Combien coûte vraiment un menu étoilé ?

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Marc Meneau, le chef de L’Espérance a accepté de dissèquer le prix de son menu deux-étoiles à 195 euros. Bilan: coûteux mais pas si rentable.

Au pied de la colline de Vézelay et de sa célèbre basilique se cache un autre joyau de la Bourgogne, L’Espérance. Distinguée par deux étoiles au Michelin (trois jusqu’en 2007), sa cuisine inventive attire à Saint-Père-en-Vézelay, les gourmets du monde entier. « La clientèle étrangère représente 30% de notre chiffre d’affaires », précise Marc Meneau. Le maître des lieux surveille cet indicateur au jour le jour, comme d’autres leur cours de Bourse. Car attirer des Suisses, des Italiens, des Américains ou des Brésiliens, bien plus dépensiers que les Français, est l’une des clés de son business model. « Dès qu’ils plient bagage, les comptes plongent dans le rouge », souligne Marc Meneau. Cet autodidacte l’a appris au fil des années: orchestrer un menu étoilé est aussi délicat côté cuisine que côté intendance, et une addition élevée n’est pas toujours synonyme de bonne affaire pour l’établissement. Une fois le marché fait, les salaires versés et les factures payées, L’Espérance empoche à peine 8 euros sur un menu de dégustation à 195 euros. Déchiffrage.

Un service stylé

Un employé par convive, c’est le ratio des grandes maisons. Avec 60 couverts, L’Espérance emploie ainsi 40 personnes à l’année, auxquelles s’ajoutent une vingtaine de saisonniers. Le personnel qualifié rechignant à vivre à la campagne, les salaires sont de 20 à 30% plus élevés qu’à Paris et grimpent jusqu’à 4 000 euros nets. Dans un menu à 195 euros, 88 euros servent ainsi à rémunérer les brigades de serveurs et de cuisiniers.

Les arts de la table à l’honneur

Porcelaine de Limoges griffée Coquet et Raynaud, nappes en lin brodées à la main, argenterie…, rien n’est trop beau pour servir des plats étoilés. Mais cet art de vivre coûte cher à entretenir: tous les trois ou quatre ans, le renouvellement des nappes coûte entre 30 000 et 40 000 euros. Et, chaque année, une partie des couverts finit à la poubelle, par erreur. Coût: jusqu’à 20 euros pour une petite cuillère, et près de 30 euros pour un couteau.

Des fleurs toute l’année

Chaque année, L’Espérance dépense 35 000 euros pour fleurir tables, salons et terrasses. A l’avenir, une partie des fleurs sera produite sur place pour réduire la dépense.

Un décor raffiné

Dans un restaurant étoilé, le cadre est l’un des piliers du rêve. En cinq ans, Marc Meneau a investi 2 millions d’euros dans la décoration. Il a notamment acquis plusieurs oeuvres originales contemporaines et de belles copies.

Des factures qui flambent

Le luxe est gourmand en électricité. La facture mensuelle de L’Espérance s’élève à 6 000 euros, en hausse de 20% par rapport à 2008. « Le fait d’être à la campagne nous pénalise beaucoup: par exemple, nous devons payer l’éclairage public dans le village pour faciliter l’accès au restaurant », souligne Marc Meneau. Le chef a aussi inscrit 25 000 euros à son budget pour l’achat de 1 268 ampoules à basse consommation, bien plus chères que les ampoules à incandescence. La facture d’eau, quant à elle, s’élève à 1 500 euros par mois -elle a doublé en quatre ans. « L’Espérance consomme autant d’eau que les 500 habitants du village! » révèle le chef.

La casse, ça coûte

Pendant le coup de feu, la casse est fréquente: au moins la moitié des 500 verres doivent être remplacés chaque année. Coût: de 4 à 8 euros l’un.

Rien que des produits de premier choix

Dans un menu à 195 euros, les matières premières représentent 68 euros. En réponse à l’inflation, le chef a réduit d’environ 20% l’emploi de produits « nobles », comme le foie gras, le homard et le caviar, au profit des légumes. En 2010, il a ainsi créé un potager bio dans le parc de L’Espérance. « Nous produisons de 15 à 20% de notre consommation de légumes, et nous espérons atteindre les 40% l’an prochain, se félicite-t-il. Mais, compte tenu de l’investissement et du salaire de la maraîchère, cela ne se traduit pas encore par une économie. » Aujourd’hui, il dépense chaque mois 10 000 euros pour acheter ses légumes.

Par Chloé Hecketsweiler, L’Expansion.fr

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