Menacé par une pêche excessive, le sort du thon obèse est sur le point de se jouer

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Onze ans après la mise en place de quotas de pêche drastiques qui ont permis de sauver le thon rouge, une autre espèce est aujourd’hui menacée: le thon obèse (ou patudo), dont le destin se jouera dans les semaines à venir.

Apprécié en sashimi au Japon ou simplement vendu en boîte dans les supermarchés du monde entier, ce thon tropical, qu’on ne peut pas élever, représente un enjeu de plusieurs milliards d’euros pour l’industrie.

Mais selon un rapport de scientifiques missionnées par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (Cicta), sa population mondiale est tombée à seulement 20% de son niveau historique.

La solution selon eux? Réduire drastiquement le niveau de pêche, faute de quoi le stock risque de s’effondrer d’ici dix ou vingt ans. Le niveau actuel est supérieur de 60% à celui qui pourrait permettre au thon obèse de reconstituer de façon durable des stocks déjà trop faibles.

« Pour résumer ça simplement: il y a trop de bateaux et pas assez de poissons », explique à l’AFP Paulus Tak, de l’ONG Pew Charitable Trusts. Il assistera en novembre, en tant qu’observateur, à une réunion de la Cicta lors de laquelle les quotas actuels seront soit renouvelés, soit révisés.

Une séance préparatoire aura lieu la semaine prochaine à Madrid. C’est là que la Cicta, organisation intergouvernementale qui négocie des accords contraignants avec les pays signataires, arrêtera ses recommandations.

On trouve le thon obèse (Thunnus obesus) dans l’Atlantique, le Pacifique et l’Océan indien. Il n’y en a pas en Méditerranée. Il vit dans des eaux plus profondes que d’autres espèces de thons tropicaux, dont le plus connu est l’albacore.

En novembre, son sort dépendra largement du Japon et de l’Union européenne: à eux deux, ils représentent la moitié des 80.000 tonnes pêchées l’an passé.

« S’ils viennent autour de la table avec la volonté de trouver une solution, on peut y arriver », veut croire M. Tak. « Mais s’ils jouent la montre ou font des choix qui n’offrent pas au thon obèse une chance raisonnable de s’en sortir, les stocks continueront à décliner ».

Milliers de hameçons

C’est ce qui était arrivé en 2015, date à laquelle il avait été montré pour la première fois que l’espèce était en danger.

A l’époque, malgré les avertissements des scientifiques, les pays avaient fixé des niveaux de pêche qui n’offraient au poisson qu’une petite chance de reconstituer ses stocks sur une période de dix ans. « Non seulement ce processus ne s’est pas enclenché, mais les choses se sont aggravées », déplore Grantly Galland, scientifique de Pew qui a participé à la rédaction du rapport.

Les experts estiment qu’abaisser les prises à 50.000 tonnes par an offrirait au thon obèse 70% de chances de reconstituer ses stocks d’ici 2028.

Comment concilier la préservation d’une espèce et les impératifs commerciaux de toute une industrie? La Cicta a déjà affronté ce casse-tête en 2007.

La perspective de voir l’une des trois espèces de thon rouge (Thunnus thynnus) ajoutée à la liste de l’ONU des espèces menacées l’avait contrainte à instaurer un quota de pêche et de strictes mesures de contrôle sur 15 ans dans l’Atlantique-Est et en Méditerranée.

Depuis, le stock a commencé à se reconstituer, même si un relèvement des quotas en 2014 a suscité l’inquiétude des défenseurs de l’environnement.

Dans le cas du thon obèse, certains réclament d’imposer des restrictions aux bateaux européens (principalement espagnols) qui attrapent des centaines de poissons dans leurs filets dérivants.

Également au banc des accusés, les palangriers japonais ou taïwanais, qui traînent d’immenses lignes garnies de centaines, voire de milliers de hameçons.

Enfin, les experts pointent une pratique pourtant légale pratiquée par des navires venant de grandes nations de pêche, particulièrement l’Espagne. Ils changent leur pavillon au profit de ceux de pays en voie de développement qui, eux, ne sont pas soumis à des quotas.

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