« Les Chinois ont été les sauveurs du Bordeaux », rencontre avec le belge Kris Couvent

© Kris Couvent

La vie de Kris Couvent est entièrement dédiée au Bordeaux: le Belge est négociant en vins, importateur de vins et viticulteur, l’un des seuls en Belgique à combiner les trois métiers.

Huis Vossen – Alfred Algoetstraat 2b – 1750 Lennik; www.huisvossen.be; info@huisvossen.be



La vie de Kris Couvent est entièrement dédiée au Bordeaux: le Belge est négociant en vins, importateur de vins et viticulteur, l’un des seuls en Belgique à combiner les trois métiers. Le spécialiste en vin exerce tous les aspects de sa profession avec brio. Son propre vin de Bordeaux a été récompensé plusieurs fois, il a réussi à élever le vin au rang d’art pur et son commerce de vins, la Maison Vossen, fêtera ses 155 ans en 2014. Kris Couvent fascine tant comme homme que comme connaisseur de vin.

Kris Couvent a hérité son amour du vin de Bordeaux de ses parents. Cet amour s’est mué en véritable passion. « Mais la passion seule ne suffit pas à réaliser du vin » explique Kris. « Aujourd’hui, les connaissances et les techniques sont aussi importantes pour un vin pur et durable. L’époque où l’on piétinait les raisins et où les vignerons étaient accoutrés d’un bonnet de laine et d’un bâton de marche est révolue depuis longtemps ».

Entretien avec Kris Couvent sur la réalisation et la mise sur le marché du vin, sa passion et ses rêves. Nous avons rendez-vous dans la maison Vossen, le commerce de vins de Kris Couvent à Lennik. La maison fait penser aux châteaux du Bordelais. À l’intérieur, les bouteilles de Bordeaux occupent deux pièces spacieuses, de bois recouvertes. L’ambiance rappelle le siècle passé.

Kris Couvent, aimable et détendue, nous accueille une liasse de documents sur le Bordelais sous le bras. Il a acheté son domaine baptisé Château Pabus dans la région Sadirac-Bordeaux en 2003. Depuis son achat, Couvent fait la navette entre les vignobles bordelais et son domicile à Sint-Kwintens-Lennik, où se situe son commerce de vin Vossen. Les yeux pleins d’étoiles, Kris Couvent nous parle de sa passion pour le vin.

Vous êtes un homme de Bordeaux de corps et âme. Pourquoi cette région viticole française vous passionne-t-elle autant ?

« Je suis arrivé automatiquement dans la profession. Enfant, j’allais régulièrement avec mes parents en vacances dans cette région. J’y ai aussi étudié l’oenologie et j’ai suivi des stages dans différents domaines bordelais. Par exemple, lors de mes études à l’université de Bordeaux, je logeais au Château Lamothe de Haux. J’y étais comme chez moi. En outre, la Maison Vossen a toujours été spécialisée en vins de Bordeaux. Il serait étrange de commencer tout à coup à importer du vin sud-africain ou australien et de changer le concept de la maison. Ils feraient une drôle de tête ici. Non, mon avenir était et est à Bordeaux. Et mon coeur aussi.(…) Et au fond de moi, je pense que le Bordeaux est du goût de nombreux Belges. En tant que commerçant en vin, je constate que le Belge s’éloigne des vins du monde et choisit à nouveau les vins français et les Bordeaux en particulier. Le Bordeaux est à nouveau tendance. »

« Je ne suis viticulteur que depuis une dizaine d’années. J’ai d’ailleurs réfléchi longtemps avant de prendre cette décision. Faire du vin n’est pas très difficile. Par contre faire du bon vin est terriblement difficile, et le vendre encore beaucoup plus. Les viticulteurs se voient entre eux et régulièrement je rencontre des collègues débutants qui s’imaginent que le monde entier va boire leur vin. La meilleure stratégie est de se dire que personne ne vous attend, ni vous ni votre vin, et de donner le meilleur de vous-même. C’est du moins ce que j’ai fait. Je reste un étranger pour mes collègues bordelais, mais je suis respecté. »

Le Bordelais est une région vaste et vous y produisez du vin sur une toute petite partie du territoire. Qu’est-ce qui distingue votre vin de celui de vos pairs? « Je ne dirai pas que nous faisons du meilleur vin que les autres vignerons. La distinction réside dans la passion avec laquelle mon équipe et moi-même faisons du vin. Nous associons cette passion à une qualité durable et de goût. Je suis persuadé que c’est faisable en région bordelaise. Ici, les domaines ne sont pas aussi gigantesques que dans d’autres régions viticoles françaises ou étrangères. »

« Quand on sait que chaque vigne doit être touchée sept fois par la main de l’homme, qu’il y a 6.000 vignes sur un hectare à multiplier par le nombre d’hectares, le calcul de travail annuel est vite fait. Pour avoir de la qualité, je trouve que le domaine doit rester petit et contrôlable. Par ailleurs, des hectares supplémentaires ne nous rendraient pas plus heureux, mon équipe, ma famille et moi. C’est un dur labeur du matin au soir (…) Selon un proverbe français, un vigneron ne peut devenir millionnaire qu’en commençant comme milliardaire. Cela en dit long. »

Qui est le viticulteur d’aujourd’hui ? « Faire du vin est devenu une science et on ne peut plus avoir la prétention de tout savoir et de tout connaître. J’ai moi-même étudié l’oenologie et en théorie je devrais être un maître de la fabrication du vin. Et pourtant je me sens tout petit lorsque l’oenologue me donne des conseils sur mon domaine. Les gens qui font le meilleur vin sont entourés par les meilleurs consultants. Et cela vaut de l’encépagement à la distribution du vin. »

« C’est dommage, mais nous avons un peu perdu le lien avec la nature. Faire du vin est devenu de plus en plus difficile et beaucoup d’entre nous ne savent pas se permettre de perdre une année. La technique et le savoir-faire sont primordiaux. Aussi grave que cela puisse paraître, la passion et l’observation du soleil ne suffit plus. »

Arrivez-vous à cerner les préférences du consommateur en matière de vins de Bordeaux ? « Ces dernières années, les Bordeaux rouges perdent un peu de terrain partout, mais cette perte est compensée par le rosé qui fonctionne très bien (…) Ce que certaines personnes ne savent pas, c’est que le Bordelais, contrairement à d’autres régions viticoles, permet de produire un très bon vin estival du nom de clairet. Il s’agit d’un vin oscillant entre le rouge et le rosé populaire en Belgique. Il a un goût fruité et présente une robe framboise. Et puis il y a les bulles qui marchent très bien. Nous en produisons deux : L’Esprit Couvent Les Bulles et L’Esprit Couvent La Réserve Cuvée Andrea. »

« Regarder et écouter le consommateur est le meilleur avis que je puisse donner. Je l’applique aussi. Il faut juste que le consommateur voie le revers de la médaille. Il doit être prêt à payer un peu plus pour un bon vin durable de qualité. À la demande du consommateur, le vin n’a jamais été aussi pur qu’aujourd’hui. Tout comme de nombreux collègues, nous n’utilisons pas d’herbicides et faisons tout à la main. Cette méthode a son prix. »

Certains vins que vous mettez sur le marché vous-même portent le nom de vos enfants. Et ceux qui n’ont pas été nommés d’après vos enfants ont une consonance originale. Ainsi il y a une Cuvée Bent Van Looy et L’Esprit Couvent 100 PURCENT. Chacun de vos vins a-t-il une histoire ? « Même s’ils sont encore très jeunes, mes enfants sont très impliqués dans ce que je fais. Comme je peux difficilement donner le nom de mon domaine à tous mes vins, j’ai voulu y ajouter le nom de mes enfants. Ils voient ma passion tous les jours et cela me permet de les associer à mon histoire. Ainsi, j’ai une Cuvée Charlotte, une Cuvée Matisse et une Cuvée Andrea. (…) Comme j’ai plus de vins que d’enfants, je cherche d’autres façons de mettre mes vins sur le marché de façon originale. Je me suis inspiré du monde artistique et de mon ami Hildo Leroy. Il a collaboré à la création d’une étiquette pour mon vin rouge composé de cent pour cent de raisins Merlot. Le nom du vin est un jeu de mots : L’Esprit Couvent 100 PURCENT.

« J’ai également impliqué Bent Van Looy, le chanteur de Das Pop, dans mon projet viticole. Il a prêté son nom à un vin blanc croustillant, L’Esprit Couvent Blanc Cuvée Bent Van Looy, et a créé l’étiquette. Van Looy s’y connaît très bien en vin. Régulièrement, il retrousse les manches pour son propre vin. Il vient régulièrement au domaine viticole où il détermine lui-même le style de son vin et participe à l’assemblage. »

« Nous mettons la barre très haut. Pour moi, le vin est de l’art et donc je trouve le contenu aussi important que le contenant. Le plaisir des yeux compte aussi. D’ailleurs, chaque vin a son poème. »

Que faites-vous en cas de mauvaise année? Y a-t-il moyen de retomber sur ses pattes ?

« Honnêtement, en dix ans de profession, je n’ai jamais eu de mauvaise année viticole. C’est lié au fait que la production du vin, comme je l’ai indiqué, est devenue très technique. Les maladies sont décelées plus vite qu’à l’époque. Il n’y a que la météo sur lequel on n’a pas d’emprise. Mais cela fait partie des risques du métier. On sait que le mauvais temps peut détruire une récolte.(…) 2013 sera probablement une année difficile à cause du printemps. C’est une année très hétérogène. Mais elle pourrait s’avérer une très grande année, sauf que le volume sera moins grand. »

Êtes-vous différent en tant que négociant en vins qu’en tant que vigneron ?

« Oui. Il faut que je fasse très attention à ne pas représenter uniquement les vins de notre domaine. Une tentation que j’ai dû désapprendre. J’ai également dû apprendre à me maîtriser lorsqu’un client me dit par exemple que la Cuvée Charlotte goûte le vinaigre alors qu’elle a été élue Meilleur Bordeaux blanc 2012. »

« Comme négociant en vins, je distribue à peu près 950 vins, je représente environ 35 établissements viticoles et je tiens à ce que cela se passe honnêtement, correctement et au goût de chacun ».

Votre passion du vin vous accompagne-t-elle au restaurant et en vacances ?

« Très certainement. Au restaurant je peux me montrer assez sévère. En vacances aussi, j’emmène ma passion du vin. Aux sports d’hiver par exemple, je skie une demi-journée, le reste du temps j’explore les établissements viticoles de la région. Pour découvrir des nouvelles choses, pour goûter. »

Les Chinois sont-ils aussi nombreux à Bordeaux qu’on le dit ?

« Oui, on savait que les Chinois finiraient bien atterrir un jour. Pour l’instant, les Belges sont les plus grands investisseurs avec 48 domaines viticoles. Les Chinois possèdent presque autant de domaines et dépasseront ce chiffre dans cinq ans environ. »

« Les Bordelais voient l’invasion des Chinois d’un mauvais oeil. Contrairement aux Belges, ils ne s’adaptent pas à la culture française. Ils ferment leurs portes et envoient leur production intégrale en Chine. Nous le faisons aussi, mais de façon moins directe. Et pour être tout à fait honnête, la Chine a conjuré la crise dans les Bordeaux. Les Chinois ont été les sauveurs du Bordeaux. »

Quelles sont vos ambitions ? Et avez-vous un objectif pour votre domaine viticole ?

« Dans un avenir lointain, je ne veux plus faire que du vin haut de gamme. Et là, je pense automatiquement à notre L’Esprit Couvent 100 PURCENT. Ce ne sera pas possible à 100 %. Il y aura toujours un deuxième et troisième vin sur le marché. Mais nous aspirons toujours à la qualité. »

Vous avez votre propre vin, vous avez clairement du talent en matière de management et de vente. N’avez-vous pas envie d’ouvrir un restaurant ?

« Je rêve depuis des années d’ouvrir un restaurant à Lennik. Je n’en ai pas le temps moi-même, mais le jour où quelqu’un souhaite s’y engager, il ou elle peut venir me voir. »

Merci pour cette conversation très agréable Kris. Je vous souhaite une bonne année vin !

Les vins L’ Esprit Couvent:

1. L’ Esprit Couvent 100 PURCENT:

Encépagement: 100% Merlot

Terroir : argilo-limoneux

Vinification : Vendanges à la main en cagettes. Eraflage manuel et encuvage par gravité sans foulage en petites cuves bois. Macération pré- fermentaire. Pigeages manuels.

Alcool : 14.5%

Production : 2.100 bouteilles

Conservation : 15 à 20 ans suivant les millésimes.

Consommation : s’accorde avec les viandes relevées et le gibier.

2. L’ Esprit Couvent Rouge Confiance Cuvée Matisse:

Encépagement : 70% Merlot et 30% Cabernet Sauvignon

Terroir : Argilo-limoneux

Vinification : Ecoulage direct en barriques neuves de chêne français pour la fermentation malolactique et élevage pendant 12 mois en barriques dont 6 mois d’élevage sur lie avec oxygénations régulières.

Alcool : 12.9%

Production : 6.000 bouteilles

Conservation : 12 à 17 ans suivant les millésimes

Notes de dégustation : Une couleur rouge rubis et aux arômes de fruits rouges (framboise, cassis). Joli boisé très fondu.

3. L’ Esprit Couvent Rouge:

Encépagement : 70% Merlot et 30% Cabernet Sauvignon

Terroir : Argilo-limoneux

Vinification : Ecoulage direct en barriques chêne français et élevage pendant 12 mois en barriques dont 6 mois d’élevage sur lie avec oxygénations régulières.

Alcool : 13.00%

Production : 12.000 bouteilles

Conservation : 10 à 12 ans suivant les millésimes.

Consommation : s’accorde avec les viandes rouges, gibiers et fromages.

Notes de dégustation : Robe profonde. Nez tout à la fois fruité, framboise et cassis, mais aussi épicé, fumé en vanillé. Attaque progressivement fruitée, charnue. Bouche généreuse, au boisé un peu dominant, mais d’excellente qualité. Finale assez gourmande et fort agréable.

4. L’ Esprit Couvent Blanc Cuvée Bent Van Looy:

Encépagement : Sauvignon Blanc, Sauvignon Gris et Semillon.

Terroir : Argilo-limoneux-graves

Vinification : vendange des raisins à maturation complète. Macération pelliculaire suivie de la fermentation pendant 20 jours.

Alcool : 12.50%

Production : 13.600 bouteilles

Conservation : 2 à 3 ans suivant les millésimes.

Consommation : s’accorde avec les huîtres, poisson

Notes de dégustation : agrumes, pamplemousse et quelques notes exotiques

5. L’ Esprit Couvent Blanc PUR Blanc Cuvée Charlotte:

Encépagement : Sauvignon Blanc, Sauvignon Gris et Semillon.

Terroir : Argilo-limoneux-graves

Vinification : vendange des raisins à maturation complète.

Alcool : 12.50%

Production : 3.000 bouteilles

Conservation : 3 à 4 ans suivant les millésimes.

Consommation : s’accorde avec les poissons en sauce, viande blanche, fromages

Notes de dégustation : toasté, gourmand, pêche avec une finale exotique

6. L’ Esprit Couvent La Réserve Cuvée Andrea (mousseux):

Encépagement : sémillon/ sauvignon blanc

Vinification : méthode traditionnelle

Appellation :Crémant de Bordeaux

Couleur : jaune avec une nuance de verte

Bouquet : arômes épicés de pomme et poire, avec des touches minérales.

Goût : goût puissant, bien sec avec des notes de pomme verte. Parfait comme apéritif.

7. L’ Esprit Couvent Les Bulles (mousseux):

Encépagement : Merlot et Cabernet Franc

Vinification : Méthode Traditionnelle

Appellation : Crémant de Bordeaux

Couleur : Saumon, peu d’éclat.

Bouquet : Commence agréable et expressif avec des beaux arômes de framboise et de fraise et un souffle de feuilles de thé.

Goût : Un délicat équilibre entre fruit et acidité, particulièrement juteuse et une longueur suffisante.

8. L’ Esprit Couvent Clairet:

Cépages : 70% Merlot et 30% Cabernet Sauvignon

Vinification : Produit en prenant 15% de jus des cuves destiné au vin rouge après 24 ou 48 heures de macération. La fermentation se fait ensuite à basse température.

Production : 3000 bouteilles

Alcool : 12.00%

Préservation : 2 à 3 ans

Dégustation : Avec des couleurs plus intenses qu’un rosé traditionnel le Cabernet Sauvignon et le Merlot donnent le vin beaucoup d’arômes de cerises et fraises. Long et riche en bouche.

Boire avec : Un vin d’été, mais aussi plaisant à tout moment de l’année ce vin est parfait comme apéritif ou chez des plats exotiques ou de la viande grillée.

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