pizza margherita
© Anaïs Lesy

Comment bien réussir la pizza? Enquête, recette et conseils pour une Margherita parfaite

Chaque saison, notre journaliste-cuisinier Jorik Leemans traque la meilleure recette d’un classique du répertoire gourmand. Cette fois, il s’attaque à la pizza Margherita.

Pour un certain nombre de choses dans la vie, une certification ad hoc est de mise. Ainsi, lorsqu’on achète une maison, il est rassurant de savoir que les murs ne renferment pas d’amiante, le contrôle technique nous indique dans quelle mesure on risque sa vie en montant dans notre vieille Citroën Berlingo, et le diplôme accroché au mur du cabinet de notre psy nous garantit qu’on n’a pas affaire à un voyeur désœuvré.

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Pour les Napolitains, il n’existe qu’un seul label qui vaille: celui de l’AVPN. L’Associazione Verace Pizza Napoletana a été fondée par Antonio Pace en l’an de grâce 1984, dans le but de fixer un règlement clair sur la préparation en bonne et due forme de veraci, c’est-à-dire de pizzas napolitaines originales. Depuis lors, plus de 950 restaurants du monde entier disposent de la preuve qu’ils préparent la spécialité comme il se doit: une pâte gonflée qui se caractérise par une croûte légèrement brûlée et dont on peut replier les bords pour les manger. Certains Italiens ne seront pas d’accord avec ça, mais les Napolitains se présentent comme les créateurs de ce délice apprécié dans le monde entier.

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«Il n’y a pas matière à discussion, s’exclame Antonio Pace, aujourd’hui âgé de 79 ans, lors de notre entretien téléphonique. L’histoire, c’est l’histoire. A Naples, nous faisons des pizzas depuis 1700, un point c’est tout. Nous avons créé ce certificat il y a quarante ans, dans le but de conserver la paternità della pizza pour la ville de Naples et de transmettre le mode de préparation correct.» Pendant des années, cet Italien en mangeait tous les jours, mais à présent, il se limite à trois ou quatre fois par semaine. «Cela me permet de rester jeune, déclare-t-il en riant. Tout le monde affectionne les pizzas, et surtout les Margherita fraîchement préparées.»

Les bases de l’art

La recette de l’AVPN en poche et les conseils d’Antonio Pace en tête, nous nous enfermons dans notre cuisine. Nous l’entendons encore nous énoncer les différentes étapes, parfois de manière très précise. Ainsi, le diamètre de la pizza doit être de maximum 35 centimètres, les tomates doivent provenir de Campanie et nous devons terminer par un filet d’huile d’olive vierge extra. Attention, il convient de la verser en spirale. Autant dire que certains régimes stricts sont plus permissifs que ça!

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Suivant la recette à la lettre, nous mettons très peu de levure dans notre pâte, car elle aura le temps de lever au cours des prochaines vingt-quatre heures. En principe, la pizza napolitaine nécessite un four particulier puisque la température doit pouvoir atteindre environ 475°C afin que le temps de cuisson se limite à une minute. «Néanmoins, même avec un modèle normal, il est possible d’obtenir une délicieuse pizza», nous a rassuré le spécialiste. En préparant nos premières pizzas, nous appliquons donc minutieusement le conseil du septuagénaire: étirer la pâte de manière à former de beaux cercles prêts à être habillés. Et ce, même si la pizza Margherita est peu consistante: il faut seulement y ajouter une fine couche de sauce tomate, de la mozzarella et du basilic frais.

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Pour la sauce, selon le conseil d’Antonio Pace, nous écrasons à la main des tomates en boîte, puis nous salons. Il est inutile d’assaisonner davantage. En été, il peut être intéressant de travailler avec des tomates fraîches… Certaines recettes trouvées en ligne préconisent la passata, mais nous préférons le goût plus prononcé des petits morceaux de tomates. Un jour et quelques minutes plus tard, les premières pizzas tout juste sorties de notre petit four à bois sont prêtes à être goûtées. Et si sous cherchions une recette un peu plus rapide? Andiamo!

Le choix des ingrédients

Ces quatre adresses belges possèdent le très convoité certificat AVPN en Belgique: Bellini à Anvers, Adagio à Vresse-sur-Semois, Carlisi à Waremme et Nona à Bruxelles. Ce dernier est le seul qui ose se qualifier, à raison, de pizzeria napolitaine. Après avoir travaillé plusieurs années dans le monde de la finance à Londres, le Courtraisien Sebastian Dupont a cherché un nouveau défi. Il s’est finalement tourné vers ce mets de la Botte.

‘Le secret d’une bonne préparation réside avant tout dans l’utilisation de produits locaux de qualité. ‘

«Enfant, j’adorais déjà l’Italie et sa cuisine, confie-t-il au cours de notre entretien dans son restaurant de la rue Sainte-Catherine. Avec Nona, j’ai voulu retourner aux origines. Nous ne proposons que huit variétés, lesquelles se composent de peu d’ingrédients. Comme nos pizzaïoli italiens utilisent les bons ingrédients, ils obtiennent l’essence de leur cuisine.»

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Au risque d’offenser les Italiens, cet entrepreneur ne fait pas venir ses ingrédients de là-bas. «Je crois que le secret d’une bonne préparation réside avant tout dans l’utilisation de produits locaux de qualité. On ne peut pas se permettre de recourir à de mauvais produits vu le nombre d’ingrédients limité.»

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Suivant ce conseil, le Bruxellois d’adoption a donc contacté un producteur belge qui fait de la vraie mozzarella de bufflonne ainsi que de la fior di latte (mozzarella à base de lait de vache). Et le propriétaire de Nona de poursuive: «Pour nos légumes, nous travaillons depuis plus de sept ans avec un agriculteur bio de Flandre-Occidentale. C’est simple: si ce n’est pas la saison pour un certain produit, il ne sera pas présent sur l’assiette dans notre établissement. Le meilleur exemple est peut-être notre pizza Margherita. En Belgique, le basilic ne pousse que quatre mois par an. C’est pourquoi on n’en trouve que de juin à septembre chez nous. Presque aucun membre italien de notre équipe n’approuve cette décision, mais cela ne les empêche pas de comprendre cette philosophie. Les clients ne s’en offusquent pas non plus: même sans basilic, la Margherita est la pizza qui a le plus de succès.»

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Rassasié, nous quittons le Napolitain bruxellois, riche de la recette de son pizzaïolo en chef, selon laquelle la pâte ne doit lever que cinq heures et doit cuire quelques minutes et à bien plus faible température. Comme nous ne trouvons pas de mozzarella de bufflonne dans notre supermarché, nous testons plusieurs variantes. D’expérience, nous savons que certains fromages bon marché sont nettement plus caoutchouteux lorsqu’ils fondent. Une fois le fromage choisi, pendant que, comme le prévoient plusieurs recettes, il s’égoutte dans le frigo pour éviter un excès d’humidité sur les pizzas, nous visionnons des vidéos d’experts de la pâte qui expliquent comment obtenir une roue parfaite. A ce stade, nos premiers essais sont moyennement concluants. La pratique est la clé du succès.

Un petit peu d’histoire

Nouveau jour, nouveau public test. Comme la recette précédente manquait un peu de légèreté à notre goût, cette fois, nous servons une pâte à pizza qui a reposé huit heures à température ambiante et pour laquelle nous avons utilisé de la levure fraîche au lieu de levure sèche. «Elle est trop bonne», s’enthousiasme notre invitée de 5 ans tout en se léchant les doigts. Nous lui demandons ses idées avisées pour améliorer le plat. «La prochaine fois, tu pourrais mettre un peu de salami?», répond-elle. La vérité sort de la bouche des enfants!

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Quiconque connaît l’histoire de la Margherita sait que la célèbre pizza se compose exclusivement de trois ingrédients. Enfin, quatre, si on compte l’huile d’olive. «C’est l’histoire que nos grands-parents nous ont transmise lorsque nous étions petits, poursuit Antonio Pace en riant. On raconte que les nobles ont découvert les savoureuses pizzas au début du XIXe siècle. Auparavant, c’était le repas du pauvre. Le pizzaïolo Raffaele Esposito a été invité au palais de Capodimonte à Naples pour y préparer des pizzas pour le roi Umberto I et son épouse Margaretha. On peut d’ailleurs encore y voir le fameux four à bois. L’homme en a préparé trois, dont une aux couleurs du drapeau italien, décorée de tomate, de mozzarella et de basilic. La reine a été conquise, et le reste appartient à l’histoire. J’ignore si les choses se sont produites exactement comme ça, mais quoi qu’il en soit, c’est un beau récit.»

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Margaretha n’est plus là pour goûter notre création, mais nous osons espérer que la recette tirée de nos expérimentations permettra à tout aspirant pizzaïolo de se lancer chez lui. Le secret réside dans le temps de repos accordé à la pâte, de manière à obtenir une croûte aérée lorsqu’elle sort du four. Il ne nous reste plus qu’à tuer le temps comme les Italiens le font si bien: le dolce far niente. Il y a pire pour commencer le week-end!

Les pièges à éviter
— Laisser la pâte lever trop peu de temps: il faut compter au moins six heures, idéalement huit.
— Trop épicer: pourquoi ne pas faire confiance au goût plein des ingrédients purs?
Opter pour la mozzarella la moins chère: des ingrédients de qualité contribuent à donner plus de goût.

Retrouvez notre recette de la pizza Margherita parfaite

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