Notre mode d’emploi pour marier au mieux mets et vins
Les accords mets-vin sont souvent élévés au rang d’art. Mais requièrent-ils vraiment un talent particulier? Les possibilités sont en tout cas plus nombreuses qu’il n’y paraît. La preuve avec ces 5 règles d’or.
Blanc pour le poisson, rouge pour la viande. Longtemps, ces principes ont dominé le monde de l’accord mets-vins. Mais la viticulture et la gastronomie ont évolué, et le champ des possibles s’est agrandi. Le vin rouge n’est plus aussi tannique qu’avant, notamment grâce à l’invention de l’égrappoir qui permet de séparer les raisins de la rafle – qui contient le plus de tannins. Vin rouge et poisson ne sont donc plus ennemis.
La gastronomie aussi a changé. On déguste aujourd’hui des préparations plus légères, même celles à base de bidoche. Ainsi la volaille et la viande blanche comme le veau et le porc s’accompagnent parfaitement de vin blanc, à condition que celui-ci soit puissant.
Les chefs redoublent également de créativité: poisson et viande se retrouvent dans la même assiette, tout comme les différentes cultures, et les légumes et les épices gagnent du terrain.
Aujourd’hui, nous mangeons des ingrédients venant des quatre coins du monde, et non plus d’une unique région, qui n’est pas toujours viticole. Et nous buvons des vins de pays où la gastronomie n’est pas une tradition nationale. Notre cadre de référence, principalement français, s’en retrouve bouleversé. Nous pouvons passer des heures à pinailler sur quel vin associer à quel plat, car en réalité, les combinaisons sont multiples. Mais comment s’y retrouver parmi toutes ces possibilités? Voici cinq règles d’or pour réussir ses mariages.
1. La règle de la région
L’association mets et vins repose sur des traditions régionales ancestrales, datant de l’époque où la mondialisation n’existait pas. Les habitants d’une région consommaient des produits et du vin locaux. Aujourd’hui, ce principe de combinaison par région est toujours utilisé, la plupart du temps inconsciemment, car manger et boire est souvent une question d’émotions, de souvenirs, de nostalgie et de traditions.
Le comté et le vin jaune viennent tous deux du Jura, par exemple. Le crottin de Chavignol et le Sancerre sont un fromage de chèvre et un vin originaires de la même région bordant la Loire. Le Muscadet, produit non loin de l’océan Atlantique, est conseillé avec des moules et des huîtres. Un grand cru classé venant de Pauillac, dans le Médoc, sera souvent associé à de l’agneau, dont il existe une variété. Le confit de canard et le cassoulet sont des recettes typiques du sud-ouest de la France et sont servis avec du Madiran, la fierté régionale. En Alsace, le Gewürztraminer est le vin parfait pour accompagner le munster alsacien. Et quel vin s’accorde-t-il mieux avec les pâtes à la sauce tomate qu’un Sangiovese italien?
La célèbre association vin blanc et poisson trouve aussi son origine dans le fait que les régions côtières, au climat plus frais dû à la brise marine, sont propices à la production de blanc, qui était alors servi avec les produits de la mer. A l’intérieur des terres, par contre, le climat plus chaud favorise la culture de raisins noirs et donc la production de rouge. C’est également dans ces régions qu’est élevé le bétail et que la chasse au gibier a lieu. D’où la conviction que le vin rouge ne peut être combiné qu’à de la viande.
2. La règle de la couleur
Les traditions ne sont pas les seuls facteurs qui influencent le choix d’un vin: certains mécanismes psychologiques entrent également en jeu. Il a déjà été prouvé scientifiquement que notre vue a un impact sur notre goût. Cet élément doit aussi être pris en compte avant de sélectionner une bouteille.
Ainsi, le vin blanc est automatiquement associé aux ingrédients blanc, jaune ou vert clair (les nuances de couleur qu’il peut prendre). Le rouge sera plus vite servi avec des ingrédients foncés (rouges ou bruns). Cela se remarque dans différentes associations incontestées: vin blanc et poisson blanc, vin rouge et viande rouge, vin blanc et asperges, vin rouge et sauce tomate, vin blanc et fromage de chèvre, vin rouge et chocolat. Vous désirez associer vin blanc et viande? Votre sommelier vous conseillera alors d’opter pour de la viande blanche ou de la volaille. Du vin rouge et du poisson? Pensez alors aux variétés à la chair rose, rouge ou brune, comme le saumon, le thon ou le rouget. Les plats aux couleurs claires, tels que le waterzooi, sont souvent accompagnés de vin blanc, et les mijotés d’automne, avec du rouge. Les herbes aromatiques fraîches s’accordent très bien avec du blanc, tandis que les épices séchées plus foncées sont excellentes avec du rouge. Et pour les épices jaunes, comme le curry, un vin « jaune » comme un Gewürztraminer est alors le candidat parfait.
N’hésitez pas à appliquer cette règle à la maison: elle ne vous laissera presque jamais tomber. Parce que les invités mangent également avec les yeux.
3. La règle de la puissance
Le célèbre adage « qui se ressemble s’assemble » s’applique ici aussi. Les vins légers accompagnent les ingrédients légers, et les vins plus puissants, les goûts plus prononcés. Ainsi, un rouge doux (de préférence jeune et sans tannins, comme le beaujolais ou le bourgogne) est excellent avec du poisson, et un blanc plus puissant avec du gibier à plumes ou des champignons des bois. Les plats asiatiques relevés, avec lesquels il est souvent conseillé de servir un vin blanc moelleux, sont également très bons avec un vin rouge tannique. Le piquant est en effet un goût puissant, qui se combine donc à un vin qui l’est tout autant.
4. La règle du profil gustatif
Le principe le plus moderne en matière d’accord mets et vins consiste à faire correspondre le profil gustatif d’un jus et celui d’un plat. Cette règle rend obsolète l’automatisme qui était de choisir une bouteille en fonction de l’ingrédient principal d’une recette, viande ou poisson. Une sauce, une épice ou un légume peut dominer une assiette et il faut alors en tenir compte lors de la sélection du vin.
Les vins très fruités sont donc adaptés aux plats fruités: on pense à un Zinfandel californien, un Shirza australien ou un Amarone italien. Les nectars aux notes iodées s’accorderont à merveille avec les préparations iodées également: servez un Pessac-Léognan rouge avec des moules ou un Bandol avec du loup de mer. Et un vin sucré accompagnera un bon dessert, c’est de notoriété publique.
L’attention grandissante portée aux légumes ouvre également encore plus le champ des possibles. La diversité de variétés et de préparations est parfois un véritable défi pour les sommeliers: le choix était plus simple au temps de la viande et du poisson! La règle du profil gustatif prend alors tout son sens: crus et frais, cuits à la vapeur ou mijotés, légumes racines… à chaque option son vin adapté, léger et frais, rond et plein ou complexe et puissant.
5. La règle du contraste
En termes de goût, il ne faut pas toujours chercher l’harmonie: viser le contraste entre vin et mets peut aussi créer une expérience gustative intéressante. Servez un vin rouge léger avec un plat consistant comme des saucisses aux lentilles. Ou un riesling minéral avec une préparation aux saveurs fumées et saumurées. Ne pas oublier également l’exemple du plat piquant associé à un vin moelleux. Et pourquoi ne pas proposer un nectar doux pour accompagner des fromages corsés ou bleus?
Les plats acides sont par ailleurs à associer à un vin doux ou moelleux. L’acidité d’une assiette et celle d’un vin se renforcent mutuellement. C’est pour cela que les vins tanniques réagissent mal avec ce type de recettes: les tannins sont aussi appelés « acides tanniques ».
Et si votre choix n’est pas concluant? Pensez à ce vigneron qui nous a dit un jour, « si le plat me plaît, et que le vin me donne envie, tout ira bien! »
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