VRAI/FAUX: Les conseils d’un pro pour bien choisir ses épices

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Elles existent depuis la nuit des temps, mais elles connaissent aujourd’hui un nouvel âge d’or. Pourquoi sont-elles si aimées? Comment bien les choisir? Ont-elles réellement des vertus thérapeutiques? Sans tourner autour du pot (d’épices), l’expert Samir Ouriaghli nous éclaire.

Belge d’origine marocaine, Samir Ouriaghli grandit à Anderlecht, dans une famille ouvrière – père électricien, mère au foyer puis kioskière. La cuisine, c’est dans son sang depuis tout jeune. « L’amour des bons produits vient de mon papa, avec qui j’allais faire les courses. On faisait plusieurs magasins pour trouver le pain ou le poulet parfait. Je suis pareil: quand je reçois, je suis capable de courir dix boutiques pour que le repas soit le meilleur possible », sourit l’intéressé. Après les emplettes, c’est aux fourneaux, à côté de sa maman, qu’il s’installe pour apprendre l’art des épices faisant tanguer les recettes du quotidien. « J’ai été élevé avec une cuisine pleine de parfums. Quand j’allais manger chez des amis, je trouvais souvent les plats insipides. Je disais: « Les pauvres, ils n’ont que du sel et du poivre… » »

L’homme étudie à Solvay, avant de travailler dans les relations internationales à Bruxelles, puis à Casablanca et enfin à Paris où il pose ses valises. A la naissance de son premier enfant, c’est le déclic. « Je voulais lui inculquer des valeurs essentielles à mes yeux, l’accomplissement personnel, la passion, la liberté… et je ne m’épanouissais pas complètement dans mon métier. » Un jour, en achetant des épices au Maroc, il s’étonne: ce pays est moins riche que la France, mais on y trouve des trésors. Il enchaîne alors avec un CAP à l’école hôtelière Ferrandi et un voyage au Kerala en Inde, d’où provient notamment le poivre. Puis il décide d’importer ces saveurs en France – cumin, curcuma, gingembre, piments… -, avant de s’offrir un tour du pays pour y rencontrer des producteurs ou des cueilleurs d’aromates. Le résultat? Ankhor, un e-shop rempli d’épices sourcées, produites de façon raisonnée, récoltées et traitées dans l’Hexagone. Son art, Samir le peaufine au fil de ses escapades au bout du monde, apprenant les temps de maturation, les techniques de séchage, les pratiques respectueuses. Autant dire qu’il peut aujourd’hui distinguer le vrai du faux à propos des rumeurs qui courent depuis tant d’époques…

LE VRAI DU FAUX

Les épices sont aphrodisiaques

FAUX. C’est un mythe tenace, et pourtant, Samir Ouriaghli est contraint de nuancer: « Jusqu’à preuve du contraire, aucune étude scientifique n’atteste du caractère aphrodisiaque de certaines épices. » Certes, on peut affirmer que le gingembre ou le clou de girofle améliorent l’afflux sanguin. Et oui, dans l’Egypte ancienne, les femmes glissaient des grigris à la cannelle dans leur corsage pour envoûter leurs amants. « On sait aussi que le piment, par exemple, agit sur les sens et induit une chaleur qui met le corps dans un autre état. Du coup, forcément, cela peut le rendre plus réceptif à certains stimuli… » De là à en déduire trop d’affirmations, il y a un pas que nous ne franchirons pas.

Il faut remercier Charlemagne

VRAI. « En Europe, les Romains utilisaient beaucoup d’épices, tant sauvages (autochtones) qu’orientales (importées). Dans leurs recettes, c’est la deuxième catégorie qui était la plus représentée, ils épiçaient leurs plats beaucoup plus que nous, explique Samir Ouriaghli. Mais si nous avons des épices d’origine orientale cultivées chez nous, c’est surtout grâce à Charlemagne et son Capitulare de Villis vel curtis imperii, un ouvrage de 120 chapitres énumérant les décisions du Roi et dont trois chapitres entiers répertorient les plantes obligatoires à cultiver dans les jardins royaux, choisies pour leurs qualités culinaires, condimentaires et médicinales. Elles y sont regroupées en trois catégories: jardin des simples (menthe, romarin, sarriette, carvi, estragon, anis vert…), potager (persil, coriandre, aneth…) et verger (laurier, mûrier, pin…). Voilà pourquoi on trouve tant de variétés d’épices en Europe.

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Notre vocabulaire est épicé

VRAI. Jusqu’à l’ouverture des comptoirs et des routes des épices, en mettre dans ses plats était un signe d’extrême richesse. Les plus nantis se flattaient de pouvoir émerveiller leurs invités de saveurs venues de loin. « A l’époque, dès lors, il n’était pas rare de payer en épices, comme on pouvait payer en or, relate Samir Ouriaghli. Un kilo de poivre valait autant qu’un kilo d’or. » D’où l’expression « payer en espèces », espèces étant l’évolution phonétique du latin « species ». Quant à l’épicerie, au Moyen Age, elle était simplement un lieu où l’on vendait des épices… et rien d’autre.

Les pots des supermarchés sont à fuir

VRAI. « Plus l’épice est brute, proche de son état naturel, plus elle est goûteuse et mieux elle se conserve », insiste Samir Ouriaghli. La muscade est en noix, la cannelle en bâton, l’anis en étoile, le safran en filament. » Et haro sur ces ersatz achetés en grande surface, en conditionnement prémoulu. « Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi un pot de poivre moulu était moins cher qu’un pot de poivre en grains, dont la contenance est moindre? Simplement parce que dans les épices prémoulues, on ajoute des agents de charge, le plus souvent de la fécule de pomme de terre. » De quoi expliquer un goût affadi, voire quasi inexistant. Là où les épices qu’achète Samir sont des plantes déshydratées avec patience pour garder un maximum de saveur, celles des grandes surfaces sont souvent le produit d’une cuisson à haute température qui leur ôte une grande partie de leur goût.

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Le sourçage des variétés est crucial

VRAI. Souvent, les industries achètent à des grossistes, qui eux-mêmes achètent des épices dont on ne sait pas quand les plantes ont été récoltées ou traitées… En septembre 2021, en France, les services de répression des fraudes publiaient les résultats d’une enquête menée en 2019 sur les fameux petits pots d’épices vendus dans le commerce. Résultat? Dans un quart des cas, des anomalies sont apparues: ici des feuilles d’olivier broyées pour étoffer de l’origan, là du grignon d’olive (ce qu’il reste après l’extraction pour l’élaboration de l’huile d’olive, peau et noyau) dans le paprika, de faux AOP… La multiplicité des intermédiaires, et le fait qu’une épice ne présente aucun danger, même si elle est vieille, empêche un bon sourçage dans la grande distribution.

Vive les épices des souks!

FAUX. Quand vous pensez épices, vous pensez probablement à ces cônes colorés dans les souks au Maghreb ou sur les marchés en Asie. Pourtant… Oubliez! C’est joli pour la photo, mais catastrophique pour le produit. « Les deux ennemis principaux des épices sont la lumière et l’air, analyse Samir. Disposées sur des étals, elles ne peuvent que s’éventer et perdre en qualité. Il s’agit donc de conserver ses épices dans des récipients hermétiques et opaques. »

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Les épices sont saines et curatives

VRAI. Aujourd’hui, tout placard de cuisine qui se respecte possède un assortiment d’épices, et tous les chefs aiment rappeler qu’ils en cultivent dans leur propre potager. « La gastronomie ne cesse de gagner des galons, surtout depuis les confinements », observe Samir. Et quand on explore un sujet, on aime lui apporter de l’épaisseur, de la diversité. Les épices sont parfaites pour ça. On a également redécouvert leur potentiel curatif, ou du moins bénéfique pour la santé. Mieux: pour les végétariens, elles constituent un réel atout pour relever un plat peut-être un peu plus fade au naturel. « Contrairement au sel ou au sucre, les épices ne présentent aucun désavantage pour la santé. » Au contraire, elles ont mille vertus… qu’on ne détaillera pas ici, mais ce n’est pas la littérature qui manque sur le sujet.

ankhor.fr – Instagram: @ankhor.epices

3 hot spots

  • Le Marché des Chefs

Où donc dégoter les fameuses boîtes en alu de La Compagnie française des Poivres et des Epices? Au Marché des Chefs, à Bruxelles, où des cloches posées sur les condiments permettent une expérience olfactive, visuelle et gourmande. On soulève le verre, on hume, puis on déguste. Le must: la gamme de 4 000 poivres que le boss Arnaud Vincent compare à des vins, pour leur mode de production, leur façon d’être dégustés et leur traitement – certains sont fumés, infusés au whisky ou fermentés au sel.

cofraprep.com

marchedeschefs.be

  • Le Comptoir des Epices

Une histoire belge depuis 1925. Jadis basé dans la capitale, le comptoir a fini sa course à Stembert, dans l’est du pays. Quand nous contactons la gérante Anne Vériter, elle achève de moudre les quinze éléments d’un curry. Dans son atelier, elle transforme ses matières premières achetées brutes au Sri Lanka, en Inde, au Japon ou au Costa Rica. Une production bio à quasi 100%, « sauf le sel car en tant que substance minérale, il ne peut pas être estampillé bio, et un poivre du Viêt Nam qui n’a pas l’appellation mais dont le travail des producteurs est irréprochable. »

Liste des revendeurs: comptoir-des-epices.com

  • Le tour du monde en épices

Cette enseigne du Brabant wallon aime se définir comme « la boutique aux 300 épices ». On n’a pas compté, mais on la croit sur parole quand on se retrouve face aux étagères arborant un tas d’étiquettes allant des arômes classiques aux mélanges beaucoup plus inattendus. Egalement disponibles: vinaigres, moutardes, confitures, thés ou rhums « améliorés ». Encore mieux que des vacances.

letourdumondeenepiceswaterloo.business.site

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