Le renouveau du Beaujolais, au delà du primeur marketé

Louis-Benoît et Claude-Emmanuelle Desvignes et leur père, Louis Claude © AFP

Dans le Beaujolais, il n’y a pas que le Nouveau. Un message qui commence à imprimer grâce à des vignerons indépendants qui veulent casser les préjugés sur leurs vins, loin de la machine marketing du primeur.

« Ce nouvel âge d’or a commencé il y a une dizaine d’années, quand on a eu des jeunes repreneurs qui n’étaient pas des héritiers, qui ont une culture phénoménale du vin, parlent trois langues et ont envie de faire du vin respectueux du terroir », dans cette région du centre-est de la France, analyse Guillaume Baroin, journaliste et dégustateur pour la vénérable Revue du vin de France.

Isabelle Perraud, une vigneronne pétillante est de ceux-ci. Ambassadrice des vins nature, elle a dit adieu aux pesticides en 1998 quand son mari a perdu connaissance après la pulvérisation d’un insecticide.

Elle reconnaît que le Beaujolais a longtemps souffert « d’un complexe d’infériorité par rapport au Bourgogne » voisin. Et, qu’avec la mise en avant du « Beaujolais Nouveau » pendant des années, un vin bon marché, l’interprofession a fait « une grosse erreur de communication ».

Le renouveau du Beaujolais, au delà du primeur marketé
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Devenir chic

Résultat: beaucoup ne savent même pas qu’ici il y a dans ce vignoble douze appellations dont 10 crus de belle qualité comme le Moulin-à-vent, le Fleurie, le Chénas ou le Morgon. Avec un cépage emblématique: le gamay.

Dans ces crus du nord, beaucoup de domaines, la plupart indépendants, se battent collectivement pour faire mieux connaître leurs vins qui ont longtemps vécu dans l’ombre du primeur (le Beaujolais « Nouveau »).

C’est le cas des Desvignes, vignerons depuis huit générations. Louis-Benoît et Claude-Emmanuelle reçoivent dans leur cave voutée du XVIIe avec leur père, jamais loin. Elle, a toujours su qu’elle voulait reprendre le flambeau. Lui, a eu une phase « je rejette tout en bloc ». Il a d’abord étudié les arts appliqués et fait de la musique. Puis est revenu. Ils se souviennent de ces dimanches midis avec à table des vins du monde entier. « Voir ce qui se fait à l’extérieur, ça permet de savoir ce qu’est votre identité, ce qu’on veut dire », explique Louis-Benoît.

L’événement serait passé inaperçu en Bourgogne ou dans le Bordelais. Mais ici, c’est la première fois qu’un vigneron obtient cette distinction suprême

Aujourd’hui le domaine Louis Claude Desvignes est devenu un « phare mondial du Beaujolais », selon Guillaume Baroin qui vient de lui attribuer trois étoiles dans le guide vert des meilleurs vins de France, une référence dans le secteur. L’événement serait passé inaperçu en Bourgogne ou dans le Bordelais. Mais ici, c’est la première fois qu’un vigneron obtient cette distinction suprême.

Le renouveau du Beaujolais, au delà du primeur marketé
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Cette 3e étoile, c’est le fruit de la continuité, insistent le frère et la soeur, après une première décrochée par leur père en 1999, puis une deuxième en 2005. Elle est aussi le résultat d’une rupture majeure. Car en 2003, un an après avoir pris les rênes du domaine familial, la canicule sévit, avec des vendanges en août, un raisin à 15 degrés. « On n’avait jamais vu ça ». « Il a fallu s’adapter au changement climatique: on a tout remis au travail du sol », dit Louis-Benoît.

Herbes folles

Ils ont arrêté brutalement les herbicides, puis progressivement les pesticides. La transition a été difficile dans ces rangs serrés et pentus où, avec 10.000 pieds à l’hectare, rien n’est mécanisable.

Aujourd’hui, on reconnaît leurs vignes par les herbes folles qui colorent les rangs. « Pour nous la qualité a énormément gagné. Il y a un enracinement et donc plus de finesse », estime Louis-Benoît.

Une qualité déjà reconnue dans le monde puisque 60% de leur production part à l’export (Australie, Grande-Bretagne, Canada, …). Avec des prix accessibles: entre 13 et 36 euros la bouteille. « Ces trois étoiles font plaisir pour les 10% de vignerons qui valorisent leur vin dans le Beaujolais. Elles prouvent que ça bouge; on sent l’émulation. Il y a des gens qui se remettent beaucoup en question », se félicite Renaud Bodillard, coprésident de Bien Boire en Beaujolais, un salon réunissant 200 domaines indépendants.

Mais ces nouveaux visages ne doivent pas faire oublier tous ceux qui n’ont pas trouvé la parade au déclin du Beaujolais Nouveau. Certaines coopératives du sud du vignoble qui vendent en vrac ont des cuves pleines. Des parcelles sont à l’abandon. La mode du Beaujolais Nouveau est passée. Et pour ne rien arranger, la grêle s’est abattue dans la région cet été, réduisant les espoirs de récolte des vendanges en cours.

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