Alain Leempoel, d’Arlequin à Kennedy

© Frédéric Raevens

Il rêvait de faire l’acteur. Il est aussi devenu metteur en scène, distributeur et producteur. Après trente-cinq ans sur les planches, la passion toujours intacte, il sera bientôt Kennedy.

C’est peut-être ce qui lui plaît le plus dans ce métier. Repartir chaque jour de zéro, derrière le rideau pas encore levé. Avec, au ventre, cette petite boule qu’il a fallu apprivoiser. D’ordinaire, elle le galvanise même, dès qu’il a mis les pieds sur scène… Il n’y a que les soirs de premières qu’elle le torture plus que de raison. « C’est complètement irrationnel, mais à ce moment-là, si je m’écoutais, je prendrais volontiers un aller-simple pour Honolulu ! », lâche-t-il, l’oeil narquois et le sourire en coin.

Comme souvent, c’est à l’école que tout a commencé. A l’athénée d’Uccle 1, sa réputation de pitre n’est plus à faire. Un prof, Jacques Kroïtor, saura la mettre à profit. « Lorsqu’il m’a proposé de rejoindre la troupe de théâtre, pour moi c’était une aubaine car nous pouvions brosser les cours pour assister aux répétitions, se rappelle Alain Leempoel. Et faire le clown sans être inquiété. »

L’année suivante, l’enseignant choisit de monter Arlequin serviteur de deux maîtres. Le père d’Alain, habitué des salles parisiennes, emmène l’adolescent au théâtre de l’Odéon. Sur scène, le Piccolo Teatro di Milano livre sa version de la pièce de Goldoni. « Tout en italien et sans sous-titres, se souvient celui qui aujourd’hui compte plus de trente-cinq pièces à son actif. Je suis resté scotché pendant trois heures et demie. »

Lorsqu’il se retrouve à son tour dans la peau d’Arlequin, quelques semaines plus tard, le déclic opère. « J’avais 16 ans et c’était décidé, je serais comédien », ajoute-t-il. Il rejoindra la classe d’André Debaar, au Conservatoire de Bruxelles, deux années plus tard. Il en est à peine sorti que des rôles mythiques de jeunes premiers – Christian de Neuvillette dans Cyrano, Colin dans L’Ecume des jours – lui tendent les bras.

Jacques Huisman, alors directeur du Théâtre National, lui propose d’intégrer la troupe à l’année. Il refuse. « J’étais bien naïf, ironise-t-il. J’avais envie d’être désiré, choisi par un metteur en scène, un directeur de théâtre. » Il enchaîne pourtant les distributions, joue près de deux cents soirs par an tout en répétant la journée pour le spectacle suivant.

Il lance en parallèle une première structure de production avant de prendre, en 1988, la direction de l’ADAC (NDLR : l’association des arts et de la culture, aujourd’hui disparue). Lui qui se décrit comme un « bouffeur de projets » y voit une opportunité d’assouvir sa boulimie de découvertes. L’ASBL qui se contentait jusque-là de diffuser des spectacles « à vedettes » venus de l’étranger produira aussi des artistes belges. Chez Willy sera présenté plus de 400 fois devant 120 000 spectateurs. Il programme Art de Yasmina Reza dans la distribution originale (Pierre Arditi, Fabrice Luchini et Pierre Vaneck) à Bruxelles avant de racheter les droits de la pièce et de la monter en s’offrant un rôle – celui de Marc le ronchon – au passage. C’est un carton.

Il grimpe encore sur les planches mais plus assez à son goût. Cela lui manque, l’insécurité – toute relative – de ses débuts lui fait des appels du pied. En 2004, il reprend sa liberté. Et ses activités de producteur indépendant sous la bannière de Panache Diffusion. Comme à ses débuts, il multiplie les rôles et s’apprête à se glisser dans la peau de Kennedy, en avril prochain.

Dans ce huis clos créé par Thierry Debroux, la face publique de « winner » de l’ancien Président des Etats-Unis laisse place à l’ombre d’un homme brisé de l’intérieur. Ces mots qu’il sera le premier à dire en public lui résistent encore un peu – « j’ai une routine, je m’entraîne en forêt, à voix haute, avec mon chien, il connaît tous mes textes » -, cela fait partie du jeu. Viendront ensuite les lectures à plusieurs, les « vraies » répétitions. Avant cette satanée première. Qui le laissera une fois de plus, en coulisses, le coeur battant.

Kennedy, au Théâtre du Parc à Bruxelles, du 14 avril au 14 mai prochains. Et en juillet, au théâtre du Chêne noir, dans le Off du Festival d’Avignon.

CINQ DATES CLÉS

1982 Il est Christian de Neuvillette dans le Cyrano de Bergerac de Bernard De Coster, au Théâtre National.

1988 Il prend la direction de l’ADAC qu’il quittera en 2004.

1998 Il joue à 180 reprises Marc dans Art de Yasmina Reza.

2014 Il monte avec Jacqueline Bir la pièce Conversations avec ma mère qui tourne encore aujourd’hui.

2016 Il interprétera Kennedy de Thierry Debroux.

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