Bernard Dubois, brouilleur de codes pour Aesop

© FRÉDÉRIC RAEVENS
Fanny Bouvry
Fanny Bouvry Journaliste

L’architecte belge dessine des boutiques et des maisons aux quatre coins du monde. Il signe l’enseigne bruxelloise du label Aesop, où il joue avec les références au plat pays pour créer un élégant écrin destiné à ces soins de beauté premium.

C’est ce qui s’appelle un mariage réussi entre une architecture pointue et un label alternatif. Depuis sa création en 1987, la ligne de cosmétiques Aesop multiplie les collaborations avec des bâtisseurs de renom, l’idée étant de faire de chacune de ses boutiques un témoignage du savoir-faire local. Les Italiens de Dimore Studio, les Norvégiens de Snohetta, ou les frères Campana, à São Paulo, ont déjà signé une enseigne. Depuis décembre 2018, notre capitale dispose également de son adresse, pensée par un concepteur du cru, Bernard Dubois.

Lorsqu’il arrive sur place pour nous faire visiter cet antre dédié à la beauté, le Bruxellois a le regard qui court partout, comme s’il vérifiait que tout est toujours bien en place. Alors que notre photographe s’apprête à cadrer un luminaire de l’aménagement, il intervient: « Celui-ci n’est pas définitif, je préfère qu’il n’apparaisse pas… » C’est que dans ce petit espace très en longueur, où sont présentés les flacons au design pharmaceutique de la marque, il a étudié chaque détail au millimètre. Sols et murs sont ainsi couverts de briquettes jaunes, de celles que l’on retrouve à la côte, sur le bâtiment emblématique de la place Flagey ou la maison Wolfers d’Henry van de Velde, à Ixelles. « Aesop confie chacune de ses implantations à un architecte de la région pour qu’il amène une vision de son pays, explique notre interlocuteur. Moi, je suis parti de ce matériau très belge, inscrit dans notre imaginaire collectif. Et j’ai opéré un déplacement. Ce type de maçonnerie est toujours posé horizontalement en façade. Ici, on a placé les éléments verticalement à l’intérieur. Cela apporte une connotation plus tropicale. »

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Le lieu est à l’image du portfolio de ce diplômé de La Cambre (2009), qui réalise de nombreux magasins mais aussi quelques projets résidentiels, jusqu’en Chine ou à Los Angeles. « Ce qui est intéressant dans ces concepts commerciaux, c’est le champ d’expérimentation qu’ils offrent pour développer un de mes thèmes récurrents: le brouillage des codes. Au cours du XXe siècle, l’histoire de l’architecture s’est présentée comme une suite de révolutions – modernisme, post-modernisme, etc. – amenant sa cohorte d’idéologies et de formes reconnaissables. Maintenant, on vit dans un univers plus diversifié et plus détaché de notre histoire occidentale, avec par exemple la Chine qui, en s’ouvrant, absorbe notre passé comme un catalogue graphique dépourvu de dogmes. Finalement, ce n’est pas une si mauvaise façon d’envisager les choses… »

C’est dans cette optique que le cocurateur du pavillon belge pour la Biennale de Venise de 2014 s’amuse avec les époques, pour un résultat hors du commun. Comme chez Zadig & Voltaire, à la rue Cambon à Paris, où il a conservé un vocabulaire classique, avec un plan de pièces en enfilade, des corniches, des encadrements de porte, mais traités avec du béton projeté et de l’acier étiré… « L’ensemble paraît couler de source mais en même temps c’est un peu absurde », sourit-il, avouant que ces réflexions spatiales occupent finalement toute sa vie… « J’ai parfois l’air coupé du monde, observe-t-il. Mais suivre l’air du temps, ça ne m’intéresse pas. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles je suis toujours basé en Belgique, parce que c’est calme et que ça permet de prendre du recul. J’envisage vraiment ma pratique dans le sens des architectes de toujours, sauf des vingt dernières années: quelqu’un qui puisse mener une réflexion théorique, comme créer un bâtiment, un intérieur ou du mobilier. Dans le monde actuel, on tend à mettre les gens dans des boîtes. Et chacun ignore ce qui se passe dans celle d’à côté. Ce n’est pas ce que je vise… », conclut-il avant de déployer sa silhouette longiligne pour jouer les modèles, devant cette brique jaune qui raconte, dans une petite boutique chic, notre belle belgitude.

En quelques mots

Fondé en 1987, à Melbourne, par le coiffeur Dennis Paphitis, Aesop a toujours eu pour leitmotiv de créer des produits avec des ingrédients végétaux de qualité, par respect pour la santé de l’homme et la nature. Les soins visage, corps et cheveux sont tous conditionnés dans des flacons ambrés rappelant ceux des apothicaires. Notons qu’en plus des enseignes anversoise (Kammenstraat) et bruxelloise (rue de Namur), la marque est disponible dans notre capitale chez Senteurs d’Ailleurs.

www.aesop.com

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