Prenez les armes informatiques, devenez une Django Girl!
Et si le féminisme passait aussi par l’accès et la maîtrise des outils numériques? Dans un secteur encore majoritairement masculin, la question commence à poindre sérieusement. Quand est arrivée à nos oreilles alertes l’expérience Django Girl – des journées consacrées à la formation des femmes à la programmation informatique – on a forcément voulu en savoir plus. Alors en attendant que les Django Girls belges se révèlent, on a posé quelques questions sur ces initiatives mondiales aussi enthousiastes que concluantes, à Laurène Cheilan, co-organisatrice du premier Django Girls à Bordeaux.
Alors que l’Ecole de l’intelligence informatique de Paris se pose ces-jours-ci la question de savoir si « Le digital [serait] une chance pour les femmes ? » autour d’une table ronde, force est de constater que le monde de l’informatique est encore majoritairement masculin. Et que le combat pour l’égalité homme-femme passe aussi par la conquête de ce champ par la gent féminine.
Dans cet esprit, l’évocation de l’initiative Django Girls séduit, par sa vigueur, la facilité qu’elle semble revêtir et surtout parce qu’elle met tout à cause en évidence la nécessité pour ces femmes et jeunes femmes d’occuper le terrain du numérique, en le démystifiant et en en maîtrisant les outils. Forcément, on a voulu en savoir plus et pour ce faire, on a posé quelques questions à Laurène Cheilan, ex Bruxelloise émigrée à Bordeaux, co-organisatrice du premier Django Girls dans la métropole girondine.
Pouvez-vous nous présenter le projet Django Girl
Django Girls est un projet initié en 2014 par deux développeuses polonaises à Berlin, qui a très vite essaimé dans le monde entier. Le concept est simple : organiser des ateliers d’une journée à destination des femmes autour du langage de programmation Python et du framework Django. Pour simplifier, avec Python, on apprend un langage qui permet de donner des instructions à un ordinateur. Quant à Django, c’est une sorte de structure qui permet de créer un site web en langage Python en ayant déjà quelques éléments de base, en ne partant pas de zéro. Par exemple, le site d’Instagram a été créé avec Django. Bien sûr, on ne va pas maîtriser tout ça en une journée. L’idée est d’offrir une découverte, chacun à son niveau, qui permette de comprendre les grands principes et qui donne envie d’aller plus loin.
Avec le temps, elles ont développé des complexes, des blocages, la moindre ligne de code peut leur donner des sueurs froides.
En somme, si je vous suis, cela consisterait à mettre le pied à l’étrier d’un univers duquel les filles et femmes sont tenues et se tiennent elles-mêmes à distance pensez-vous.
Oui. Une grande majorité de filles grandit avec une idée implicite de l’informatique du type « c’est pas pour moi ». Ensuite, elles arrivent à l’âge adulte, dans un monde où une grande partie de la valeur économique et de l’emploi est trustée par ceux « qui s’y connaissent » dans ce domaine, à savoir les hommes, à 90 %. Avec le temps, elles ont développé des complexes, des blocages, la moindre ligne de code peut leur donner des sueurs froides. Pour les femmes, le problème n’est pas seulement la difficulté à comprendre un domaine nouveau, mais la peur de mal faire, qui rend l’accès au savoir encore plus difficile, et surtout la peur d’avoir l’air bête, avec une tendance acquise à l’auto-dévalorisation. Deux des principes fondamentaux de Django Girls, c’est la bienveillance et le respect. Chacun arrive avec son niveau et progresse à son rythme, en équipes de 3, avec un « coach » bénévole qui est là pour aider, encourager, valoriser. Et ces coachs font un travail hallucinant ! Ce sont des gens qui ont des connaissances très pointues en informatique, et qui font l’effort de tout expliquer avec les mots les plus simples possibles. Ils donnent de leur temps et viennent encore nous remercier après d’avoir vécu cette super expérience. Je ne résiste pas à vous renvoyer vers le témoignage de l’un d’eux venu des Pays-Bas pour participer au premier Django Girls Bordeaux : Il y explique pourquoi participer à Django Girls donne un sens à sa vie. Rien que ça.
Ensuite, Django Girls a aussi la particularité de se dérouler dans un cadre visuellement attrayant . Je ne sais pas vous, mais moi, je n’ai pas trop envie d’aller passer mon samedi à écrire des lignes de code dans une salle éclairée au néon en buvant du café lyophilisé. En revanche, poser mon ordi dans un lieu joli et convivial où on va bosser en petites équipes en mangeant des cupcakes, ça peut davantage me motiver. Et cet univers visuel est aussi un message chaleureux à l’adresse des filles et des femmes qui pourraient se sentir intimidées par le monde de la programmation informatique : ici, c’est votre univers, c’est chez vous. Et ça marche : le succès rencontré, pour un événement aussi jeune, est impressionnant. Jusqu’ici, 106 événements ont eu lieu dans 53 pays différents.
Tous les gens que nous avons rencontré pour Django Girls nous ont parlé du manque dramatique de femmes dans les professions liées à l’informatique. Ce n’est pas juste dommage pour toutes les femmes qui loupent des opportunités de boulot, c’est un vrai problème pour les hommes qui y travaillent, et aussi pour les entreprises elles-mêmes.
Vous personnellement, qu’est-ce qui vous a motivé à y prendre part ?
Je dois avouer que ma coéquipière Alexia et moi, avons démarré ce projet sur un coup de tête. On a toutes les deux une grande curiosité pour l’univers du numérique et l’envie d’apprendre à coder. Elle avait découvert Django Girls lors d’un voyage à Athènes, elle m’a appelé en août et m’a dit « tiens, ça te dirait qu’on en fasse un à Bordeaux? » et j’ai dit oui sans trop réaliser ce dans quoi je m’engageais . Organiser la première édition a représenté pas mal de boulot mais nous a aussi ouvert plein de perspectives nouvelles. Cela avait du sens pour nous, à la base, parce que nous croyons très fort à l’appropriation des outils informatiques pour un rapport plus sain/serein au numérique, et que Django Girls nous donnait des clés pour nous lancer là-dedans sans rien y connaître nous-même. Et petit à petit, nous avons eu l’impression de mettre le doigt sur des enjeux qui dépassaient largement nos ambitions de départ. Tous les gens que nous avons rencontré pour Django Girls nous ont parlé du manque dramatique de femmes dans les professions liées à l’informatique. Ce n’est pas juste dommage pour toutes les femmes qui loupent des opportunités de boulot, c’est un vrai problème pour les hommes qui y travaillent, et aussi pour les entreprises elles-mêmes.
Quels bénéfices concrets en retirez-vous ?
Des bénéfices énormes, en fait. D’abord, c’est super gratifiant de se lancer un peu tête baissée dans un projet pour lequel on ne se sent pas super légitime (c’est pas comme si Alexia ou moi on avait déjà écrit une ligne de code dans notre vie) et de ne rencontrer que des retours positifs de la part des gens qu’on sollicite : on a eu très vite plus de coachs que ce dont on avait besoin, des sponsors pour financer la journée, des partenaires qui cherchaient de quelle façon ils pourraient s’impliquer. Les inscriptions ont aussi été très vite pleines, les participantes étaient super contentes de leur journée, entre les murs accueillants de chez Sew&Laine, un super fablab lowtech et lieu de coworking textile. Mais, comme je vous le disais plus tôt, les coachs aussi nous ont fait des retours très positifs. Par ailleurs, cela nous a permis de rencontrer des personnes passionnantes et très motivées pour se lancer sur d’autres projets autour de l’accès pour tous aux outils numériques. Pas forcément à destination des femmes d’ailleurs. Nous nous sommes structurées en association, et nous avons déjà en vue le second Django Girls (en avril, à la semaine digitale de Bordeaux) et peut-être même le troisième Django Girls avant l’été.
Tout cela est très enthousiasmant, mais comment fait-on pour devenir une Django Girl, notamment si cet événement n’existe pas encore près de chez nous ?
Pas besoin d’être un programmeur chevronné ni un professionnel de l’événementiel, même si, faut bien avouer, ça peut aider. Il faut d’abord voir s’il existe un Django Girls près de chez vous. Si c’est le cas, n’hésitez pas à les contacter : ça fait toujours du bien de savoir que l’événement intéresse du monde. S’il n’existe encore rien près de chez vous, lancez-vous. Il suffit pour cela de contacter les Django Girls originelles,. Elles sont adorables, très accueillantes et surtout, vous fourniront des ressources très précieuses pour savoir comment organiser votre événement.
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