traditionnel, avec les sabots qui claquent sur le pavé, les dentelles fines qui subliment le teint clair des femmes, et les produits qui touchent à l’âme de la province : babeluttes préparées sur place, jus de fruits, fromages, beignets, bolus, étoffes…
De Veere, le canal de Walcheren traverse les terres en direction de l’Escaut occidental. Sur sa route, on passe par Middelbourg, capitale de la Zélande. De loin déjà, on voit dépasser des toits le « Lange Jan » qui culmine à plus de 90 mètres. Cette tour octogonale fait partie de l’abbaye médiévale attenante. Au bout de ses 207 marches, on peut admirer toute la ville d’en haut et, par beau temps, porter la vue jusqu’aux îles avoisinantes.
Ringrijden
Walcheren est sans doute l’île où les traditions sont restées les plus ancrées. Quelques dames portent encore le costume local tout en dentelles et bijoux fins, surtout lors des fêtes.
Et puis, il y a le « ringrijden ». Très peu connu au-delà des frontières, c’est un véritable tournoi équestre à la zélandaise. Un sport déjà exercé par la noblesse locale au Moyen Age. Chaque saison, à partir de mai, les villages accueillent à tour de rôle ces insolites joutes d’adresse aux règles bien précises. Les cavaliers, à cru sur un cheval de trait zélandais élégamment harnaché et enrubanné, concourent pour attraper au galop un anneau au moyen d’une lance. Qui, évidemment, sera de plus en plus petit au fur et à mesure de l’épreuve.
Ce sport très ancien et folklorique donne lieu, par la même occasion, à de superbes fêtes de village, surtout lors des démonstrations où les concurrents doivent afficher la tenue traditionnelle. Il existe une variante également très populaire : le « sjezenrijden ». Dans ce cas précis, c’est un couple qui prend place dans une voiture ancienne à deux roues, tirée bien sûr par un cheval. Homme et femme sont en costume zélandais mais cette fois, c’est la dame qui doit attraper trois ou quatre anneaux sur un parcours précis. Ambiance de kermesse assurée… et assumée !
Pour encore plus de Zélande, plus au calme cette fois, il y a Tholen. Bien qu’elle se situe géographiquement à l’intérieur du pays, elle fut la dernière véritable île de l’archipel. Tholen, c’est l’eau bien sûr, la quiétude, un paysage ouvert et un damier capricieux de polders sillonnés de digues. Et beaucoup de champs de fleurs : l’île est réputée pour sa culture de graines florales. Juste au-dessus, Sint Philipsland est la plus petite île habitée de Zélande. De là, un ferry ou un barrage permettent de rejoindre la partie la plus septentrionale : Schouwen-Duiveland et sa jolie cité de Zierikzee.
Une ville historique de plus (près de 500 monuments ! ), très prospère au Moyen Age. Un entrelacs de ruelles bordées de petites maisons de pêcheurs. Son port intérieur, aménagé en musée maritime, est entouré des riches demeures de négociants et d’armateurs. L’endroit fut particulièrement ravagé par les inondations. En témoigne cette tour perdue (Plompe Toren) en bordure de mer, ultime vestige du village englouti de Koudekerke. D’en haut, on distingue l’imposante digue qui barre, on l’espère désormais pour de bon, la route à la mer.
En pratique p>
Se renseigner p>
Office de tourisme de Zélande : p>
32, Schuitvlotstraat, à Domburg – www.vvvzeeland.nl p>
Pour le plein d’infos sur la région : p>
Se loger p>
De Stelhoeve. Bucolique et (très) confortable, le lieu dévoile d’agréables cottages en bois typiquement zélandais, entre prairies et digue herbagée. p>
3, Stelhoekweg, à Wemeldinge – www.destelhoeve.nl p>
Guesthouse Ensenada. Cinq chambres au milieu des polders et des canaux. Piscine chauffée, moulin… Un petit paradis ! p>
71, Lange Herenstraat, à Schoondijke – www.guesthouseensenada.eu p>
Se restaurer p>
De Oude Sluis. Du poisson, du homard et des fruits de mer. Une délicieuse petite adresse stylée. p>
82, Wilhelminastraat, à Wemeldinge – www.deoudesluis.net p>
Oma’s snoepwinkel. Une plongée dans le temps grâce à cette boutique gorgée de bonbons fabriqués à l’ancienne. p>
20, Oudestraat, à Veere. p>
Suster Anna. Crêpes salées ou sucrées (la spécialité de la maison), salades et sandwichs savoureux. p>
8, Markt, à Veere – www.susteranna.nl p>
A voir p>
Zeeuws Museum. Musée général sur la culture et l’histoire zélandaises. p>
Abdijplein, à Middelbourg – www.zeeuwsmuseum.nl p>
Watersnood Museum. Ce musée passionnant retrace le terrible drame des inondations de 1953. p>
5, Weg van de Buitenlandse Pers, à Ouwekerk – www.watersnoodmuseum.nl p>
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