Rencontre avec la Première Sommelière de Belgique Margaux Balemans
Tout juste élue Meilleure Sommelière de Belgique 2024-2025, Margaux Balemans (24 ans) officie au Grand Verre, le restaurant gastronomique que Wout Bru a ouvert à Durbuy. Après six années passées à apprendre la cuisine et le service en salle à l’école Ter Groene Poorte à Bruges, cette fan de negroni, head-sommelière du groupe Sanglier des Ardennes et bras droit du réputé Gianluca Di Taranto, s’est prise de passion pour le vin
Prénom Margaux
La table est un lieu de communion où les langues se délient et les cœurs se rapprochent. Je viens d’une famille de bouchers – mes parents et mes grands-parents l’étaient aussi – où le travail prend beaucoup de place, si pas toute la place. Je garde un souvenir ému de ces moments où l’on se réunissait autour d’un bon repas et d’une bouteille de vin. Dans ma famille, le vin est une passion qui se transmet de génération en génération, ce n’est pas pour rien que je me prénomme «Margaux». Et si je m’y suis intéressée à ce point, c’est en partie en raison de ces souvenirs du temps passé ensemble que favorisait l’ouverture d’une bouteille…
Meilleure Sommelière
Rester fidèle à soi-même pour ouvrir de nouvelles perspectives. J’ai participé au concours du Meilleur Sommelier de Belgique par plaisir et par passion. Je l’ai fait pour moi, même si je me rends compte aujourd’hui que mon titre suscite de nombreuses attentes. Je peux accéder à certaines d’entres elles, mais d’autres sont trop éloignées de ma personnalité. Cela me rappelle à quel point il est important de garder les pieds sur terre, de savoir qui on est, et de l’assumer. Quand, dans un restaurant, un client demande à voir le sommelier, il s’attend encore trop souvent à voir débarquer un homme. La sommellerie a été pendant très longtemps une histoire d’hommes, et je suis fière de contribuer à la féminisation du métier.
Question de goût
Sentir et goûter, cela se travaille. Nous ne sommes pas égaux dans la dégustation, certains goûtent mieux que d’autres. Moi, j’ai été beaucoup aidée par le fait que je cuisine beaucoup, ce qui oblige à sentir et à goûter en permanence. Cela dit, s’il y a bien quelque chose que nous a appris le Covid, c’est que l’on peut exercer ses sens, les travailler au point de récupérer les sensations. Je conseille aux personnes qui ne savent pas identifier ce qu’elles perçoivent dans le vin de se promener dans leur maison et de sentir tout ce qui est possible, puis de le refaire avec les yeux fermés. C’est une bonne façon de se créer une bibliothèque olfactive personnelle.
« Je suis fière de contribuer à la féminisation du métier. »
Dry January
La sommellerie ne s’arrête pas à l’alcool. Aujourd’hui encore, même si cela évolue grâce à des initiatives comme Dry Januari, on oublie souvent que le métier de sommelier dépasse le cadre des boissons alcoolisées. De nombreuses alternatives offrent une dimension de texture et de saveur incomparable. Il est très stimulant d’acquérir ces connaissances-là et de satisfaire ceux qui ne boivent pas, ou temporairement pas, d’alcool. Un des grands charmes de ce métier est qu’il repose sur une matière vivante en constante évolution. On ne peut donc jamais la maîtriser totalement.
Aller vers l’inconnu
La surprise est le sel de la vie. Au restaurant, on sait qu’on aime, par exemple, le bordeaux ou le bourgogne. Mon plus grand plaisir est de poser des questions, de procéder à une sorte de maïeutique pour savoir ce qui se cache derrière telle ou telle aspiration. J’estime avoir rempli ma mission à 100% quand j’arrive à faire aimer une bouteille qui, tout en conférant la même dose de plaisir, provient d’une zone géographique inconnue, voire résulte d’un cépage totalement différent de la demande initiale. C’est un jeu fascinant pour moi, je me sens comme une petite fille dans un magasin de bonbons quand cette latitude m’est offerte.
No planète B
Le bouleversement climatique doit inquiéter. Dans le secteur du vin, le réchauffement offre deux visages. Il crée des opportunités bien sûr, on peut s’en réjouir, mais je suis très triste de savoir que certaines aventures viticoles séculaires vont s’arrêter en raison de ces changements. On peut se dire «c’est la vie, tout a une fin». Il reste que je me sens concernée lorsque s’interrompt une transmission qui a lieu de génération en génération. Et nous devrions tous nous sentir concernés.
Compliments
La société fonctionne trop à la négativité. Je remarque souvent, particulièrement au restaurant, que faire un compliment est perçu comme une sorte de faiblesse. Nous sommes avares d’éloges, pourtant c’est un carburant précieux pour qui les reçoit. Aussi, je constate que si, lors d’une soirée, quelqu’un m’adresse une critique, je vais y penser en boucle, oubliant toutes les autres personnes qui sont sorties de table plus heureuses. Je m’efforce néanmoins de passer au-dessus en me disant que cela m’aide à grandir et évoluer.
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