Portrait des trois femmes maîtres-brasseures qui règnent sur l’empire Kronenbourg

Céline Chauvin Schera, Laurence Gutfreund et Sylvie Lienhart

Trois femmes, trois postes-clés: à la brasserie Kronenbourg d’Obernai (Bas-Rhin), Céline Chauvin Schera, Laurence Gutfreund et Sylvie Lienhart contrôlent de bout en bout la production du premier site brassicole de France d’où sortent chaque année 7 millions d’hectolitres de bières.

Elaboration des recettes, vérification de la qualité de l’orge ou des levures, brassage, fermentation, embouteillage, packaging: rien n’échappe à leur surveillance. Au total, plusieurs centaines de paramètres. Autant dire que les pauses à siroter une « mousse » sont rares…

La difficulté, « c’est d’avoir une production constante, du 1er janvier au 31 décembre, d’une année sur l’autre » alors qu’elles travaillent à partir du vivant (les levures) et de matières premières, comme l’orge, qui varient en fonction des récoltes, résume Sylvie, 57 ans.

Entrée chez Kronenbourg en 1982, c’est elle qui concocte les recettes de bières, principalement pour le marché français, à partir d’un cahier des charges méticuleusement élaboré en amont lors de nombreuses réunions. « C’est une aventure collective, on ne se sent jamais seule », sourit Céline, 46 ans, responsable de la production à la brasserie.

Installé sur 70 hectares au pied des Vosges, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Strasbourg, le site baptisé « K2 » souffle en septembre ses 50 bougies.

« Gardienne du temple »

« Si vous n’aimez pas la bière, pas la peine de faire ce métier! Toutes les trois, on aime ce qu’on fait », tranche Laurence, 53 ans. Cette docteure en biologie, spécialiste des levures, se voit « un peu » comme « la gardienne du temple »: c’est elle qui veille, du début à la fin de la chaîne de production, sur la qualité des bières confectionnées dans l’unique brasserie du groupe.

C’est là que 700 personnes travaillent au brassage des bières: la fameuse « Kro », la « 1664 », la « Grimbergen » ou encore la « Tourtel », déclinées en plusieurs versions (avec ou sans alcool, blonde, blanche ou ambrée, fruitée ou amère…).

Au total, une cinquantaine de bières différentes qui font la renommée du brasseur alsacien: un demi-siècle après avoir quitté le quartier strasbourgeois éponyme de Cronenbourg, il produit désormais près d’un tiers des bières bues en France, dans un contexte de croissance de la consommation de bière.

Signe de cette bonne santé: le danois Carlsberg, qui a racheté en 2008 Kronenbourg, entend doper la production du site dans lequel il va investir 100 millions d’euros, après y avoir installé en 2014 son centre de recherche international.

« Challenges »

« Plus y a de challenges, plus c’est bien! », se réjouit Céline. « Moi et mes équipes, on a le stress plutôt positif », sourit cette brune énergique, diplômée en biochimie et entrée chez Kronenbourg en 1999. Certaines situations nécessitent des nerfs solides: « Il y a des décisions qu’il faut prendre tout de suite », comme la fois où il a fallu jeter plusieurs milliers d’hectolitres, explique-t-elle. « Il y a des projets qui sont très « challenging », on ne peut pas décevoir nos consommateurs », abonde Sylvie Lienhart. En cinq ans, cette titulaire d’un BTS biochimie a créé avec son équipe « cinq, six produits », soigneusement testés et goûtés avant d’être mis sur le marché.

La « Tourtel Twist », boisson sans alcool au goût fruité lancée en 2015, c’est elle. Un carton pour Kronenbourg… auquel elle ne croyait pas: après la réunion marketing évoquant le projet, « j’ai dit à mon mari: là, ils ont « pété les plombs »… »

Initialement destinée aux femmes — longtemps peu courtisées car réputées hostile à l’amertume –, la « Twist » illustre le récent virage commercial de Kronenbourg, et plus largement du secteur de la bière, qui n’hésite plus à cibler un public féminin.

Au sein des brasseries, les choses évoluent également, comme le montre la présence de Céline, Laurence et Sylvie à des postes stratégiques. « Il y a une quinzaine-,vingtaine d’années, il y avait peu de femmes dans (nos) secteurs », explique Céline Chauvin Schera, qui note que désormais « beaucoup de filles » lui déposent des demandes de stage.

Avant, la bière, « c’était un monde d’hommes (…), peu de femmes s’y intéressaient », se souvient Sylvie. Et lorsqu’une femme « buvait une bière, c’était presque vulgaire. Maintenant, ça devient courant. Les choses changent… »

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