Patrice Leconte

Le réalisateur français Patrice Leconte signe un premier roman. Une bulle de légèreté et de fantaisie jouant sur les sentiments.

« Il faut croire à ses rêves. » Qui vous appris cette philosophie ?

Ma tournure d’esprit est liée à une enfance insouciante. Je dois beaucoup à mes grands-parents maternels. Dans leur sagesse, ils savaient se contenter de peu et s’en satisfaire.

Quel était votre rêve d’enfant ?

Assez vite, j’ai eu envie de m’exprimer. J’aimais le dessin que je pratique toujours. J’étais nul en musique, il me restait donc le cinéma. La passion cinéphile paternelle a déteint sur l’enfant. Les chats ne font pas des chiens, puisque mes deux filles sont atteintes du même virus. L’une dans les décors, l’autre comme scripte. Cela nous rapproche encore plus.

Le rêve de votre père envers vous ?

Ce médecin cinéphile est comblé. Son fils aîné est chirurgien et moi, j’ai hérité de son amour cinématographique.

Que reste-t-il en vous du petit garçon ?

Je manie avec précaution le bon vieux cliché de la part d’enfance qui demeure en nous. Mais il est vrai que j’ai gardé une forme d’insouciance et une puissance d’émerveillement qui ne s’use jamais.

Quel était le thème des films que vous réalisiez ado ?

J’étais dans la veine comique. Comme j’étais gros, la seule façon de susciter l’intérêt des autres, était de les faire marrer. J’ai maigri une fois que j’ai voulu séduire les filles. Doté d’une volonté d’acier, je vais toujours au bout des choses.

Les cinéastes qui vous font rêver ?

En France, je suis impressionné par Jean-Pierre Jeunet. J’aime aussi le travail de Jacques Audiard et de Luc Besson. Côté américain, j’éprouve une passion pour les frères Coen. Je suis aussi fan de Bollywood, dont j’adore le kitch et les musiques.

Est-ce lié à votre talent caché pour la danse ?

J’ai toujours aimé la danse, mais je ne la pratiquais pas. Le mariage de ma fille aînée a créé un déclic car je désirais ouvrir le bal avec elle. Alors j’ai pris des cours de valse. Aimant les danses de salon (valse, rock et samba), je rêve maintenant de réaliser une comédie musicale.

Que ressentez-vous derrière la caméra ?

Je frissonne… Quand les acteurs vous donnent des choses rares, j’en ai les larmes aux yeux. On croit que leur métier est superficiel, or les grands acteurs sont des gens précieux. Ce que nous offrent par exemple Daniel Auteuil, Sandrine Bonnaire, Jean-Pierre Marielle ou Jean Rochefort n’est pas anodin. J’aime créer une histoire de toutes pièces, pour amener les spectateurs ailleurs et rendre leur vie un peu plus belle.

Comment définir votre métier ? Une passion, un plaisir ou une angoisse ?

Je suis un club sandwich comprenant les trois composantes (rires) ! A côté de la passion, il y a les insomnies et les angoisses que j’essaye de ne pas communiquer. J’ai l’air enthousiaste et de bonne humeur… Mais à l’intérieur, je suis miné. Je doute tant j’ai envie de plaire.

Etes-vous un enchanteur ?

Je suis souvent enchanté. La poésie de la vie part de choses simples, quotidiennes, réalistes. En posant un regard précis et décalé sur elles, je les transfigure un peu. Telle est la base de mon métier.

De quoi se compose votre bibliothèque ?

De trucs disparates. Je possède tous les livres de Raymond Queneau, Mondiano, Simenon et Jean Echenoz, dont je suis fétichiste. Point de littérature classique, qui est trop liée à la scolarité.

Qu’aimez-vous dans les papeteries ?

Les accessoires de l’écriture (feuilles, carnets). Lycéen, je me sentais pousser des ailes quand j’achetais un nouveau stylo. Le clavier a rendu, hélas, ma plume bien paresseuse.

Pourquoi ce premier roman ?

Ça me titillait secrètement, mais je ne m’en croyais pas capable. Le patron d’Albin Michel a amené l’arrosoir pour faire pousser la petite graine qui germait en moi. Je n’en ai même pas parlé à ma femme !

Votre héros, Thomas, vous ressemble-t-il ?

Thomas c’est moi mais en mieux ! Il a des envies et des rêveries qui parfument sa vie. Son existence est délibérément idéalisée, agréable et calme. Pourquoi ne pas l’embellir ?

Pourquoi imaginez-vous tant d’histoires de rencontres ?

Je ne m’étais pas rendu compte de cette constante… Dans la vie, j’y crois beaucoup car c’est au contact des autres, qu’on évolue. Même les rencontres éphémères vous éclairent. Sans rencontres, on devient sclérosé.

Votre plus belle rencontre ?

Ma femme ! Dans ce métier, où les couples se font et se défont, nous sommes mariés depuis trente-sept ans ! La vie n’étant pas un ciel bleu, nous avons connu des orages et des séparations, mais nous avons appris à tenir le coup.

Croyez-vous au hasard de la rencontre ?

Oui et à la chance, qu’il faut savoir saisir. Ce roman nous incite à croire en ses rêves. La chance se travaille, elle demande une détermination folle. Si on part gagnant, on met toutes les chances de son côté.

Etes-vous amoureux des femmes ?

L’intuition féminine me fascine. J’adore leur compagnie alors que celle des hommes me fatigue vite. Elles m’enchantent par la grâce qu’elles dégagent. Quand une femme a de la personnalité, qu’elle possède cette petite chimie qui flotte autour d’elle, c’est prodigieux à voir. Je les admire à tout âge de la vie. Elles sont plus pertinentes et plus fines que nous.

Vous êtes séduit par …

Un vêtement, un parfum, une silhouette, un éclat de rire, une manière de tenir sa cigarette ou de s’amuser d’un rien.

Pourquoi dit-on « tomber amoureux » ?

Car cela relève de la chute libre, d’un dérèglement intense dans une vie tracée. Cet invraisemblable tsunami est un cataclysme, qui nous rend indestructible. Ce n’est qu’une fois séduit, qu’on sait pourquoi on chavire.

L’amour c’est…

Forcément lié au chaos. Ce n’est pas un chaos navrant, mais un chaos sensationnel.

Etes-vous romantique ?

Plutôt sentimental. Facile à atteindre, j’ai les larmes qui coulent aisément. Loin d’être un roc, j’éprouve des émotions fortes. C’est parfois dangereux, mais je n’aurais pas fait mes films si j’avais eu le coeur sec.

Les femmes vous ont appris à …

Avoir confiance en moi, même si je ne suis pas arrivé au bout du compte.

Qu’est-ce qui vous fait grandir ?

Je ne veux pas grandir! Vieillir ne m’empêche pas de dormir. Dans mes films, il est pourtant souvent question de vieillissement et de solitude. J’adore être le grand-père d’une petite-fille rigolote.

Votre défi d’aujourd’hui ?

Je n’aimerais pas cesser ce métier, sans avoir réalisé une comédie musicale. Ce désir est si intense, que je m’en voudrais si je ne le fais pas. J’ai pu devenir un danseur, à 50 ans, alors pourquoi pas ça ?

Votre prochain sujet de film ?

L’adaptation d’un scénario original, écrit par Douglas Kennedy. Or cela s’avère compliqué à financer…

Le plus beau compliment que l’on peut vous faire ?

Cela me touche quand les gens se disent charmés par mon roman. Cette bulle idéale se veut légère et ensoleillée. C’est indéfinissable…

Propos recueillis par Kerenn Elkaïm ?

Les femmes aux cheveux courts, par Patrice Leconte, Albin Michel, 200 pages.

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