Le vigneron de Bourgogne qui s’était fait brasseur bio pour pallier les aléas de la météo

Ludovic Belin, viticulteur ET brasseur © Belga Image

Pendant plusieurs années, Ludovic Belin, viticulteur en Bourgogne, a subi de plein fouet les conséquences d’une météo peu clémente. Alors en 2016, il a rajouté une corde à son arc en se mettant à brasser de la bière bio, une diversification encore rare en France.

Depuis 2013 « j’ai eu beaucoup de petites récoltes, dues à la grêle. J’ai eu des moins 40%, moins 50%… », raconte ce viticulteur de 43 ans. En avril 2016, c’est le gel qui a anéanti 80% de sa production.

Attiré depuis longtemps par l’idée de faire de la bière, il s’est alors mis à brasser dès l’été, en parallèle de son activité viticole: il a fallu apprendre vite, mais « toutes les étapes de fermentation, le rôle des enzymes, tout ce qui était chimie, je connaissais par coeur », dit-il.

À quelques centaines de mètres de son domaine, il a converti une petite bâtisse en brasserie artisanale, perchée sur les hauteurs du village bourguignon de Pernand-Vergelesses, au nord de Beaune (centre-est de la France).

En face, le flanc de colline déroule les vignes du prestigieux Corton-Charlemagne, dont il possède quelques rangs. « Je voulais m’orienter vraiment sur du haut-de-gamme. À Pernand, on est sur des grands crus. Je n’allais pas m’orienter sur une bière qui ne me plaît pas », insiste M. Belin. « Une bière de vigneron, c’est toute l’expérience du viticulteur mise au profit du brasseur, au niveau de la fermentation, de la recherche d’arômes, de la profondeur en bouche », dit-il.

A la sortie, il produit une bière blonde « puissante, longue en bouche » ou une brune aux « notes de pain d’épices, de chocolat, de pain grillé ».

Un des pionniers

Avec précision, il prépare le malt de Belgique et le houblon de République tchèque qui entrent dans la recette de sa « pils de Bourgogne », l’une des six bières bio qu’il a conçues avec un maître brasseur belge.

Ce jour-là, Elliott et Léo-Paul, ses deux fils de 6 et 10 ans, lui prêtent main forte, ainsi que Laetitia Bornier, sa compagne de 46 ans, petite-fille d’un vigneron du village voisin.

Henri Darnat, un viticulteur de 52 ans basé à Meursault, à une quinzaine de kilomètres plus au sud, s’est lui aussi lancé sur le créneau de la bière bio depuis deux ans, en faisant fabriquer une bière vieillie en fûts de chêne par une brasserie de Vézelay. « Je voulais une bière qui se boive comme du vin, avec une minéralité, une tension et quelque chose de très léger », décrit-il.

Si le vieillissement de la bière en barriques de vin ou de spiritueux (whisky, calvados, etc.) est déjà assez tendance, Ludovic Belin est le premier de la région à brasser lui-même, parallèlement à son métier de viticulteur, selon le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB).

Les vignerons-brasseurs sont d’ailleurs rares en France. Un domaine viticole d’Amboise, près de Tours (centre-ouest), La Closerie de Chanteloup, s’est lancé en 2015, tandis qu’un vigneron vient de s’y mettre à Villié-Morgon, dans le Beaujolais (centre-est).

L’intérêt du Japon

À terme, la bière devrait représenter 15% de l’activité de Ludovic Belin, de quoi lui assurer une petite sécurité face aux aléas de la vigne. Son partenaire japonais, qui distribue d’habitude ses bouteilles de vin sur l’archipel nippon, a été son premier client. « Ça l’a tout de suite intéressé : l’argument d’un viticulteur bourguignon qui fait de la bière, c’était un argument très fort », explique-t-il. Il lui a expédié sa première commande vers l’Asie en octobre, quelque 2.000 bouteilles de 33 centilitres.

Le vigneron mise aussi sur une distribution locale, notamment sur les bonnes tables de Bourgogne, pour écouler les plus de 14.000 bouteilles qui seront sorties de sa microbrasserie fin mai. « Je vais commencer à commercialiser deux mois ou deux mois et demi » après avoir commencé à brasser, précise-t-il.

Un temps court qui fait figure de « miracle » pour le vigneron comparé à la viticulture, dit-il. Car « pour faire du vin, entre le moment où on taille une vigne et la commercialisation de la bouteille, il se passe pratiquement deux ans et demi, dans le meilleur des cas. »

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