Dry January: le thé brassé sans alcool qui change tout

the brasse dry january
© Scob
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Saoulé par les notes acétiques caricaturales du kombucha? Agacé par l’insipidité affligeante des breuvages désalcoolisés ? Une nouveauté pourrait bien booster la perspective d’un mois sans alcool: SCOB. Cette gamme de pétillants à la palette organoleptique élargie dévoile, grâce à une fermentation calibrée, toute la richesse aromatique de la feuille de thé.

On vit une époque formidable. En tout cas, du côté des boissons sans alcool pour lesquelles l’effervescence est palpable. Les alternatives sont nombreuses et de plus en plus ambitieuses. Les bonnes nouvelles se ramassent à la pelle. Celle-ci, c’est du côté du BE-HERE qu’elle a été glanée. Elle porte la patte de Céline Cogniaux et Guillaume Berlemont, deux trentenaires longtemps frustrés par la fadeur des propositions sans alcool. « Tout est parti d’un constat dressé en décembre 2022. Lorsqu’on a une vie sociale active, on se retrouve souvent à boire un verre de vin en soirée, faute d’alternatives vraiment stimulantes. Il nous paraissait anormal que, pour éviter l’alcool, il faille se contenter de boissons sans relief », explique Céline Cogniaux.

Deux ans plus tard, si le choix s’est élargi avec l’apparition de chouettes softs, nombreux sont les observateurs qui buttent encore sur une offre trop simple à décrypter, sans véritable complexité dans le verre, sans bouche évolutive et qui surtout n’incite ni à la réflexion, ni à la discussion. Fort d’un parcours en sciences économiques, le tandem se décide à prendre le taureau par les cornes. « On a passé une énorme commande à Mindful Drinking Club, un caviste berlinois 100% sans alcool pour voir ce qui se faisait. C’était une sorte de veille pour appréhender tout ce qui existait sur le marché mondial », commente Céline Cogniaux.

Une évidence s’impose rapidement: la fermentation est un réservoir organoleptique inépuisable. « Nous avons vite réalisé que ce qui nous passionnait, c’était d’adopter une approche similaire à celle du vin et de la bière dans leur version artisanale, explique Guillaume Berlemont. Travailler une matière vivante de manière peu interventionniste, sans aromatisation, pour rester fidèle à des procédés simples et jouer uniquement sur des ajustements subtils. »

Le thé comme évidence

Entre mars et septembre 2023 s’étend une intense période de test. Tout y passe, les matières premières – plantes, fleurs, herbes… – comme les procédés – kéfir, kombucha, voire « jun » (une sorte de kombucha au miel). Au total, une centaine de thés sont appréhendés à la faveur de micro-lots. Céline Cogniaux d’expliquer : « Ces expérimentations nous ont permis de constater que le processus est d’une certaine façon imprévisible. Un très bon thé peut s’avérer mauvais après fermentation et inversement. Du coup, on a déconstruit plein de préjugés, comme celui qui veut que le thé blanc ne soit pas compatible avec la fermentation. »

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« En cela, nous avons été bien aidé par la boutique L’Heure Bleue, une maison de thé bruxelloise remarquable, note Guillaume Berlemont. C’est là que pour la première fois, quelqu’un nous a dit qu’il était possible de s’engager sur la voie d’une boisson de type kombucha sans bafouer la matière première initiale. Les autres adresses nous incitaient à limiter nos essais à de très basiques thés sencha à 10€ le kilo. C’était dommage car on passait à côté de la noblesse de ce produit qui a beaucoup en commun avec le vin. Je pense notamment à la notion de terroir qui est encore trop peu connue sous nos latitudes. Il y a des « single estate » qui possèdent une riche palette d’arômes que l’on peut marier à la nourriture. »

A partir de mai 2023, les deux associés désengorgent leurs cuisines respectives pour s’installer dans un atelier digne de ce nom qu’ils partagent avec les cadors de Fermenthings spécialisés dans l’art de la transformation microbienne. Un déménagement vécu comme une aubaine par Guillaume Berlemont qui, parallèlement, a suivi une formation de vigneron à l’IFAPME et a travaillé pour plusieurs domaines viticoles en Belgique (Mont des Anges, Domaine de la Portelette ainsi que la winery urbaine Gudule).

Tiercé gagnant

« La vraie plus-value de notre projet, c’est de travailler à partir de trois « starters » différents – des sortes de levains à base de bactéries, de levures, de sucre et d’infusions de thé – que l’on nourrit depuis près d’un an en vue de faire fermenter trois thés sélectionnés. Le principe consiste à ajouter un peu de ces mélanges, très acides, dans chaque cuve pour qu’ils s’y multiplient. Nous les laissons agir entre 5 et 10 jours », raconte Guillaume Berlemont.

Pas question pour ces deux amateurs de bonne table de perdre de vue la question de l’accord mets-vin. Raison pour laquelle, SCOB – dont le nom renvoie vers le « SCOBY » pour « Symbiotic Culture Of Bacteria and Yeast », une sorte de pellicule gélatineuse analogue à la « mère » du vinaigre – décline trois profils aromatiques filtrés à la fois complexes et affirmés, reconnaissables immédiatement, articulés de manière à couvrir un spectre organoleptique étendu.

Ainsi de « Blade » qui est marqué par la vivacité. Elaboré à partir d’un thé vert japonais (feuilles et branches), il égrène des notes de fruits exotiques, une touche végétale et une acidité rafraîchissante que l’on a vite fait de rapprocher des sensations vives du sauvignon, sans le rebutant, du moins à nos yeux, côté « buxus ».

« Bloom », quant à lui, aligne des arômes de fruits jaunes et un bouquet floral issu d’un thé blanc chinois (Fujian) fermenté. Facile à boire en raison de la pureté de sa bouche (un côté minéral qui caractérise la gamme), cette cuvée s’avère immédiate. On ne s’étonnera pas d’apprendre que le flacon se prête aux apéritifs.

Enfin, « Butter », qui techniquement se présente comme un « jun » (au contraire des deux autres cuvées qui, en théorie, sont des kombuchas mais sans en avoir les notes acétiques caractéristiques ou, dans certains cas, les aromatisations monolithiques caricaturales) s’appuie sur un « milky oolong » chinois pour une dégustation soulignées de saveurs beurrées et briochées, complétées par des notes de fruits à noyaux.

Quid du gaz carbonique? La bulle fine, élégante, très loin de l’agressivité des sodas, est ajoutée, elle ne provient donc pas de la fermentation. « Nous préférions éviter la prise de mousse en bouteille car elle s’accompagne d’une production d’alcool. Le risque est alors trop grand de dépasser le seuil de 0,5% de volume d’alcool qui caractérise les boissons non alcoolisées », précise Céline Cogniaux.

Clairement au début d’une aventure – à ce stade-ci, il ne sort que 1000 à 1300 litres des cuves par mois disponibles en bouteilles réparties selon deux conditionnements 750ml (13,50€) et 375ml (7€) – le duo derrière SCOB, la nano-brasserie a été officiellement constituée à l’été 2024, a déjà séduit plusieurs adresses en vue à Bruxelles – le restaurant Grabuge, Mojoe, Lokale, La Fruitière, Nestor Vins, Fermenthings ou Titulus – mais également en Flandre (Malz à Leuven) et en Wallonie (Uhoda Vennes). SCOB dispose également d’un e-shop.

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