Comment préparer le thé dans les règles de l’art?

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Temps et méthode d’infusion, qualité de l’eau… La préparation du thé, tout un art. Nous avons demandé conseil à un expert et filtré pour vous quelques enseignements.

Avec trois milliards de tasses consommées par jour, le thé reste, loin devant l’eau, la boisson la plus appréciée au monde. A première vue, ce chiffre a de quoi donner le tournis. Mais il suffit de penser aux innombrables occasions de boire du thé et ce, au sein de toutes les cultures sur la planète. La Belgique n’est pas (encore) un pays de buveurs de thé. Il n’existe pas de chiffres concernant la consommation de ce breuvage chez nous mais jusqu’en 2010, la plupart des sources font état de 300 g de thé par an et par habitant. Cela reste très peu, à côté des deux kilos consommés par les Britanniques. Sommelier en thés et herboriste, Robin Boels avance une explication: « Si la Belgique n’est rien au regard de l’histoire du thé, c’est parce qu’elle n’y a pas participé directement. A partir du XVIIe siècle, ce sont surtout l’Angleterre et les Pays-Bas qui ont importé du thé depuis l’Asie. Des figures telles que Sir Thomas Lipton ont permis au thé de trouver une place de choix au sein de la population même. »

Intérêt croissant

La Belgique n’a donc aucune culture du thé mais, depuis quelques années, elle y porte un intérêt croissant. Selon une enquête sur le budget des ménages, menée à la demande du SPF Economie, les achats de thé ont augmenté de 133 % entre 1999 en 2012. On voit désormais apparaître des sommeliers en thés, une profession qui n’existait pas voici dix ans. « Les gens sont à la recherche de bons thés en vrac (en feuilles), comme ceux produits dans les pays d’origine. Mais ils sont aussi friands d’informations pour savoir comment les préparer dans les règles de l’art », précise Robin Boels. En 2012, il a donc mis sur pied la Thee Academie Vlaanderen. Lors d’ateliers pratiques, il explique la provenance des différents thés, la meilleure façon de les préparer et les différences de saveurs d’une espèce à l’autre.

L’essence même du thé consiste à aromatiser (saveur + parfum) un volume d’eau. A en croire Veerle Stoffels, auteur d’un livre sur le thé, il n’existerait pas de méthode idéale pour préparer le thé : « Le thé est un produit qui offre une grande liberté dans la manière de le préparer, de le servir et de le déguster. »

Temps d’infusion…

Pourtant, dans cet espace de liberté, il est bon de tenir compte d’une série de facteurs. Selon Robin Boels, « Si vous laissez le thé infuser trop longtemps, l’amertume prend le dessus et en masque les subtiles saveurs. Cela accentue également les tannins. Les raisins, les fruits rouges et les grenades sont également riches en tannins. Les gens sont en général surpris de la rapidité avec laquelle les feuilles de thé parviennent à dégager leurs arômes. »

La durée du temps d’infusion dépend du thé et de la méthode de production. On distingue six sortes de thés qui, selon la façon dont on les récolte et les transforme, prennent une autre couleur, un autre parfum et une autre saveur

La durée du temps d’infusion dépend du thé et de la méthode de production. On distingue six sortes de thés qui, selon la façon dont on les récolte et les transforme, prennent une autre couleur, un autre parfum et une autre saveur: blanc, jaune, vert, oolong, noir et Pu Erh. Les feuilles des thés blanc, vert et oolong n’ont pas besoin d’infuser plus de deux minutes. Le thé noir et le Pu Erh peuvent infuser jusqu’à cinq minutes.

Il faut aussi tenir compte des préférences personnelles et des diverses manières de préparer le thé. En Asie, on fait infuser très brièvement une grande quantité de feuilles dans un petit volume d’eau. On se sert d’un gaiwan, c’est-à-dire une petite théière Yixing en terre cuite. En Occident, on obéit à un autre rituel. « Chez nous, on compte 2 grammes par tasse, soit environ 12 grammes par litre d’eau », détaille Robin Boels. « La durée d’infusion dépend de la forme des feuilles. Les feuilles de thé roulées serré ont besoin de plus de temps pour se déployer. Le broken tea, aux feuilles concassées en petits fragments, infuse très vite. »

Une eau de qualité

Pour préparer votre thé, donnez la préférence à une eau de source peu minéralisée. Les minéraux réagissent avec les enzymes présentes dans le thé, ce qui affecte le goût et le parfum du breuvage, et même sa coloration. « Une eau pauvre en minéraux permet d’obtenir un beau thé clair. On évite ainsi de colorer les tasses et on magnifie les arômes », assure Robin Boels. L’idéal est une eau avec un résidu sec de maximum 50 milligrammes par litre. Le résidu sec comprend les éléments contenus dans l’eau qui ne s’évaporent pas à une température de 180 °C. Cette valeur est toujours mentionnée sur la bouteille. Le pH de l’eau compte aussi mais moins, car le système digestif peut s’en accommoder quel qu’il soit. L’idéal? Un pH entre 6 et 7. Exemples: les eaux de Spa, Mont Roucous et Montcalm.

Mieux vaut éviter l’eau du robinet. Trop minéralisée, elle est également calcaire. Lorsqu’on la porte au-delà de 60 °C, cela précipite les sels de calcium et de magnésium. Résultat: du calcaire se dépose au fond de la tasse. L’eau du robinet subit un traitement chimique pour la rendre potable. Or les traces de chlore modifient la saveur du thé.

Nage libre

La température de l’eau a aussi son importance. « On croit souvent qu’il faut préparer le thé avec de l’eau bouillante, mais ce n’est pas toujours vrai. Quand on fait bouillir une eau, on lui retire son oxygène, or l’oxygène permet de magnifier les arômes du thé », insiste Robin Boels.

« Les feuilles sont enfermés dans une coque métallique qui les empêche de bien se déployer. L’eau ne peut pas suffisamment y entrer. Pour développer leurs arômes, les feuilles doivent nager librement dans l’eau

La température détermine la saveur du thé, parce qu’elle libère les différentes substances solubles contenues dans les feuilles (une eau trop peu chaude, à l’inverse, ne les libère pas). La température idéale varie selon les thés et la saveur que souhaitée. Pour le thé blanc, il faut une eau de 70 à 80 °C, pour le thé vert, on recommande une eau entre 50 et 80 °C. Pour les autres thés: une eau de 80 à 95 °C pour l’oolong, de 90 à 95 °C pour le thé noir et de 90 à 100 °C pour le Pu Erh.

Les feuilles de thé gonflent dans l’eau et peuvent tripler de volume. C’est pourquoi la boule à infuser n’est pas idéale. « Les feuilles sont enfermés dans une coque métallique qui les empêche de bien se déployer. L’eau ne peut pas suffisamment y entrer. Pour développer leurs arômes, les feuilles doivent nager librement dans l’eau », conseille Robin Boels. Plus elles ont d’espace, mieux c’est.

On trouve des théières de divers tailles et modèles mais elles ne se valent pas toutes, loin de là. La porcelaine et le verre sont parfaits, car ils n’influencent pas la saveur des feuilles. La terre cuite offre une bonne alternative mais elle est poreuse et retient facilement les saveurs. Prévoyez donc une théière de ce genre par type de thé. Les théières en argent, en aluminium, en étain, en laiton ou en fer blanc donnent un petit goût au thé et en modifient la couleur. A éviter donc.

Vous pouvez vous contenter de jeter les feuilles de thé dans le récipient mais mieux vaut utiliser un filtre si les feuilles sont très petites.

Eline Van Reeth

Thé ou infusion?

Qu’en est-il du rooibos, de la menthe ou de la camomille? S’agit-il de thés? Pour Robin Boels, « Seules les feuilles issues du plant de Camellia sinensis peuvent être appelées thé. Les autres (extraits d’herbes aromatiques ou de fruits) sont des infusions. Le rooibos sud-africain et le Yerba maté d’Amérique latine appartiennent également à la famille des infusions. »

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