Méert, histoire de sa majesté la gaufre

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Un livre lui rend hommage et en dévoile enfin la recette… Quand la spécialité de l’enseigne lilloise part à la conquête du monde.

Coffret Méert depuis 1761, aux éditions du Chêne. Une histoire de gourmandise, par Geoffroy Deffrennes et Véra Dupuis, photos Jean-François Mallet, 95 pages
Gaufres & autres délice, par Corinne Vanmerris, photos Jean-François Mallet, 191 pages.

Méert, 27, rue Esquermoise, à Lille. www.meert.fr

Epaisse et plutôt populaire, on cuisait, au Moyen Age, sa pâte briochée dans des moules à hostie pour la déguster au tout début du carnaval. En la fourrant de beurre et de vanille, Méert en fit un dessert bourgeois, qu’on achète en sortant de la messe.

Ceux qui ne l’engloutissent pas compulsivement la dégustent en dessert, ou bien trempée dans leur café, ou un thé non fumé (caravane ou « goût russe »)… Moins portée sur les calories, notre époque l’aime en format mini (un tiers de la grande) et avec des fourrages variés (rhum-raisins, par exemple), qui peuvent être éphé-Méert (sic).

De Gaulle, Marguerite Yourcenar, Martine Aubry… la gaufre Méert, dont raffolaient Churchill et Guimard, a fédéré les nordistes de toutes obédiences. On vient à Lille se faire adouber par le club. Et on se fait happer par un univers parallèle, digne des palais magiques de Little Nemo.

En écho aux cartouches, macarons et autres « pâtisseries » décorant les maisonnettes en brique du Vieux-Lille, brioches, spéculoos et « merveilleux » (meringue lilloise garnie de crème et de pistaches) font la fête chez Méert, dans la chic rue Esquermoise. Du haut de ses vitrines chaussées de marbre et longues de 20 mètres, adossées au restaurant et au salon de thé Louis XVI, trois siècles de plaisirs et d’amour partagé vous contemplent. Le décor intérieur est terriblement plantureux.

Conçue avec lyrisme par le futur auteur de l’Opéra de Lille, cette élégante bonbonnière mixe cabinet de curiosités et palais néobyzantin, carrelage or et boiseries sombres, lustre de Murano et vitraux délicats, plafonds peints et cariatides, sans oublier les bustes de clients célèbres (l’égyptologue Mariette, qui fonda le musée du Caire).

Dans ce théâtre de la gourmandise, inspiré, dit-on, par le Caffè Greco de Rome, « de jolies boîtes aux cartons soignés, des confitures de toutes les couleurs, de beaux objets à offrir, la typographie choisie, tout sent la joie et l’excellence, et la délicatesse du passé », s’enthousiasme Vera Dupuis, qui a supervisé le livre.

On imagine l’aura de cette institution il y a trois demi-siècles, quand Méert, déjà confiseur, liquoriste et glacier, employait 200 personnes, régalait les têtes couronnées, se faisait médailler à l’Expo universelle et livrait en fiacre ses gaufrettes, emballées dans du zinc soudé, aux fières dames en chapeau à plumes. Méert a complété sa surréaliste collection de moules à gaufres avec des pièces chinées par André Breton en personne.

Assise sur une montagne d’archives, l’auteur a pisté sa généalogie jusqu’en 1765, année où MM. Delecour et Rollez ouvrent boutique ici même, déclenchant un concert de louanges en alexandrins (« De tes glaces, ami, la saveur parfumée… »). Dix générations plus tard, c’est en patois ch’ti que Dany Boon se lâche: « Ouh, que ché bon. »

Jacques Brunel

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