Comment le champagne se prépare-t-il au réchauffement climatique?

Vigne de Champagne

Près d’Epernay, une des capitales du champagne, les dix hectares du domaine expérimental de Plumecoq sont un laboratoire en plein air qui n’a qu’un seul objectif: continuer à faire du bon champagne malgré le réchauffement climatique.

« Nous explorons dès à présent des scénarios de rupture permettant de conserver la typicité de nos vins pour des hypothèses moins optimistes que +2° à l’horizon 2050 », explique Arnaud Descôtes, directeur technique environnement du Comité Champagne, propriétaire et gestionnaire du domaine.

A côté de la conservation de 350 ceps anciens pour assurer la biodiversité historique du vignoble champenois, la création de nouvelles variétés capables de s’accommoder d’un climat proche de celui qui sévit actuellement dans le Sud est l’une des voies les plus étudiées à Plumecoq.

« Nous cherchons à créer des variétés adaptées au changement climatique, qui possèdent une résistance efficace et durable aux maladies et confèrent de bonnes aptitudes culturales à la plante et une bonne qualité au vin », précise M. Descôtes.

Tout commence à la pince à épiler pour castrer manuellement les fleurs d’un cépage emblématique du champagne, le chardonnay. Les fleurs sont fécondées avec le pollen d’une variété résistante puis la future grappe est protégée par un sac en papier en attendant sa récolte.

Les plantules issues de ces graines sont ensuite triées pour ne retenir que celles ayant acquis les gênes souhaités.

Cette vieille technique, dite de l’hybridation croisée, a déjà permis d’ajouter quatre nouvelles variétés, deux de blanc et deux de rouge, aux sept cépages autorisés en Champagne. « Depuis 2015, nous croisons ces variétés avec nos cépages. Aujourd’hui, nous avons 200 espèces en observation. A l’horizon 2030, nous pourrons présenter aux professionnels quatre à cinq nouvelles variétés plus adaptées aux changements », promet M. Descôtes.

Vendanges chaudes

Le défi climatique, comme l’ambitieux objectif de zéro herbicide en 2025 et 100% du vignoble certifié « viticulture durable » en 2030, imposent de renverser quelques totems comme celui de l’espacement des vignes, aujourd’hui fixé à 1,50 m.

Responsable du service viticulture au pôle technique du Comité Champagne, Sébastien Dubuisson l’assure: « un premier bilan montre que les vignes semi-larges, entre 1,80 m et 2,20 m, sont un peu moins sensibles au gel de printemps, facilitent la gestion de la bande enherbée qui limite l’évaporation du sol et offrent une meilleure résistance à la sécheresse ». « Les vignes semi-larges permettent de conserver de l’acidité dans les raisins », ajoute-t-il. Une vertu intéressante quand on sait que le taux d’acidité des raisins champenois baisse quand celui de sucre augmente, un phénomène qui va de pair avec le réchauffement. « Avec une température en hausse de 1,1° en moyenne depuis les années 1990, le réchauffement est déjà une réalité en Champagne », prévient Arnaud Descôtes. « Il donne des raisins plus sucrés et des vendanges plus précoces d’environ 18 jours », souligne-t-il.

C’est pourquoi les techniques propres à limiter les conséquences négatives des vendanges dites chaudes -celles de plus en plus souvent démarrées en août, contre septembre dans les années 1980- sont aussi expérimentées.

Responsable du service Vin au Comité Champagne, l’oenologue Sylvie Collas rappelle quelques règles de bon sens comme « aménager les heures de cueillette aux heures les plus fraîches, ne pas laisser les caisses de raisin en plein soleil mais à l’ombre des rangs de vigne et utiliser des caisses de couleur claire ». « En cuverie, tous les procédés concourant à réduire les délais sont à privilégier. Par exemple, l’apport d’enzymes qui permet d’obtenir des moûts clairs au bout de dix heures au lieu de 24 heures aujourd’hui ou le levurage précoce pour éviter des retards à la fermentation », explique-t-elle. Le champagne du futur est à ce prix.

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