2010-2019: Cinq tendances food & drink qui ont fait la décennie
Moins de viande, plus de légumes et des saveurs du Moyen-Orient : notre cuisine a radicalement changé ces dix dernières années. Sans oublier le retour de la nature dans nos verres.
Nous buvons du vin sans intrants qui assume ses odeurs d’écurie (dans le bon sens du terme)
Alors que seuls les clubs d’initiés et autres connaisseurs étaient emballés par le concept pendant la précédente décennie, cette révolution viticole a su se frayer un chemin vers la carte de tout restaurant qui se respecte. Aujourd’hui, des bars à vins naturels déferlent sur les villes et des amateurs branchés jonglent avec des termes comme « volatile » et « oxydatif ». Si vous pensiez être à l’aise en matière de vins, ne vous étonnez pas que vos papilles fassent un peu de résistance face au bouleversement de leur cadre de référence.
Dans l’élaboration des vins naturels, l’intervention humaine est limitée à sa plus simple expression : très peu ou pas d’ajout de sulfites (une substance utilisée pour freiner la fermentation et faciliter le transport et la conservation), et aucun apport d’enzymes, de tanins , d’acide et de sucre pour corriger le goût. La fermentation s’opère grâce aux levures indigènes (vs levures industrielles) qui sont présentes naturellement sur la peau des raisins et dans l’air. Tout comme pour notre gueuze nationale qui fait notre fierté (et rappelle l’arôme d’un vin blanc nature ). Certains de ces vins ne sont pas filtrés et se boivent donc troubles. Le viticulteur laisse la nature faire son oeuvre, mais il doit disposer de raisins de qualité supérieure car il ne peut pas faire appel à des additifs pour masquer d’éventuels défauts. Parmi les vins naturels, un grand nombre offrent un goût classique, tandis que certains présentent des accents un peu plus funks ou sauvages. Ces dix dernières années, les vins naturels ont redessiné le paysage viticole traditionnel, avec des goûts surprenants et une plus grande diversité à la clé.
Lebné, tahini, houmous et grenade ont investi notre liste de courses
Le Moyen-Orient a pris ses quartiers dans nos cuisines. Si nous avons grillé des tonnes d’aubergines, parsemé nos plats de graines de grenade, écrasé des pois chiches et dégusté du yaourt en dehors du petit-déjeuner ces dix dernières années, c’est un peu grâce au succès colossal des livres de l’auteur et chef anglo-israélien Yotam Ottolenghi (Plenty fête ses dix ans). Le houmous a été élevé au rang d’icône culinaire et forme avec le falafel la fastgood de la décennie. C’est l’auteure culinaire anglo-égyptienne Claudia Roden (83 ans) qui a ouvert la voie dès 1968 avec son sublime A Book of Middle Eastern Food qui fourmille d’anecdotes et de recettes de cette région. Dans la cuisine du Moyen-Orient, les légumes tiennent le rôle principal et les plats végétariens comme les falafels occupent le devant de la scène. Cette cuisine tire aussi son attrait de ses saveurs, ses couleurs vives et la profusion d’herbes fraîches.
La bière artisanale devient branchée et se déguste de préférence en canette
Jusqu’il y a peu, le mot « bière spéciale » faisait directement penser à des moines en bure brun foncé mais la dernière décennie a balayé cette image. Bien qu’elle ait tardé à monter dans le train des bières artisanales – l’innovation buttait contre la richesse de notre tradition brassicole -, la Belgique a aujourd’hui atteint son régime de croisière. Des bars à bières alignant une longue rangée de fûts qui servent les dernières créations de brasseurs inventifs côtoient des boutiques spécialisées offrant un assortiment impressionnant de bières belges et internationales issues de microbrasseries. Des recettes de bières séculaires sortent des oubliettes pour être revisitées, des brasseries urbaines comme Brussels Beer Project ou Cabardouche exposent en pleine ville le savoir-faire brassicole et proposent des dégustations dans ou à côté de la salle de brassage. Longtemps associée à la pils insipide et bon marché, la canette signe son grand retour. L’univers des bières artisanales accueille des canettes au look plus artistique qui répondent aux besoins dans l’air du temps : légèreté, facilité de transport et recyclage illimité.
Manger végétarien : de l’ombre à la lumière
Ces dix dernières années, les adeptes de l’alimentation végétarienne n’ont plus dû défendre leur choix en permanence (ça n’empêche bien sûr pas les vieux carnivores de critiquer à tout va mais il suffit de les nier). Les restaurants gastronomiques conjuguent leurs classiques à la mode végétarienne, les festivals multiplient les formules de restauration rapide sans viande et les supermarchés regorgent de savoureuses alternatives au burger-purée. Grâce à des initiatives comme le « Jeudi Veggie » et les « Journées sans viande », manger végétarien est devenu courant, y compris pour certains qui consommaient encore de la viande à certaines occasions.
Le flexitarisme est né. Les légumes ont perdu leur statut d’accompagnement pour devenir le centre d’attention. Le chou frisé a connu son heure de gloire, des légumes oubliés comme le panais et le topinambour se sont rappelés à notre bon souvenir, et l’avocat a pris d’assaut le moindre toast. L’alimentation végétale n’a rien d’une tendance passagère. L’approche raisonnée de la viande et l’accent mis sur les légumes gagneront encore en importance dans les années à venir.
Les agriculteurs sous le feu des projecteurs
Ces dix dernières années ont donné un visage aux agriculteurs. Ceux-là même qui nous approvisionnent chaque jour en nourriture sont restés trop longtemps des anonymes sous-estimés. L’agriculteur occupe une position délicate. Il est souvent victime de la guerre des prix qui fait rage entre supermarchés. Chaque enseigne veut être la moins chère et les agriculteurs en font les frais. Les marchés fermiers, food festivals et autres initiatives qui visent à promouvoir le circuit court ont réduit la distance que l’agriculture à grande échelle et les supermarchés avaient instaurée entre le producteur et le consommateur.
Les magasins à la ferme revivent, les cueillettes libres poussent comme des champignons et d’autres projets comme « La Ruche qui dit Oui » ou les paniers bios invitent les consommateurs à faire leurs courses en direct chez les producteurs locaux. L’agriculteur touche l’intégralité du prix et donc une rémunération plus juste pour son travail, tandis que le consommateur connaît l’origine de sa nourriture. La prochaine décennie sera employée à généraliser ces initiatives de niche. Car pour citer l’expert en durabilité Joszi Smeets : « Rendre la société civile plus durable et la nourriture de qualité moins élitiste représentera une vraie victoire sociale. Sinon cette tendance restera un caprice superficiel de ceux qui en ont les moyens. »
Traduction : virginie·dupont·sprl
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