L’art du dressage: 4 experts nous livrent leurs conseils pour faire de belles assiettes

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Il y a peu, on ne pouvait s’attendre à une assiette bien dressée que dans les restaurants les plus chics. Désormais, tout le monde s’y met, et même à la maison, on aspire à servir des plats aussi beaux que bons à nos invités. Quatre foodies nous donnent leurs conseils pour y arriver.

Inviter sa famille ou ses amis à dîner n’est pas de tout repos. Après le stress du choix du menu, la quête des recettes et les courses, le vrai travail commence seulement. Et comme si ce n’était pas encore assez de réussir à servir les plats à temps, bien cuits et à la bonne température, les invités, prêts à dégainer leur smartphone, attendent aussi une présentation originale. De quoi entraîner une dose de nervosité supplémentaire en cuisine. Et pourtant, pas besoin de se compliquer la vie: avec quelques astuces et un peu de préparation, il est possible de réaliser le dressage des assiettes en toute simplicité. 

Etape par étape

Rappelons que la présentation d’un plat est un métier à part. Les élèves de 7e année de l’école hôtelière Spermalie le savent bien; leur année de spécialisation comprend un cours de dressage que le chef et professeur Peter Keirsbilck a cofondé. Celui-ci conseille de commencer par des choses évidentes. «Les gens voient des techniques au restaurant ou à la télé et cherchent à les reproduire à la maison, mais ce n’est souvent pas très réaliste. Nous apprenons à nos élèves qu’il vaut mieux travailler le plus simplement possible, avec le minimum de manipulations. On peut passer cinq minutes sur une assiette, mais dans le tempo d’un vrai service, ça ne marchera pas.»

Son cours propose quelques astuces concrètes applicables chez soi. «On peut par exemple mettre de la purée de légumes, de la sauce ou de la crème dans un flacon distributeur et l’utiliser pour faire des petits points le long de la garniture. Autre éléments pratique: les poudres. En mixant finement des herbes ou des légumes séchés au robot de cuisine, on obtient un ingrédient délicieux et coloré pour la finition des assiettes. Avec un petit tamis, on peut dessiner des nuages de poudre bien ciblés.»

Des conseils en or pour mieux dresser vos assiettes

Le chef néerlandais Jan Boeren a soigneusement étudié ce qui fonctionnait ou pas dans la présentation des plats et a compilé ses trouvailles dans un livre (en néerlandais). On y apprend ainsi que pour améliorer le dressage, il vaut mieux préparer plusieurs fois le même plat. Et si les hôtes ont tendance à sortir des assiettes carrées, un modèle rond reste toujours la meilleure option, selon lui.

Dans ce cas-ci aussi, on plaide pour le «less is more». Le cuisinier conseille d’utiliser de petites portions et un nombre limité d’éléments et de garnitures sur l’assiette. Pas de montagne de riz avec, à côté, une avalanche de crevettes et de légumes, mais des petits tas de riz agrémentés de quelques crevettes et de la garniture. Pensez aussi à la manière de couper les légumes. Une carotte en rondelles, en julienne (petits bâtonnets) ou en brunoise (petits cubes), ça a le même goût, mais ça donne une tout autre allure à l’assiette.

Pour nous aider à dresser comme des pros, quatre chefs belges livrent leurs conseils.

Vincent Greeve, chef du Bistrot De Pottenbrug: l’huile verte est votre meilleure amie

Le chef Vincent Greeve, du Bistrot De Pottenbrug, à Anvers, a une vision éclairée de la manière de présenter ses plats. «Bien sûr les gens attendent une assiette séduisante, mais elle est soumise à la température et à la préparation. Si le goût n’est pas bon ou si le plat a refroidi, tout le monde oubliera le dressage. Quand on transpose cette réalité dans notre modeste cuisine, on remarque que les possibilités sont limitées. Nous utilisons alors volontiers de l’huile verte aux herbes. Nous faisons infuser dans un robot de cuisine de l’huile neutre avec par exemple de l’estragon ou de la livèche pour obtenir une sauce d’un vert intense. Quelques gouttes ou quelques traits sur une assiette créent un joli contraste et apportent une touche supplémentaire au niveau du goût.»  

Quand il cuisine à la maison, Vincent Greeve a aussi recours à des astuces simples. «Au restaurant, nous travaillons avec des assiettes préchauffées. Ce qu’on ne fait pas chez soi. Pourtant, en plaçant la vaisselle quelques instants dans le four avant de commencer à servir le plat, tout reste chaud plus longtemps et on a davantage de temps à consacrer à la présentation. Ça aide aussi de prendre un plateau ou une planche avec un torchon et d’y placer ses garnitures. Ainsi elles ne perdent pas de liquide sur l’assiette et on peut tout disposer rapidement, avec ses deux mains, sur les assiettes.» 

Son meilleur conseil est aussi le plus logique: c’est en forgeant qu’on devient forgeron. «Quand les gens cuisinent chez eux, ils s’aventurent souvent dans des recettes qu’ils n’ont jamais essayées. C’est s’exposer aux problèmes. Testez les plats et pensez à leur présentation. Je ne vais jamais placer un plat à la carte sans l’avoir réalisé avant.» 

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Jocasta Allwood, sommelière de Nightshop: le pouvoir magique des sauces

Après des pérégrinations en France, au Danemark et en Grande-Bretagne, Jocasta Allwood a atterri en Belgique. Elle y a ouvert dans la capitale, avec son compagnon Jens Crabbé, un endroit où elle voulait surtout partager sa passion pour les vins nature. Même si ce n’était pas le plan initial, Nightshop est devenu un restaurant. «Depuis 2023, nous avons une équipe de rêve avec le chef Théo Leonard et la sous-cheffe Léa Etchegoyhen. Ils ont donné un visage et un style aux préparations. Cela découle d’un amour affirmé pour les produits, d’une part, et des contraintes de notre cuisine, d’autre part. L’équipe aux fourneaux et moi partageons les mêmes valeurs culinaires. Des plats sans fioritures, présentés sans chichi.»

«Pour faire briller des produits dans l’assiette, on ne peut que faire des compositions simples, ajoute le chef Théo Léonard. Il n’est pas possible de tricher ou de cacher des choses. On utilise des ingrédients qui sont complémentaires, jamais d’herbes, de fleurs ou d’autres détails qui n’ont qu’une plus-value visuelle.» 

En pratique, cela donne des plats faciles à appréhender, développant une aura presque nonchalante. Par exemple un fond de sauce brune, une cuillerée de purée de potiron et au milieu un oignon farci de boulgour. Des éléments comme déposés à la va-vite les uns sur les autres en apparence, mais formant une composition pourtant élégante. 

Pour cuisiner chez soi, Jocasta Allwood recommande d’oser jouer avec les sauces. «Une sauce bien préparée est la meilleure connexion entre les éléments d’une assiette, mais elle peut aussi embellir un plat. Avec elle, on peut simplement napper, arroser, mais aussi créer des contrastes. Nous avons eu chez Nightshop un dessert à la betterave et au fromage où le jus de la betterave était volontairement travaillé avec une huile. Cela donne un bel effet sur l’assiette qu’on peut reproduire facilement chez soi.»

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Justin Wansart, chef de Yust: oser servir vos plats autrement

Tout comme à Anvers, le Yust Hotel de Liège s’active pour changer l’orientation de son restaurant. Un nouvel aménagement qui s’accompagne d’une carte inédite et d’un nom original: Pépin. La cheville ouvrière derrière cette métamorphose est Justin Wansart. Avec notamment un passage au Sea Grill d’Yves Mattagne, le chef n’en est pas à son coup d’essai. Dans le nouvel établissement du Yust, il apportera une interprétation contemporaine des plats traditionnels de la cuisine franco-belge: une déclinaison vert pétant du risotto, un tartare de bœuf soigneusement dressé avec de nombreuses garnitures ou encore une version végétarienne des choux farcis.

«Je trouve ça fantastique de donner le premier rôle à l’ingrédient au centre de l’assiette: une belle darne de poisson, la cuisse d’un poulet, une joue de porc qui est clairement visible et identifiable. Ce qui ne veut pas dire que la présentation ne doit pas être excitante ou originale.» Sur sa page Instagram, on découvre sa version du classique local: la salade liégeoise. Ici aussi l’ingrédient principal est dans la lumière: un bon morceau de lard de poitrine, cuit et laqué dans une sauce brune avec, à côté, une salade raffinée de haricots verts, jeunes oignons, petits cubes de pommes de terre et fines rondelles d’échalote.

Le chef propose une déclinaison originale du poulet rôti. «Dans l’assiette, on trouve le filet avec une bonne sauce et des pommes de terre persillées, très classique. Mais à côté, on a une interprétation fast-food de la cuisse, qui est panée, frite et servie avec une sauce à dipper et des graines de moutarde marinées. Un classique, mais présenté différemment. C’est un conseil que tout le monde peut mettre en pratique chez soi: oser servir un plat autrement, bousculer les ingrédients.»

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Olivia Behaegel, cheffe de Seven et influenceuse food: miser sur la couleur (mais pas trop)

Olivia Behaegel a toujours été une foodie passionnée et a développé au fil des ans un style de cuisine personnel. Quand elle a commencé à le partager sur Instagram, elle a rapidement été suivie par de nombreux fans. C’est grâce à son impact sur les réseaux sociaux qu’elle s’est lancée comme cheffe professionnelle.

«J’ai été contactée par les propriétaires du café-restaurant Seven qui m’ont demandé de les aider à concevoir leur carte. Les échanges se sont passés de manière si naturelle et agréable qu’elles m’ont très vite proposé de devenir leur cheffe. Un saut dans l’inconnu pour moi, mais aujourd’hui cela fait deux ans et je n’ai pas regretté cette décision un seul instant.» 

La jeune femme puise son inspiration notamment dans la cuisine scandinave contemporaine. Des plats simples qui font la part belle aux produits de saison et qui portent en même temps souvent une signature claire. «Parfois, je veux trop de choses sur l’assiette. La philosophie de la cuisine danoise m’inspire pour épurer et travailler de manière plus minimaliste.»

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Une approche qu’elle adopte aussi dans la présentation de ses assiettes. «J’aime commencer avec une base douce et onctueuse – une crème, du yaourt, du houmous, etc. – que l’on peut par exemple travailler en motifs avec le dos d’une cuillère. Dessus viennent les différents éléments de garniture et de structure, avec lesquels j’essaie de créer de la hauteur. En même temps, je suis souvent soucieuse de la palette de couleurs sur l’assiette. J’aime n’en utiliser que deux ou trois dans un plat. Le dressage vertical et l’utilisation des couleurs apportent de la profondeur et des contrastes. Des flocons d’avoine au curcuma bien vif, une dose de yaourt à la coco, de fines tranches de prunes et du granola avec des petites feuilles de menthe pour la finition.» 

Pour la touche finale, Olivia Behaegel a quelques produits fétiches. «J’aime utiliser de l’huile d’olive de qualité, des flocons de sel marin et des zestes de citron pour terminer une assiette. D’une part parce que ça relève le goût de l’ensemble, mais aussi pour l’aspect visuel. Un autre classique est l’utilisation de noix et de graines grillées. On a ainsi un supplément de croquant en bouche, mais aussi un joli détail sur l’assiette.»

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