L’estomac sur pattes à Quiberon: Le Petit Hôtel du Grand Large

© MV

Où il est question d’Hervé Bourdon, un chef qui pratique une bouleversante cuisine du littoral et du large. Le poisson comme jamais.

Au Petit Hôtel du Grand Large, l’océan est derrière la fenêtre. Avec son double bleuté, l’horizon, il prend toute la place. Cette proximité avec l’immense rend plutôt modeste. La meilleure preuve de cette humilité des confins, c’est Hervé Bourdon qui la donne.

Autodidacte arrivé derrière les fourneaux pas passion, il ne la ramène pas : au contraire, Bourdon n’est jamais autant à l’aise que quand il peut s’effacer derrière ses créations – il est quasi impossible de l’attirer en salle. Son travail fait l’unanimité. Il lui a d’ailleurs valu une étoile en peu de temps. Loin de ce cette reconnaissance officielle, ce que je retiens de la cuisine d’Hervé Bourdon c’est qu’elle fait corps avec le terroir qui la porte, la Bretagne, plus particulièrement le Morbihan. Un mérite que le géant de Portivy n’est pas du genre à s’attribuer en solo.

Les murs de son restaurant font place à un panthéon photographique en forme de manifeste. Ils sont là les gars du terroir auquel il doit les matériaux bruts qui constituent sa matière première. A l’andouille, c’est Eric Termet, génie de la tripe ; aux légumes, c’est Jean-Yves Levisage, puriste du végétal; au poisson, c’est Gilles Jégo, insomniaque de la fraîcheur. Il y en a d’autres, plein. Hors venu (de Paris), Hervé Bourdon a compris tout le potentiel d’expressivité gustative enfoui dans ces perles du terroir travaillées par les hommes du cru.

Du coup son travail à lui, c’est d’alchimiser au plus juste du produit. Lors d’une récente visite, on a pu prendre toute la mesure du talent à travers le menu à 45 euros. En entrée ? Des « huîtres pochées puis « hypodermisées » au champagne, crème de chou-fleur, quelques algues » plongent le convive « in media res ». Gare aux embruns, l’iode n’est pas ici qu’une note plaisante, c’est carrément une dimension du plat. On fait à peine surface et le plat remet la tête sous l’eau. Un « poisson selon la pêche, dans un bouillon dashi, radis noir, topinambour et shiitake ».

Un poisson sans autre précision ? Oui… ne pas annoncer la couleur du poisson est une des signatures de la maison. Le but de la manoeuvre est d’écarter les a priori quant à la distinction poissons nobles et poissons de « bas étage ». La nature de celui-ci n’est révélée qu’à la fin, comme un vin dégusté à l’aveugle. Cette fois, il s’agissait de lieu jaune de ligne, une vraie merveille en bouche qui invite à se poser la question suivante : avait-on déjà mangé du poisson avant ceci ? D’autant plus que la darne épouse à la perfection les contours asiatiques du bouillon que dynamisent les rondelles de radis et les billes de topinambour.

Un grand moment que l’on accompagne – conformément aux recommandations pleines d’esprit de Catherine Bourdon – d’un blanc italien totalement atypique : le Bianco dei Muni, Bianco del Veneto IGT, 2009. Une tuerie issue d’un assemblage chardonnay – durello qui envoie des notes animales, fumées, presque de salaisons. On termine cette communion quasi insulaire par un dessert à se damner, soit une « Pomme de Missillac en tarte fine Numerus Clausus, sorbet lait ribot à l’eau de rose ».

Numerus Clausus ? Il n’y a que 3 tartes par service, mieux vaut prendre une option dès la commande. Cette tuerie s’accommode à la perfection de l’excellent cidre à l’ancienne du Domaine de Kervéguen et, in fine, d’un café culte, celui de Gianni Frasi. Le silence qui suit ce repas exceptionnel en dit long… c’est encore du Bourdon.

MV

11, quai de Saint-Ivy, à Portivy, 56510 Saint-Pierre-de-Quiberon. Tous les jours, de 12h30 à 13h30 et de 19h30 à 21h (sauf dimanche hors vacances scolaires), fermé mardi (sauf le soir pendant les vacances scolaires). www.lepetithoteldugrandlarge.fr

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