Feu de bois, plantes fraîches et dosage plus léger: la liqueur Or Vert débarque enfin en Belgique

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Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Herbes locales et distillation à l’ancienne via un alambic chauffé au feu de bois: la gamme Chromatique est désormais disponible en Belgique. Portée par Sophie et Gautier Roussille, cette micro-distillerie installée en Bourgogne trace un sillon artisanal, exigeant et en phase avec la philosophie des spiritueux naturels.

Depuis qu’il a été question, dans ces colonnes, des spiritueux dits naturels, une question revient sans cesse : où les trouver ? Rares, souvent produits de manière confidentielle, ces alcools artisanaux peinent encore à franchir les frontières. Bonne nouvelle : la cave Titulus à Bruxelles distribue désormais Chromatique, une gamme de distillats imaginée par Sophie et Gautier Roussille, sur leur domaine familial situé dans le Mâconnais, en Bourgogne, plus précisément sur le secteur de Quintaine, entre Viré et Clessé.

Une distillation artisanale

Là, sur 6,5 hectares cultivés en biodynamie depuis 1991, se trouve le domaine Guillemot-Michel, transmis de génération en génération, entre vignes et carrières de pierre. Sophie y revient en 2012, ingénieur agronome et œnologue de formation, comme son mari, avec une idée claire : trouver sa propre voie, sans perturber l’équilibre des vinifications déjà en place.

«Sophie a commencé avec les coproduits du vin, les marcs et les lies, qui étaient détruits. C’était un champ d’expression à elle, une manière de valoriser, d’exister sans bousculer ce que ses parents avaient construit », résume Gautier. Très vite, le couple rachète deux alambics en cuivre, datant des années 30 et 50, à un distillateur partant en retraite. Des pièces rares, de type hybride, dotées d’une colonne de rectification et chauffées… au feu de bois.

« Le feu de bois, on connaissait déjà. On chauffe le domaine avec notre propre forêt, les ceps morts, les piquets cassés. On ne jette rien. » Les distillats, eux, suivent un protocole d’une rigueur absolue : éraflage, fermentation en tonneaux, extraction, distillation à feu nu, réduction à l’eau de pluie purifiée, mise en bouteille par gravité, fût par fût, sans le moindre additif. « Pas de caramel, pas de glycérol, pas de colorant », tranche le trentenaire.

Alcool de goûter

Longtemps cantonnée à la transformation des raisins du domaine, l’activité évolue. Les demandes affluent. D’autres producteurs sollicitent leur savoir-faire. L’envie d’explorer de nouveaux territoires se fait sentir. C’est ainsi que naît Chromatique, entité sœur du domaine, dédiée aux distillats issus de plantes, céréales, fruits, maïs de Bresse ou sarrasin local. « On a voulu éviter la confusion avec Guillemot-Michel, et garder la clarté entre l’univers viticole et les autres matières premières. »

La gamme compte aujourd’hui treize références, toutes en micro-production. Parmi elles, « Or Vert », une liqueur de plantes prisée par les amateurs, conçue à partir d’une douzaine de plantes fraîches cultivées en biodynamie, issues soit de la cueillette sauvage, soit du potager du domaine. Le tout, distillé ou infusé selon les propriétés de chaque végétal, puis doucement sucré à 160 g/L, contre plus de 300 pour des liqueurs classiques.

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« Je suis né à Saint-Égrève (NDLR : région de Grenoble), juste à côté de Voiron, donc vous voyez bien à quoi je fais référence… J’ai grandi avec la Chartreuse. J’ai adoré ça. Mais aujourd’hui, je ne supporte plus le sucre. Je voulais une liqueur de plantes à mon goût. » Et de poursuivre : « Pour moi, les liqueurs traditionnelles sont devenues des « alcools de goûter » — très bien à 16 h avec une tarte, mais plus digestibles après un repas copieux. »

Avec ses 50 % vol., Or Vert affirme sa présence sans brutalité. « On a assez d’alcool pour supporter l’aromatique, mais pas cet effet brûlant. Ce que les gens disent à la dégustation, c’est : « Ah, c’est fou, ça titre à 50 et ça passe tout seul ». C’est ça, la différence entre un bon distillat et un alcool industriel. »

Aquavit de zinzin

Autre référence forte : l’aquavit, née d’un souvenir d’enfance. « Mon père voyageait dans les pays nordiques et en ramenait. J’ai voulu en refaire, mais bien, avec de l’aneth frais, du carvi, du cumin… Quand c’est bien fait, c’est d’une fraîcheur anisée incroyable. Et ça fonctionne magnifiquement avec les fruits de mer. » L’aneth, plante fragile, est confiée à des agriculteurs partenaires. Car le sourcing, ici, est tout sauf opportuniste. « Tout doit faire sens. Notre vodka Pop Corn, par exemple, on la distille parce qu’on est proches de la Bresse, où l’on cultive du maïs ancien. »

Même esprit pour le gin, un assemblage subtil de genièvre, géranium, kombawa et ail noir. Ce dernier, produit en partenariat avec la Maison de l’Ail Noir à Sendets, n’est pas là pour s’imposer mais pour lier. « C’est un ingrédient de fond. Il ne se sent pas, mais si on l’enlève, l’équilibre est rompu. Il apporte onctuosité et structure. »

En Belgique, c’est via Titulus que les flacons de Chromatique trouvent désormais leur chemin. Une distribution sélective, qui reste fidèle à l’esprit du projet : faire peu, mais bien.

Gautier Roussille le reconnaît lui-même : la présence en cuisine commence tout juste à se dessiner. « Ce sont des produits qui demandent un peu d’attention pour être compris. Mais certains chefs ont eu l’intelligence de comprendre que ce sont des ingrédients à part entière. » L’usage se fait par touches, dans des sauces, des desserts ou des accords végétaux — toujours en appui, jamais de manière emphatique.

Cerise sur le gâteau, la gamme Chromatique est marquée par une volonté d’accessibilité. « On n’est pas là pour faire du luxe. Nos bouteilles sont entre 30 et 55 euros. Ce n’est pas un prix de marché, c’est un prix de production juste, qui reflète ce qu’on fait réellement, en fonction du temps, de la rigueur, et des matières premières », conclut celui qui est également un spécialiste reconnu du saké.

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