Le whisky, nectar en vogue

Jesse den Dulk, barman au Jigger's à Gand, une adresses branchée pour déguster le whisky © Jan Vandevyver

En matière de spiritueux aussi, les tendances vont et viennent. C’est désormais au tour de cette eau-de-vie issue de la distillation de céréales, maltées ou non, de jouer des coudes au comptoir. Pour le plaisir des gentlemans… et des ladys.

Finie l’image de breuvage vieillot dégusté dans les salons huppés et les clubs élitistes de fumeurs de cigares. Surfant sur l’attrait des jeunes et moins jeunes pour les spiritueux et le succès incontestable du gin tonic qui a ouvert la voie au renouveau des cocktails, le whisky est de plus en plus prisé. Hannah Van Ongevalle (27 ans), la jeune et charismatique patronne du bar à cocktails knokkois The Pharmacy, participe activement à redorer le blason de cet alcool. « De tous, c’est certainement celui qui possède le plus de classe, estime-t-elle. Il me donne un sentiment de chaleur et son goût est complexe. L’histoire et les anecdotes qui l’entourent me fascinent également : la façon de le distiller, le bois de la barrique dans lequel il atteint la maturité et la durée de cette étape de fabrication sont trois facteurs déterminants pour la saveur finale. Derrière un produit de qualité, il y a des opérations fastidieuses. L’expérience et les connaissances sont donc très importantes. » Le frère d’Hannah, Ran (22 ans), qui travaille également dans l’établissement branché de la Côte belge, ne peut qu’approuver : « Il existe énormément de variétés ; il est presque impossible de ne pas en trouver une qui vous corresponde. Il y a des versions plus fruitées et fumées et d’autres plus douces (Speyside) ou tourbées (Islay). Cette boisson a entièrement sa place dans un cocktail.  »

Arrivée douzième – sur 6 000 participants issus du monde entier – lors de la dernière édition du concours renommé World Class, s’adressant aux mixologistes, Hannah Van Ongevalle s’est donné pour mission de rendre le whisky plus populaire auprès des femmes. « Lorsque l’une d’elles me dit qu’elle n’aime pas ça, je lui propose toujours de tester un cocktail préparé avec cette base et de me le rendre si elle ne l’apprécie pas. Croyez-moi, cela n’arrive quasiment jamais », raconte la barmaid, précisant toutefois que les clichés ont la vie dure. « Si je porte une robe et des talons hauts, tout le monde s’imagine que je vais commander un mélange fruité. Mais, en réalité, ce que je préfère, c’est un whisky corsé ! »

Sous-estimer les dames en tant qu’amatrices de ce doux nectar venu d’outre-Manche n’est pas le genre de Bert Bruyneel. Selon ce fin connaisseur qui, à 38 ans, a testé des « milliers  » de variétés selon ses dires, les femmes connaîtraient même mieux ce spiritueux que les hommes. « Leurs sens sont plus affinés que les nôtres. Lors de dégustations, elles identifient généralement beaucoup mieux les arômes présents que leurs congénères masculins. Il existe une explication biologique à cela : déjà à l’époque primitive, les mères goûtaient la nourriture de leur progéniture, afin de juger s’il était bon de la leur donner. »

QU’IMPORTE L’ÂGE

De son côté, Jesse den Dulk (28 ans), mixologiste chez Jigger’s, un bar à cocktails hype de Gand, estime qu’il ne s’agit pas d’une question de sexe. « Soit une marque plaît, soit elle ne plaît pas, tout simplement. » Pour lui, ce qui refroidit encore certaines personnes, surtout les jeunes, ce sont les préjugés qui entourent la dégustation de ce breuvage et sont véhiculés par de prétendus spécialistes. « Il y en a toujours pour clamer haut et fort qu’ils boivent du single malt et qu’il ne faut en aucun cas y ajouter de l’eau ou des glaçons. Il n’est pas rare qu’un client s’offusque si je lui propose de mettre un Talisker – un single malt légendaire, à la saveur fumée, de l’île écossaise de Skye – dans un cocktail. Alors que c’est excellent. »

Une opinion partagée par Bert Bruyneel, qui a été membre, pendant cinq ans, de la célèbre communauté des Malt Maniacs, et qui a ensuite créé son propre club et label. « Beaucoup considèrent qu’il s’agit d’un alcool pour hommes âgés. Mais si de jeunes pros parviennent à faire entendre leur opinion, un changement est sans doute possible », se réjouit-il.

Une envie de renouveau qui anime également Joanne Brown (28 ans), ambassadrice de la légendaire distillerie Bruichladdich. Sa devise ? « Buvez du whisky comme vous en avez envie. » Et de préciser qu’à Londres, leur Port Charlotte est utilisé depuis cinq ans dans des cocktails Old Fashioned et Bloody Mary. « Ça rend ce spiritueux plus accessible aux débutants car il est présenté de façon légère et amusante », commente- t-elle. Bien que les inconditionnels de malts traditionnels restent le groupe cible le plus important de cette entreprise, elle essaie également de toucher la génération montante. « Notre marque ne se concentre pas sur le caractère écossais nostalgique. Dans nos publicités, on ne voit pas de motifs tartan, de cornemuse ou de cerf au sommet d’une colline. Chez nous, il s’agit de passionnés réalisant du vrai whisky et cela parle aux jeunes. Ils sont fascinés par l’origine organique de notre produit. »

C’est que le whisky s’inscrit dans une idéologie « slow » face à notre monde ultraconnecté : cet artisanat se transmet de génération en génération, la distillation se fait le plus souvent à l’aide de machines datant de l’avant-guerre et la maturation demande beaucoup de temps. Et Hannah Van Ongevalle de conclure : « J’aime l’idée que le whisky gagne en popularité, pour autant qu’il n’emprunte pas le même chemin que le gin. Il ne faut pas en commander un verre juste pour être branché. L’important est d’avoir conscience que l’on goûte à quelque chose de particulier et de complexe. »

Par Dieter Moeyaert

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