Vin | Le retour de fortune du carignan, cépage espagnol longtemps mésestimé

vin rouge espagne
© Getty Images
Bruno Vanspauwen Journaliste

Notre expert ès flacons sirote les tendances et noie les idées reçues. Cette semaine, zoom sur un cépage qui revient en force après des décennies d’errance: le carignan.

Peu d’expressions viticoles sont aussi éloquentes que «faire pisser la vigne». A quel moment l’utilise-t-on? Quand un viticulteur tente de produire autant de grappes que possible par hectare, donnant naissance à un vin aqueux qui n’a rien à faire dans un verre. Pendant des décennies, un cépage en particulier s’apparenta à ce Manneken-Pis de la vigne: le carignan.

De couleur profonde, il est né dans la région de la Cariñena ibérique qui lui a donné son nom, avant de se répandre dans la Rioja sous le nom de Mazuelo et en Catalogne sous le nom de Samsó/Carinyena.

Sa caractéristique? Une peau épaisse qui le protège du soleil et qui s’est avérée idéale au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, quand les viticulteurs du Sud souhaitaient augmenter leur rendement en travaillant le moins possible. Or, le carignan peut facilement faire couler 200 hectolitres de jus par hectare. Quatre fois plus qu’un cabernet sauvignon!

Dans les années 90, l’Europe décide de fermer le robinet des subventions dédiées au vin baveux. En une bonne décennie, la moitié du carignan français disparaît, surtout dans le Languedoc. A sa place, apparaissent le cabernet sauvignon, le merlot et la syrah, qui jouissent d’une popularité internationale.

Mais le balancier des saveurs est impitoyable: en 2023, beaucoup de buveurs de vin en ont assez de ces cépages familiers trop classiques. Le carignan se révèle soudain original et plus authentique. Son côté «méditerranéen et épicé» s’occupe du reste. Grâce aux techniques modernes de vinification, sa peau épaisse et pleine de tanins n’est plus un problème. On peut désormais boire le carignan jeune, sans avoir à le laisser reposer en cave pendant des années.

Autant dire que les vignerons qui ont tenu bon sont aujourd’hui aux anges, appâtant leurs clients avec la mention «vieilles vignes» fièrement posée sur leurs étiquettes. Dans le Priorat, l’appellation phare de la Catalogne, on paie même des fortunes pour une bouteille de vieux carignan. Pas mal pour une boisson qui a soi-disant poussé ses premiers cris dans les urinoirs…

Notre sélection, goûtée et approuvée

GT-C, LePlan-Vermeersch, Rhône, France, 15,95 euros.
Signé par l’ancien pilote de rallye belge Dirk Vermeersch et sa fille Ann, un vin très concentré et épicé. Des tanins agréables et un élevage en fûts de chêne.
wijnendeclerck.be © National
Maria Ganxa, Pascona, Catalogne, Espagne, 12,95 euros
Issu des sols limoneux du Montsant catalan, un vin avec des notes de fruits rouges. En fin de bouche, l’acidité des épices méditerranéennes.
jjwijnen.be
1903, Domaine Roc des Anges, Roussillon, France, 31 euros.
Un grand cru de carignan de 120 ans d’âge de la France catalane. Le sol schisteux produit un vin complexe d’une longueur inouïe. Au nez, on rêve de maquis et de garrigue.
levipe.be
Mazuelo El Detalle, Norzagarai, Rioja, Espagne, 21,95 euros
Le carignan cueilli à la main magnifie ce vin souple et facile à boire. Un vin atypique d’un Basque argentin qui bosse dans les hauteurs de la Rioja Alavesa.
bottleneck.be

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