Fromages belges : un excès d’hygiène menace le patrimoine alimentaire

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Stagiaire Le Vif

« Préserver notre patrimoine alimentaire ». C’est dans cette optique que les producteurs de fromages à base de lait cru ont décidé d’unir leurs voix et leurs moyens dans un Groupement d’Intérêt Economique. Une première Belge pour un secteur économique en difficulté.

C’est ce jeudi au restaurant le « Contre-temps », situé sur la commune d’Ixelles et adepte d’une « Slow Food » et de ses produits du terroir, que les producteurs belges de fromages au lait cru ont présenté les bases d’un nouveau Groupement d’Intérêt Economique (GIE).

Cette structure juridique constitue une première en Belgique et a été créée dans le but de « porter haut la défense d’une typicité alimentaire basée sur la diversité et l’acceptation d’un processus de production intégrant le vivant dans sa mise en oeuvre ».

Des valeurs revendiquées haut et fort dans la foulée de « l’affaire Munnix », du nom de ce fromager au lait cru de la région de Herve, en province de Liège, qui en mai dernier avait dû mettre un terme à sa production après que l’AFSCA (l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire) a découvert des bactéries de listeria dans certains de ses produits. José Munnix, après un long bras de fer, a dû se résoudre à fermer son centre de production, le dernier à employer du lait cru en Pays de Herve.

« Le règlement européen est très clair », a commenté à ce sujet Jean-François Heymans, responsable de la Cellule Agriculture et Sécurité de la Chaîne alimentaire du cabinet du ministre de l’Agriculture, Willy Borsus. « Une présence de listeria est tolérée pour un producteur qui vend au consommateur final, pas pour celui qui écoule son fromage auprès d’intermédiaires, ce qui était le cas pour M. Munnix, un producteur qui avait jusque-là eu des contrôles favorables », a-t-il ajouté.

Une réponse que le GIE nouvellement formé dénonce en expliquant que les textes européens en la matière sont sujets à une interprétation erronée, souvent au détriment des producteurs. Le fromager travaillant le lait cru « encourt des soupçons de la part d’un secteur sanitaire qui préfère jouer le risque zéro absolu plutôt que de s’adapter au cas par cas à un terrain sans cesse changeant, à commencer par celui de la production laitière, matière première de nos fromages », assurent les membres fondateurs. « Cet excès d’hygiène ne conduit qu’à l’appauvrissement des laits de terroir », souligne Michel Berhin, représentant permanent du GIE. Ce dernier ajoute que l’objectif premier du Groupement n’est pas de faire front à l’AFSCA, mais bien de promouvoir les producteurs et de les rassembler à l’image de certains regroupements observés en France, afin de défendre un « patrimoine alimentaire ».

A ce jour, le GIE compte environ quatorze membres, sur la centaine de producteurs de fromages au lait cru estimée en Wallonie. Le sud du pays n’étant pas le seul concerné, un appel a été lancé aux exploitations de Flandre dont certaines ont déjà manifesté un intérêt.

La naissance de ce Groupement intervient après l’annonce faite il y a quelques mois par le ministre Borsus de mettre en place une Cellule des petits producteurs. « La transformation laitière constitue en quelque sorte un projet pilote de cette Cellule », explique Jean-François Heymans. La structure, pourvue d’un budget initial de 900.000 euros, a pour but de rapprocher l’AFSCA des petits producteurs afin notamment que ceux-ci perçoivent mieux la manière dont est appliquée la législation européenne.

Seul bémol, de l’aveu même des membres du GIE ; ils ne se sentent pas entièrement écoutés par cet organisme qui ne figure pas dans les priorités actuelles du gouvernement. D’où la création de ce Groupement, où les producteurs peuvent mettre leurs forces en commun pour se faire entendre.

Guillaume Alvarez

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