La colère monte face au scandale lié l’huile de palme en Afrique centrale

Vue d'un pont suspendu menant dans le parc national de Korup au Cameroun en juin 2012. L'expansion des marchés du Nigéria à la Chine alimente un appétit vorace pour plus de nourriture. Une grande partie de cette demande devra être satisfaite par l'huile de palme, une graisse à faible coût convoitée par les fabricants d'aliments et un pilier de la cuisine à travers les tropiques. Depuis 2000, la demande mondiale d'huile de palme a doublé. © Reuters

La grogne est montée en 2016 en Afrique centrale, notamment au Gabon et au Cameroun, contre les méga-plantations d’huile de palme financées par des groupes agro-industriels asiatiques, américains ou européens, accusés de menacer les forêts du bassin du Congo après celles d’Indonésie et de Malaisie.

Extraite par la pression à chaud de la pulpe ou de la chair des fruits, moins chère que le soja, le tournesol ou l’olive, cette huile artisanale est très prisée dans les foyers africains. Mais elle remporte la palme de la contestation une fois produite et exportée à l’échelle industrielle.

Sa production en Asie ou en Afrique accélère la déforestation et le réchauffement climatique et menace la faune accusent les défenseurs de l’environnement. La polémique vient de rebondir au Gabon, où la forêt recouvre 80% du territoire (267.667 km2).

Deux ONG – Brainforest et Mighty – ont enquêté sur les activités d’Olam, un groupe agro-industriel de Singapour partenaire privilégié du gouvernement. Olam indique avoir planté 58.000 hectares de palmiers au Gabon. « On peut estimer qu’Olam a déboisé depuis 2012 environ 20.000 hectares de forêts dans ses concessions gabonaises à Awala et Mouila. Des enquêteurs sur place ont vu et filmé des bulldozers abattant de grands arbres et sur une vaste échelle », accusent Brainforest et Mighty dans leur rapport publié mi-décembre.

Olam a avancé le chiffre de 25.000 hectares, précisant que cette superficie ne représentait que 0,1% des zones forestières du Gabon, et qu’il s’agissait « de forêts secondaires hautement exploitées et dégradées ».

Paradis perdu

Pour sa défense, Olam a publié mardi un encart publicitaire vantant ses apports au Gabon: « 1.100 hectares de cultures vivrières », « 10.922 emplois directs créés », « 251 km de route »…

Dans leur rapport, les deux ONG redoutent que le bassin du Congo, poumon de l’Afrique, ne connaisse le même sort que les forêt de Sumatra en Indonésie et Bornéo en Malaisie: « Il y a quelques décennies encore, ces endroits étaient presque entièrement recouverts de forêts, un paradis pour les orangs-outans, les rhinocéros, les éléphants et les oiseaux exotiques. Aujourd’hui, seuls 20 à 30% seulement de la couverture forestière existe encore ».

Hasard des dates, le rapport a été publié au moment où à Libreville un festival de films sur l’environnement primait un documentaire français intitulé Et maintenant nos terres.

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Les deux réalisateurs ont suivi en 2014 le combat au Cameroun et au Sénégal de communautés villageoises contre ce qu’ils appellent « l’accaparement des terres » par des multinationales.

Les deux fronts existent toujours au Cameroun. Dans la région du Sud-Ouest, 244 fermiers ont porté plainte pour « violation de propriété » contre une entreprise qui entend planter 20.000 hectares de palmiers à huile.

Prévue le 9 novembre, la première audience du procès contre la Sustainable Oils Cameroon (SGSOC), ex-filiale de la société américaine Herakles Farm, a été reportée en raison des troubles dans cette zone anglophone.

Soutien des 244 paysans en lutte, Greenpeace demande à Yaoundé de ne pas renouveler la concession provisoire de la SGSOC qui a expiré fin novembre. L’ONG veut « mettre fin à six ans d’exploitation forestière illégale, de mépris des droits des communautés locales, d’investissements non réalisés et de destruction de la forêt ».

Le gouvernement ne s’est pas encore prononcé.

A Malen, dans le sud de la Sierra Leone. La déforestation pour l'exploitation de l'huile de palme par le groupe Socfin est symptomatique de ce phénomène critiqué
A Malen, dans le sud de la Sierra Leone. La déforestation pour l’exploitation de l’huile de palme par le groupe Socfin est symptomatique de ce phénomène critiqué « d’accaparement des terres »© Reuters

Toujours au Cameroun, plus près de Douala dans la Sananga maritime, les riverains ont en ligne de mire la plantation Socapalm, filiale de Socfin, holding luxembourgeoise dont le capital est détenu à 39% par le groupe français Bolloré.

Ils ont manifesté mi-novembre avec des banderoles indiquant « Non à la pollution et à la destruction massive de l’environnement » et « Socfin-Bolloré ouvrez le dialogue avec les riverains ». « Plus de 5.000 hectares qu’ils utilisent! Il n’y a même pas d’endroits pour faire les champs de manioc. On mange quoi? », dénonçait alors à l’AFPTV un riverain, Ebeneser Ekango.

Greenpeace indique avoir mené tout au long de l’année des enquêtes « en République démocratique du Congo, à Sao Tomé-et-Principe, au Cameroun et au Liberia, démontrant que les concessions de la Socfin incluaient des forêts primaires, mais aussi des forêts secondaires stockant d’importantes quantités de carbone ».

Au terme de cette année d’activités, l’organisation s’est félicité que « Socfin publie enfin une politique zéro déforestation » début décembre, avec des engagements pour la « préservation des zones forestières et des tourbières, ainsi que l’exigence du consentement libre, préalable et informé des populations locales ».

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